Togo : Le compte à rebours a commencé
Togo
Le compte à rebours a commencé
Cette semaine ou la suivante, les Burkinabè verront encore à Ouaga 2000 l’imposante silhouette de Pascal Bodjona, dircab. du président Faure Gnassingbè, et celles, entre autres, de Léopold Gnininvi, ministre des Mines et surtout patron de la Convergence démocratique des peuples africains (CDPA), de Zarifou Ayeva, ministre des Affaires étrangères et, lui, président du Parti pour la démocratie et le renouveau (PDR), ou encore de Georges Lawson de l’Union des forces pour le changement (UFC).
Ils viendront tenir sans doute la 8e session du Comité de suivi de l’Accord politique global (APG) sous la présidence habituelle de celui qui en fut le maître d’œuvre, Blaise Compaoré. Une session qui aura encore plus de relief après la fin du recensement général, intervenu le 19 août dernier au Togo .
Avec la clôture de cette étape du processus (débuté le 16 juillet), c’est un véritable compte à rebours qui commence pour les Togolais et pour la communauté internationale, notamment l’Union européenne, qui doit aider ce pays à réussir (ces législatives vont coûter 17 milliards) cette transition qui, cahin-caha, s’achemine vers une fin heureuse ; du moins est-il temps d’espérer (1) comme l’a professé, il y a quelques années, l’ex-premier ministre, Agbéyomé Messan Kodjo.
En effet, comme nous l’écrivions dans notre édition du 23 juillet 2007, la préoccupation essentielle des protagonistes togolais est la tenue des législatives dans les délais constitutionnels, c'est-à-dire avant le 22 octobre prochain. C'est ce qu’a résumé le président de l’APG et facilitateur dans ce dialogue intertogolais en affirmant : «ce qui est capital pour le Togo est l’organisation de ce scrutin».
Ainsi donc, de Lomé à Kara en passant par la région Bassar, les Togolais en âge de voter possèdent chacun, suite à cette opération, une carte d'électeur numérisée avec photo d’identité. Un fait qui réjouit même l’opposant historique de toujours, Gilchrist Olympio de l’UFC, qui a retiré la sienne le jour même de la fin de du recensement à Devinkimbé, à 30 km à l’est de Lomé et qui a tenu dans la foulée un meeting à Aného, une autre localité du Togo, signe que chacun croit au processus. Car, sauf omission de notre part, excepté un bref passage lors de la présidentielle d’avril 2005, «Gil» évitait soigneusement le Togo, se contentant de poser ses valises au Ghana voisin lorsqu’il séjournait en Afrique. Même à la messe organisée à Lomé par Faure Gnassingbè en janvier dernier à la mémoire de son défunt père, il était aux abonnés absent.
A juste raison, rétorqueraient ses partisans qui rappellent que le 5 mai 1992, il a été victime d’un attentat et n’a eu la vie sauve qu’in extremis grâce à une évacuation rapide.
Les temps ont changé, certes, et le jeune président essaie de n'être plus que le fils de son père en tentant d'incarner une sorte de «rupture» (par exemple il travaille en bonne intelligence avec son PM, Agboyibor) non seulement par la méthode de gouverner, mais aussi par ses propos : «Je suis le président de tous les Togolais, je ne suis ni l’élu du Sud, ni celui du Nord, mais celui de tous» (2) avait déclaré Eyadéma-fils, le 26 avril 2005 à la suite de Mme Kissen Tchangai Walla, présidente de la CENI, qui l’avait déclaré vainqueur, à l'issue d'une présidentielle controversée qui s’était déroulée dans la violence, avec à la clef, l’exode de milliers de Togolais vers le Ghana et le Bénin.
Aujourd’hui, bon nombre de ces réfugiés sont revenus au Togo, et Faure Gnassingbè a exprimé sa compassion envers les familles endeuillées, car il sait que rien autant que l'exil forcé ne crée de l'aversion pour un régime. Surtout encore qu’il a à l'esprit le précédent de 1998 (3). Il a, par ailleurs, multiplié les actes de bonne volonté, et chaque fois qu’il en a l’occasion, il invite ses compatriotes à s’impliquer dans ce processus, qui doit réintégrer pleinement le Togo dans le concert des Etats de droit.
Mais voilà, tout processus, tant qu’il n’est pas arrivé à son terme, demeure sujet à des aléas divers, et celui du Togo n’échappe pas à cette règle, quasi immuable, qui frappe toute œuvre qui a un début et une fin. En effet, une chose est d’avoir des cartes d’électeurs infalsifiables, un bon fichier électoral, bref une CENI performante et une autre chose d’avoir la garantie d'un scrutin transparent, équitable et apaisé.
L'enjeu de ces législatives est connu de tous et incite en conséquence à la prudence. Car soit l'actuel locataire de la présidence togolaise sort majoritaire de ce vote avec le RPT, et a les coudées franches pour gouverner en nommant un premier ministre de son camp ; soit il devra subir à nouveau la cohabitation comme c’est le cas actuellement avec le gouvernement intérimaire, dirigé par le patron du Comité d’action pour le renouveau (CAR), à moins qu’on en revienne au syndrome Edem Kodjo (4). De même, ce vote déliera les cordons de la bourse des bailleurs de fonds notamment l’Union européenne (UE), car c’est le dernier des 22 engagements que le pays doit satisfaire avant de voir ses caisses remplies de nouveau par les Européens, qui avaient fermé le robinet depuis 1993. On le voit, il faudra à tous les protagonistes de la scène politique encore et toujours de la sagesse et du patriotisme pour qu'ils en sortent définitivement.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L'Observateur Paalaga du 21 août 2007
Notes :
(1) En juin 2003, Agbéyomé Kodjo, alors premier ministre d’Eyadéma, écrit une lettre au vitriol à son mentor, intitulée «il est temps d’espérer», avant de s’enfuir.
(2) : Lire l’Obs. du 27 avril 2005, Faure déclaré vainqueur dans un climat insurrectionnel.
(3) : Cf. l’Obs. du 1er septembre 1998, dans l’article : Togo, les populations ne veulent plus du régime, dans lequel il est question de tueries et de largages de corps dans la mer.
(4) : Aux législatives de février 1994, Edem Kodjo, en se ralliant au RPT avec ses 7 députés, obtint la primature face à Agboyibor à qui revenait le poste.
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