L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Trésor public : Controverse autour de la mutuelle des agents

Trésor public

Controverse autour de la mutuelle des agents

Alexandre Pagomziri Ouédraogo est président du MBEJUS (Mouvement burkinabè pour l’émergence de la justice sociale) et fonctionnaire du Trésor public. C’est à ce double titre qu’il évoque, dans cet entretien, la situation des droits de l’homme au Burkina et la gestion de la mutuelle des agents du Trésor. Pour lui, des zones d’ombre planent sur cette gestion et il faut un audit des comptes.

"Le Pays" : En tant que défenseur des droits humains, quel regard jetez-vous sur la situation des droits de l’homme au Burkina en 2007 ?

Pagomziri Alexandre Ouédraogo : L’année 2007 a connu une très grande activité tant au niveau politique que social. Pour ce qui nous concerne, c’est-à-dire pour le MBEJUS, l’année n’a pas été de tout repos. 2007 ou l'année Thomas Sankara a vu la commémoration du 20e anniversaire de l’assassinat du président du Faso. La jeunesse burkinabè, dans sa grande majorité, s’est mobilisée pour cet anniversaire. L’année 2007 a aussi été celle des élections. Au niveau de notre organisation, nous avons constaté que le droit de l’électeur n’avait pas été respecté. En témoignent la déclaration que nous avons eu à faire et les constats du Conseil constitutionnel selon lesquels il y a eu des fraudes. La fraude a été avérée et reconnue par l'institution dans les régions du Nord, du Centre-Ouest, du Centre et des Hauts-Bassins. C’est pourquoi nous disons que le choix de l’électeur n’a pas été visible. C’est une offense aux droits de l’homme. Nous avons assisté aussi à un certain nombre de problèmes au niveau des populations, notamment des morts inexplicables. Nous n’avons pas les moyens pour situer les responsabilités sur ces décès. Mais il faut reconnaître qu’il y a eu une avancée malgré les problèmes que notre pays a rencontrés. En général, je dirai que les droits humains au Burkina ont été mi-figue, mi-raisin parce qu'un certain nombre de problèmes est resté en l’état.

Pour 2008, avez-vous un plan d’actions pour faire aboutir ces dossiers ?

Nous avons un programme Formation-éducation-sensibilisation en droits de l’homme que nous avons engagé depuis 2002 avec l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique et que nous allons poursuivre. Nous allons continuer dans l’animation des maisons de justice malgré la faiblesse de nos moyens. Ces maisons de justice ont connu un très grand succès au niveau des populations quand on sait qu’en 11 mois de travail, nous avons traité 937 dossiers. Nous allons toujours aider les justiciables à résoudre leurs problèmes de droit. Nous travaillerons aux côtés des populations pour l’aboutissement des dossiers pendants en justice. La Justice a des problèmes de moyens pour prendre en charge un certain nombre de dossiers. Nous avons des pays amis qui peuvent aider à résoudre ces problèmes. La Chine de Taïwan, qui a octroyé des ordinateurs portables aux députés peut travailler à ce que chaque magistrat puisse en disposer, ce qui va lui permettre de mieux traiter ses dossiers. Si les moyens sont mis à la disposition de la Justice, on peut alors faire pression pour que la lenteur que nous constatons au niveau de cette institution prenne fin.

En tant que fonctionnaire du Trésor, vous avez été à l’initiative de deux pétitions sur la gestion de la mutuelle des travailleurs. Pourquoi ces pétitions ?

Effectivement, l’administration du Trésor, dans sa quête de l’excellence, a encouragé la famille du Trésor à s’organiser en mutuelle pour la prise en charge des problèmes que la direction n’est pas en mesure de cerner. Quelle que soit la force d’une direction, elle ne peut pas gérer tous les problèmes économiques et sociaux des agents. C’est pourquoi nous avons applaudi la naissance de la mutuelle des agents du Trésor, en 2000. L’administration a donné le meilleur d’elle-même en accordant tous les moyens possibles, la caution morale et financière, pour que cette mutuelle puisse être mise en place ; c’est ce qui a été fait. Mais à l’heure actuelle, nous déplorons la manière dont le travail se fait au niveau de cette mutuelle parce qu’elle est devenue l’apanage d’un petit groupe de personnes qui font leur diktat sur plus des 2 000 agents du Trésor.

