Un employé, ça ferme sa gueule ou ça se limoge
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Un employé, ça ferme sa gueule ou ça se limoge
Terminus. Saboteur débarque. Par une conférence de presse convoquée en catastrophe et animée par ses seconds couteaux, la Fédération burkinabè de football (FBF) a annoncé qu'elle mettait fin, avant terme, au contrat de l'entraîneur de l'équipe nationale de football. Les gourous de la Fédé, son président Seydou Diakité, son vice-président, Salif Lamoussa Kaboré, et son secrétaire général, Joseph Zangréyanogho, ont pourtant été aperçus au siège, mais ils n'ont pas daigné venir annoncé, par eux-mêmes, le limogeage du coach, qu'ils avaient pourtant intronisé triomphalement il y a à peine 9 mois, c'est-à-dire pas même le temps nécessaire pour accrocher d'une équipe solide.
Tout s'est passé comme si, en envoyant aux charbons Alpha Barry, le secrétaire à la communication, et André Badoh, le secrétaire aux relations extérieures, les premiers responsables de la Fédé ont voulu banaliser la nouvelle et ne pas donner à cette affaire une importance, qu'à leurs yeux, elle n'aurait pas.
Et pourtant, elle repose, de façon cruelle, le problème de la gestion, entre amateurisme, improvisation, querelles de personnes et de clocher, instabilité chronique de l'encadrement technique, de notre sport-roi.
Il faut dire que ce qui arrive n'étonne personne tant les divergences entre le coach et les dirigeants fédéraux étaient visibles comme le nez au milieu de la figure. Semaine après semaine, tous les ingrédients de la rupture se sont en effet accumulés sous le regard impuissant du ministère des Sports, tantôt juge, tantôt partie et qui pensait avoir désamorcé la crise (1).
Grosso modo, il est reproché à Drissa Traoré le choix de ses hommes, certains l'accusant ouvertement d'avoir, pour des problèmes d'humeur, mis sur la touche des cadres de l'équipe nationale (Moumouni Dagano, Aziz Nikièma, Mahamoudou Kéré, Kambou Bébé, Yahia Kébé...) et de vouloir repartir presque de zéro avec une nouvelle ossature, alors que ce n'est pas ce qu'on lui a demandé.
Interviewé par notre confrère "Le Pays" dans son édition n°3826 du lundi 12 mars 2007, Jean-Pierre Palm, après avoir tenté une médiation entre la FBF et son coach, martelait, entre autres vérités, ceci : "...Il a été rappelé à Saboteur qu'il est un employé de la Fédération. Je pense qu'une équipe nationale n'est pas une propriété privée... Saboteur n'est pas venu pour bâtir une nouvelle équipe, mais pour nous qualifier pour la CAN 2008... Sur le terrain, il est le roi, mais je suis désolé, il n'est pas le propriétaire de l'équipe... Un employé ne peut pas vouloir tenir tête à son employeur... La FBF a dit que si cela continuait, elle allait être obligée de se séparer de lui...".
Mais Saboteur, c'est bien connu, n'est pas un mouton facile à tondre. Homme d'expérience et de principe pour les uns, inutilement difficile et ayant de surcroît une haute idée de sa personne pour les autres, il a, si on ose dire, usé de son droit de réplique après avoir gardé le silence (une véritable torture s'il en est) et ronger son frein.
Dans un entretien accordé à Ouaga FM le vendredi 13 avril dernier et repris par L'Observateur paalga (2), il s'est en effet défendu pied à pied, notamment sur l'absence de certains pros, les blessures supposées ou réelles de quelques-uns, bref, l'indigence du matériau humain (sur ce point il n'a pas tort), qui l'obligeait à colmater les brèches et à faire avec ce qu'il avait sous la main. Puis, il assène, au détours d'une phrase, qu'étant actuellement tenu par une obligation de réserve (un bien grand mot) que lui imposerait sa charge, il aurait des choses à dire quand il ne serait plus entraîneur : "Le jour où la Fédération va mettre fin à ma mission, je deviendrai un citoyen ordinaire. Je pourrai parler à ma guise et dire au peuple burkinabè la vérité. Chacun en aura pour son compte". Comme s'il détenait, par-devers lui, des informations qui pourraient faire sauter mille fois la Fédé ; comme s'il y avait des choses pas claires dans la gestion du onze national, dont certains profiteraient et que ce serait parce que lui, le redresseur de torts, s'y opposerait qu'on lui en veut.
