Loi d'orientation de l'éducation : "Approbation d'une aventure aux risques et incertitudes énormes"
Loi d'orientation de l'éducation
"Approbation d'une aventure aux risques et incertitudes énormes"
La loi d'orientation de l'éducation au Burkina Faso adoptée le 30 juillet dernier par l'Assemblée nationale ne fait pas l'unanimité comme on le constatera à travers la déclaration suivante, datée du 30 juillet même. Selon le Groupe parlementaire "Alternance-Démocratie et Justice" (ADJ), en effet, toutes les conditions d'une bonne réorientation n'étant pas réunies, l'adoption d'une telle loi serait l'approbation d'une aventure aux risques et incertitudes énormes.
Le Groupe parlementaire «Alternance - Démocratie et Justice (ADJ) voudrait affirmer que l'éducation est le moyen fondamental de la formation des citoyens : bien éduqués, les citoyens sont capables de réaliser le développement matériel et immatériel de toute société; mal éduqués, ils en provoquent la paupérisation matérielle et immatérielle. Au regard des faiblesses quantitatives et qualitatives de notre système éducatif, notre groupe parlementaire reconnaît l'impérieuse nécessité de le réorienter, de le réformer pour qu'il forme mieux de véritables agents du développement. Pour ce faire, à notre sens, il faut réunir les conditions d'une bonne réorientation qui sont entre autres: une concertation effective et fructueuse avec tous les acteurs de l'éducation ; une bonne préparation technique, pratique et administrative ; une adhésion de l'opinion publique au terme d'une communication convaincante; des garanties quant à l'obtention des moyens matériels, pédagogiques et financiers nécessaires.
La présente loi d'orientation de l'éducation remplit-elle ces nécessaires conditions ? Notre groupe parlementaire pense qu'elle ne les remplit pas suffisamment. En effet :
- dans l'élaboration de la présente loi, les différents acteurs de l'éducation n'ont pas été suffisamment associés et notamment les enseignants qui, par leurs organisations syndicales les plus représentatives, ont déploré cet état de fait et souhaité plus de concertation et même des assises nationales sur l'éducation ;
- la préparation technique, pratique et administrative qui d'ailleurs se poursuit alors que le gouvernement veut appliquer la loi dès la rentrée prochaine ; cette préparation est donc inachevée. Elle nous laisse dans de grandes incertitudes quant aux capacités du gouvernement à trouver des solutions idoines aux problèmes liés à l'éventuelle application de la loi. Ce sont des problèmes pédagogiques (ceux liés au nouveau découpage de l'éducation de base, aux effectifs, etc.) ; des problèmes administratifs (ceux liés notamment aux tutelles administratives de l'éducation de base) ; des problèmes matériels (ceux notamment liés à la disposition des locaux). Cet état des lieux nous convainc que la présente loi d'orientation n'est pas accompagnée des garanties suffisantes quant aux capacités pédagogiques, matérielles, financières et administratives du gouvernement pour l'appliquer dès la rentrée prochaine ;
- cette importante réorientation du système éducatif n'est pas comprise par l'opinion publique qui n'en perçoit que la gratuité dès la rentrée prochaine. Cela démontre amplement que cette opinion n'y a pas été préparée. Elle risque alors d'être frustrée et de peser négativement sur l'application éventuelle d'une loi fondamentale à laquelle elle n'a pas été associée...
Des conditions insuffisamment remplies
En plus des conditions insuffisamment remplies pour un réel succès dans l'application de cette loi d'orientation, notre Groupe parlementaire observe que ladite loi met trop l'accent sur les aspects quantitatifs de l'éducation: nombre de classes ouvertes même sous des hangars et des huttes, passages automatiques en classe supérieure à certains niveaux, etc. Elle néglige ainsi la qualité de l'éducation: maintien de certaines conditions d'ouverture des classes et de certains redoublements, des mesures d'encouragement des enseignants, acteurs directs et déterminants dans le succès de la loi d'orientation.
Par ailleurs, si notre Groupe parlementaire se félicite des caractères gratuit, obligatoire, laïc et prioritaire de l'éducation prônés par ce projet de loi, il doute fort quant à son financement et à sa pérennité. En effet, ce financement repose essentiellement sur des projets qui eux-mêmes sont provisoires par nature et financés par l'extérieur. Aucune garantie quant aux capacités permanentes de financement au niveau de l'Etat ! De ce fait, toute application partielle, tout arrêt, même provisoire dans l'éventuelle application de ladite loi, déstabiliserait notre système éducatif avec des conséquences multiples, aujourd'hui incalculables.
Au terme de cet argumentaire, notre Groupe parlementaire est convaincu que le présent projet de loi d'orientation de l'éducation au Burkina Faso a été élaboré sans les conditions préalables de succès dans son éventuelle application. Ce projet a été précipitamment présenté à l'Assemblée nationale pour avoir la caution légale d'une réorientation qui est déjà en réalité en cours d'exécution et qui risque non pas de solutionner les problèmes de notre système éducatif, mais de les aggraver. C'est pourquoi tout en reconnaissant la nécessité d'une nouvelle loi d'orientation réformatrice, notre Groupe parlementaire est convaincu que l'adoption du présent projet de loi serait l'approbation d'une aventure aux risques et incertitudes énormes. C'est pourquoi notre Groupe parlementaire ADJ ne saurait approuver un tel projet de loi. En conséquence, il a décidé de s'abstenir.
Le président du Groupe parlementaire
Bénéwendé S. Sankara
L’Observateur Paalga du 3 août 2007
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