Que reprochez-vous exactement aux responsables de cette mutuelle ?

La mutuelle a été créée en 2000, un bureau fut mis en place pour deux ans. Nous critiquons, dans un premier temps, les textes mêmes qui régissent la mutuelle. Le mutualiste n’a pas la parole. Il doit d’abord s’adresser à une première personne qui, à son tour, va s’adresser à une seconde personne qui, maintenant, va répercuter l’information au niveau de la direction de la mutuelle. Pour une association, le système de gestion n’est pas conforme à la loi régissant la vie des associations. Un membre d’une mutuelle doit être en mesure d’assister aux assemblées générales. Tous les membres ont droit à la parole. Le bureau mis en place depuis 2000 n’a plus été renouvelé officiellement. Ce bureau a une manière de gérer la mutuelle qui décourage et sème le doute. Les opérations menées n’intéressent pas les membres. Il y a des opérations qui n’ont pas eu l’adhésion de plus de 6 personnes sur les 2000 membres. Il n’y a pas de transparence dans la gestion de la mutuelle parce qu’aucun compte rendu n’est fait aux membres. Ce sont des bribes d’informations qui sont souvent données et qui ne satisfont personne. C’est la raison pour laquelle nous avons initié une pétition en 2004 pour demander à la mutuelle de changer de fusil d’épaule parce que nous n’avons plus confiance en ce qui se passe. Le bureau nous a dit que cela allait se faire. Nous avons mis la pétition de côté pour privilégier le dialogue. En septembre dernier, le comité d’initiative s’est vu obligé de lancer une seconde pétition, mais j’avoue que les choses ne changent pas. Le bureau sortant ne semble pas prêt à rencontrer le comité d’initiative et à partager ses préoccupations qui se trouvent être celles de tous les mutualistes.

Face à cette situation de blocage, qu’entendez-vous faire ?

C’est en effet une situation de blocage. Nous n’avons pas souhaité évoquer ce problème publiquement, mais face à des personnes qui ne veulent pas prêter attention à nos appels, nous sommes obligés de porter le problème au niveau de la presse pour que l’opinion nationale, notamment les dirigeants du Trésor, interpellent les responsables de la mutuelle sur leur gestion. Le Trésor est une puissance publique qui peut amener le bureau de la mutuelle à entendre raison.

Quelles sont les sommes en jeu dans cette affaire ?

Les produits qui alimentent la caisse de la mutuelle sont de divers ordres. Il y a l’appui que le Trésor public apporte, la contribution du Fonds commun, les droits d’adhésion, la cotisation de 18 000 F CFA par personne et par an, le fruit de la vente aux enchères d’engins que la Direction rétrocède à la mutuelle. Malheureusement, le mutualiste ne bénéficie ni de ses cotisations, ni de l’apport du Trésor. Nous recommandons à l’administration du Trésor d’user de la puissance publique qu’elle a pour interpeller l’ancien bureau de la mutuelle pour qu’ensemble, avec les organisations sociales, notamment les syndicats et le comité d’initiative, on puisse s’asseoir et échanger sérieusement sur les voies et moyens de donner un souffle nouveau à la mutuelle. L’objectif premier de cette mutuelle est d’aider l’administration du Trésor à pouvoir gérer le social. Nous avons demandé la mise en place d’un comité de relance de la mutuelle qui sera composé des syndicats, du comité d’initiative et, pourquoi pas, de l’ancien bureau.


A l’heure actuelle, le bureau fonctionne-t-il ?

Pour ce qui est de la collecte des fonds, ça fonctionne à merveille parce que les cotisations sont retenues à la source. Tout agent du Trésor, obligatoirement, a payé, paye et paiera ses cotisations. Le problème, ce sont les opérations tendant à intéresser les mutualistes, que nous ne voyons pas. A quoi sert l’argent collecté ? Nous voulons voir clair dans la gestion de cette mutuelle et qu’on en audite les comptes. Nous souhaitons que toutes les retenues tendant à approvisionner la caisse de la mutuelle soient suspendues jusqu’à ce que la lumière soit faite sur la gestion de l’ancien bureau.

Propos recueillis par Mahorou KANAZOE

Le Pays du 10 janvier 2008



09/01/2008
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