Un séisme financier de magnitude 2 sur l’échelle de Wall Street
Un séisme financier de magnitude 2
sur l’échelle de Wall Street
Alors que notre continent semble se résigner face à la crise financière qui secoue les grandes puissances, l'auteur des lignes suivantes s'interroge sur la position de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), elle qu'on accuse à tort ou à raison d'être un simple bureau de poste.
Une préoccupation parmi d'autres, au moment où les Etats-Unis d'Amérique, jadis grande puissance financière, commence à devenir un lion endetté.
Peu de gens se sont préoccupés dans nos contrées du tourbillon financier qui vient de secouer les grandes places financières de la planète. Or, la mondialisation des finances crée des obligations surtout pour nous autres qui sommes à la périphérie du système financier internationale. Les flux internationaux de capitaux privés constituent depuis des décennies un moteur puissant de la croissance économique mondiale. La possibilité de transférer des capitaux d'un pays à l'autre permet aux emprunteurs de financer des investissements rentables sans aucun lien avec l'épargne intérieure. Elle offre en même temps aux investisseurs et aux prêteurs la possibilité d'obtenir un taux de rendement supérieur à celui réalisable sur le marché intérieur de leur pays. Les mouvements internationaux de capitaux favorisent la recherche de gains rapides en permettant d'acheminer les fonds là où ils sont les plus rentables et les plus productifs.
Avant d’analyser les enseignements, ou comme aiment à le dire nos collègues analystes en stratégie, les effets collatéraux, examinons les faits.
Tout d’abord que nous enseigne les histoires des crises financières successives ?
Les marchés financiers sont notoirement inaptes à détecter l’imminence d’une crise. En effet, les marchés n’ont guère vu venir la crise de la dette des années 80, qui a débuté avec la suspension des paiements par le Mexique en août 1982, la crise (dite Tequila) du Mexique en décembre 1994, la crise asiatique de 1997, la crise des GKO (bon du trésor russes) en 1998 et enfin la crise brésilienne de 1999. Vous l’aurez remarqué toutes ces crises n’ont pas touché l’épine dorsale du système financier international. Il était dès lors très facile de les circonscrire et de confier leurs gestions du moins leurs éradication au FMI. Il me parait tout de même curieux que le FMI soit de plus en plus réduit à intervenir uniquement dans les pays en voie de développement. Partant, nous ne pouvons que regretter une absence totale du FMI dans la gestion de la présente crise. Le niveau des enjeux d’une saine gestion des marchés financiers suggère fortement que soit mis en place une instance de régulation internationale, il y va de notre intérêt à tous.
Méfiance sur toute la ligne
Les incertitudes et les craintes de la propagation au système bancaire international de La crise du crédit immobilier à risque américain ont énormément ébranlé les places boursières dans la deuxième semaine du mois d’août 2007. Certains analystes pensent que l’ampleur de cette crise la classe juste après celle de 1929 comme la seconde crise que les USA n’ont jamais connue. Néanmoins, ceux qui vouent un culte au système financier international avance le chiffre de 13 milliards de dollars en perte sèche au maximum alors que la Fed (la réserve fédérale américaine) estime à 100 milliards de dollars les risques liés aux "hedges fund’’ En comparaison avec les actifs financiers nets en circulation dont le montant est estimé à 110 000 milliards d’euros il n’y pas lieu de s’alarmer outre mesure. Le paradoxe de cette crise est que, hormis le secteur immobilier aux Etats-Unis, l’économie mondiale semble ne pas connaître de contraintes majeures. Nous sommes en face d’une situation type «d’incohérence temporelle» chère à Guillermo A. Calvo en lien direct avec certaines questions connexes de crédibilités et surtout de niveau d’endettement des ménages américains. La présente crise découle aussi de ce que Guillermo nomme la « viscosité des prix et des salaires ». Ces deux variables résistent au changement même lorsque certains éléments qui les constituent évoluent dans le temps.