C'est sans doute cette petite phrase, cette menace à peine voilée de déballage qui a fait déborder le vase.
Et en limogeant son employé parce que le déficit de confiance est désormais difficile à combler, l'employeur semble lui dire : "Puisque ton boulot te bâillonne tant, eh bien, nous te libérons pour que tu puisses t'exprimer". Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la Défense de François Mitterrand, mais opposé à la participation de la France, sous la houlette des Etats-Unis, à la "Tempête du désert" en 1991, avait lâché, avant de rendre son tablier, ces quelques mots entrés dans l'histoire : "Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne". On pourrait dire, dans le cas qui nous concerne, qu'un entraîneur, ça ferme sa gueule ou ça se limoge.
On trépigne maintenant d'impatience de voir la sortie prochaine du livre de révélations de Saboteur qui, en acceptant de reprendre les Etalons, savourait une revanche intérieure après son débarquement, il y a 11 ans, en pleine CAN sud-africaine.
L'aventure aura finalement tourné court, mais dans cette affaire, plus que Saboteur, c'est sa fille, l'artiste- musicienne Sonia Carré d'As, qui doit être la plus malheureuse ; dans un entretien accordé à L'Observateur dimanche il y a quelques années de cela, elle avait en substance déclaré, après "l'injustice de Cap town", qui avait été faite à son géniteur, que même si on le rappelait à la tête du onze national, même pour tout l'or du monde, ses enfants s'y opposeraient et lui intimeraient l'ordre de refuser l'offre. On l'imagine disant, aujourd'hui entre deux sanglots et quelques notes d'Ingratitude, un de ses tubes fétiches : "Papa, on t'avait prévenu".
A la vérité, on doit se dire qu'en l'espèce, Diakité et ses camarades ont perdu leur sang-froid face à ce qu'ils considèrent être une forme de chantage ; car si tant est que les options du coach étaient mauvaises, autant le laisser aller droit dans le mur et rompre l'accord avec des raisons autrement plus sérieuses. A moins qu'ils aient eu peur que, malgré les difficultés de l'opération, Saboteur qualifie ses poulains, contre toute attente, pour Accra 2008 et qu'ils se trouvent, de ce fait, obligés de le supporter encore quelques mois. Les conférenciers de vendredi dernier ne sont-ils pas convaincus que nos chances de nous qualifier ne sont pas encore totalement compromises ? Même si, pour eux, c'est en gardant le coach indésirable qu'on aurait compliqué davantage une situation déjà suffisamment difficile.
Le comble, c'est que la Fédé n'a pas pris la peine ou jugé utile de prospecter pour trouver le remplaçant de "l'ingérable" Saboteur avant de lui signifier son congé, comme si la décision avait été prise sur... un coup de tête (honni soit qui mal y pense).
Quoi qu'il en soit, le résultat est le même avec ce détestable sentiment d'éternel recommencement d'un football toujours à la recherche de ses marques ; ça peine, ça rame douloureusement comme des galériens, mais ça n'avance pas vraiment, tant les récifs sont nombreux. Dans quelques jours, on va encore nous emmener un blanc-bec payé au moins 15 000 euros (environ 10 millions de francs CFA) par mois, pour les moins chers, mais il semble que ce soit souvent le sacrifice financier à faire si on veut des résultats, quand bien même ces expatriés, excepté la parenthèse exceptionnelle de Philippe Troussier en 1998, ne nous ont pas valu des lauriers. Le drame, c'est ce que la rareté du bon potentiel humain sur le terrain vaut aussi pour le banc, car pour entraîner l'équipe A, il n'y a guère, au plan local, que Saboteur et Sidiki Diarra qui soient véritablement de ce niveau.
Cela dit, après avoir fait tourner l'effectif et valser les entraîneurs, peut-être faut-il, si on ne devait pas aller à Ghana 2008, se résoudre à ce qu'on n'a pas encore essayé : renvoyer Diakité et son équipe à leurs chères études footballistiques, car ils sont aussi comptables des contre-performances des Etalons.
La rédaction
L’Observateur Paalga du 23 avril 2007
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