La crise a entraîné la méfiance des principaux acteurs ainsi, les banques ne se faisaient plus confiance et refusaient de se prêter mutuellement de l’argent, ce qui a considérablement réduit le volume des liquidités en circulation. D’où la "giga perfusion’’ des banques centrales afin de rétablir l’équilibre. Rien que les montants peuvent donner le vertige pour ceux qui mesurent ce que cela représente. Imaginer 230 milliards d’euros pour la Banque Centrale Européenne (BCE), la Réserve Fédérale américaine (Fed) 64 milliards de dollars, la Banque centrale du Japon (BoJ) 10 milliards d’euros et la Banque Nationale Suisse (BNS) 1,9 milliards d’euros.
Cette précipitation des Banques centrales à injecter des liquidités ne peut alors s’expliquer que par la crainte de voir la crise se propager à d’autres secteurs. Cela nous amène à nous interroger sur la qualité des ces grandes institutions d’émission.
Elles ont manqué à leur rôle de veille, conséquence, elles n’ont pas pu prévenir le choc.
Les enseignements à tirer
Plus grave encore, elles ont été incapables de rassurer les marchés financiers en donnant des indications précises sur le montant des crédits immobiliers à risque et la liste des établissements en cause. Cette opacité contient les germes des crises à venir, de mon point de vue. Par ailleurs, il est de notoriété que toute sur liquidité conduit très souvent à la survenue d’une nouvelle crise d’où d’ailleurs le volte face de BoJ qui a fait l’annonce qu’elle allait retirer 10 milliards d’euros du système financier en raison de l’excès de liquidité. En outre, il existe un risque de créer une «accoutumance» ce que les économistes résument de façon admirable par le concept de «l’aléa moral», c’est-à-dire le risque de laxisme des autorités et le risque subjectif des investisseurs qui pourraient prêter de façon imprudente sachant que la communauté internationale serait prête à leur porter secours. Des plus, nous savons que, lorsqu'une entreprise se trouve en difficultés, ses créanciers ont intérêt à saisir ses avoirs le plus rapidement possible. Pour cette raison, la plupart des pays ont adopté des lois qui protègent temporairement les entreprises en difficultés contre les actions de leurs créanciers. Aux États-Unis par exemple, le Chapitre 11 de la Loi sur les faillites m'apparaît comme un mécanisme qui vient renforcer l’aléa moral. Ce qui me parait primordiale dans une analyse globale de l’économie en lien avec cette crise, c’est la stratégie monétaire de fond de moyen terme qui devrait permettre d’éviter l’obligation d’intervenir rapidement et massivement à travers l’injection de sommes colossales. Les Banques centrales de nos jours doivent se doter d’un tableau de bord de l’économie mondiale, cette responsabilité va au-delà du rôle traditionnel de surveillance limité à un territoire de souveraineté monétaire.
Quels sont les enseignements que nous pouvons déduire de la survenue de pareille crise ?
Dans un de mes articles j’avais émis l’idée que le niveau de refinancement des états à travers la bourse (BRVM) comportait des risques. Si nous mettons de côté l’effet d’éviction que cela exerce sur le secteur privé la crise des "subprimes" nous suggère la prudence, d’autant plus que la totalité des pays de la zone font partie de ce que l’on appelle les pays pauvres très endettés (PPTE) avec un degré de vulnérabilité très élevé. Au regard de la frénésie des acteurs pour l’immobilier nous pouvons avoir des inquiétudes légitimes. Car le mobile de cette frénésie ne répond à aucune logique de l’offre et de la demande d’immeubles, toutes les utilisations confondues. On se croirait en Europe aux siècles de la construction des châteaux. C’est la recherche du plus beau, du plus grand, du plus haut et/ou du plus laid (tout dépend du point de vue de celui qui observe) mais l’essentiel c’est d’occuper l’espace. Quelle est alors la part des banques de la place dans l’accompagnement des acteurs? Ont-elles la certitude de détenir aux travers de ces placements des portefeuilles sûrs ? Quelle est la part du blanchiment dans ce processus en cours vu un niveau de corruption supposée et l’irruption de trafics de toutes sortes dans l’ensemble de la zone?
Quelle est la position de la BCEAO, elle qu’on accuse à tort ou à raison d’être un simple bureau de poste? En cas de crise dans l’immobilier pourra-t-elle comme la BCE mettre en circulation des sommes aussi colossales (toute chose étant égale par ailleurs)?
J’ai encore en mémoire la fermeture des banques dites de développement et le drame que cela a été pour certains travailleurs et leurs familles.
Retour aux sources
Certes la crise des "subprimes" ne se reproduira pas dans les mêmes termes à la périphérie c'est-à-dire dans l’espace UEMOA. Mais, en rapport avec nos priorités de développement nous devons nous prémunir avec de bonnes politiques de longs termes. Ainsi, le secteur de l’immobilier devrait constituer une niche pour la fiscalité que les ministres de l’économie et des finances devraient explorer avec intérêt. D’autant plus que, l’immobilier et l’achat de voiture sont devenus des domaines que beaucoup considèrent comme la manifestation de leur haut niveau de vie. Cette imposition peut avoir valeur d’ajustement en lien avec le secteur industriel qui connaît une certaine désaffection due notamment à l’hypertrophie des importations à laquelle contribue énormément le secteur immobilier et à l’exportation des produits primaires. Cette suggestion pourrait être à l’ordre du jour d’une rencontre des ministres des Finances de la Zone UEMOA.
En définitive, on ne parviendra certainement pas à faire entièrement disparaître les crises financières, mais il est tout à fait possible d'en réduire la fréquence et la gravité, les risques fondamentaux qui débouchent sur des faillites et, plus généralement, sur des crises bancaires peuvent tenir à des facteurs aussi bien micro-économiques que macro-économiques. Les mêmes risques fondamentaux peuvent aussi expliquer la situation des banques en difficulté. L’examen des difficultés des banques à l’avantage sur celui des faillites qu’il permet d’évaluer la fragilité du système bancaire avant qu’une crise ne se produise. La BCEAO a une lourde responsabilité dans la conduite de la politique monétaire de l’UEMOA. Son existence serait d’autant plus appréciée par les ressortissants de la zone si elle était en mesure d’analyser les risques auxquels les banques sont exposées, ainsi que la façon dont ils peuvent être influencés par l’évolution de la situation économique de la région. Cela étant, la BCEAO devrait mieux communiquer pour plus de transparence sur son rôle et faire connaître aux clients des banques son évaluation annuelle des institutions financières de la zone.
Au niveau global, c’est ici le lieu de souhaiter une sorte de retour aux sources, en effet à la création du FMI John Maynard Keynes avait proposé une Union monétaire internationale dotée d’une seule monnaie le "Bancor". Mais, en 1944 à Bretton Woods l’économie la plus puissante, celle des USA a imposé l’architecture actuelle. Le passé ne reviendra jamais, le monde évolue, le contexte et les acteurs ont changé. Il est temps de promouvoir la possibilité d’un "New Deal". D’autant plus que les USA commencent à devenir un lion édenté. Le dollar qui a fait la force des USA sera la cause de ses soucis futurs. La chine, le Japon et la Corée détiennent de nos jours une arme monétaire plus puissante que les armes nucléaires ; il s’agit des bons du trésor américain. Si ces trois pays mettent sur le marché les bons du trésor américain qu’ils détiennent, l’onde de choc risque de pulvériser les USA. Cette digression est un appel à la prudence pour nous autres qui commençons à goûter à ce fruit. Voilà donc ma prescription : à consommer avec modération sur avis d’un économiste Kondratievien ou/et Leontiefien.
Baly Ouattara
Sce
Journal of economic vol 20
Macroeconomic dynamics vol.9
Global
Financial Times
Marketwatch/DowJones
L’Observateur Paalga du 18 septembre 2007
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