L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Une grosse hypocrisie (J.O. de Pékin et droits de l'homme )

J.O. de Pékin et droits de l'homme

Une grosse hypocrisie

 

Qu'elle fut mouvementée, l'escale parisienne de la flamme olympique, qui devait être relayée hier par 80 athlètes et personnalités, du premier étage de la Tour Eiffel au stade Charléty. Un parcours perturbé, comme il fallait s'y attendre. Tellement attendu d'ailleurs qu'il n'aura pas fallu moins de 3000 policiers et gendarmes en voiture, à pied, en hélico, en bateau, en rollers pour assurer la sécurité sur les 28 kilomètres de trajet à travers les artères de la ville. Les manifestants londoniens ayant tenté d'éteindre la flamme avec des extincteurs ou même de s'en emparer. Elle avait pourtant bénéficié depuis son arrivée en France dimanche par avion d'un impressionnant dispositif sécuritaire digne d'un chef d'Etat, puisqu'elle a été transportée dans un hôtel de la place sous la protection de 40 motards et de 150 flics et pandores.

 En vain ! Car les incidents se sont multipliés lundi dès le départ du relais, le cortège pourtant réglé comme du papier à musique ayant souvent été bloqué par les manifestants, notamment Reporters sans frontières (RSF), qui est parvenu à déployer un drapeau noir frappé de cinq menottes représentant les cinq anneaux olympiques. Tant et si bien que les organisateurs ont dû modifier l'itinéraire du flambeau, sautant l'étape-charnière de l'hôtel de ville, la flamme terminant son périple éteinte et dans un bus.

Pari réussi pour les contestataires, qui sont parvenus à prendre en otage ce qui devait être une fête. Plus que jamais donc, ce qui devait n'être, en août prochain, qu'un événement sportif majeur, le plus important  sur terre après la Coupe du monde de football, cristallise toutes les passions et on peut s'attendre, dans la plupart des 23 villes du monde où passera la flamme (allumée à Olympie le 24 mars dernier),  à des manifestations du genre de celles dont Paris et Londres ont été   le théâtre.

Les croisés des droits de l'homme, on ne le sait que trop, ne veulent manquer aucune occasion de faire une mauvaise publicité à la Chine, dont on connaît le peu d'égard des dirigeants pour les respect de la personne humaine et des libertés individuelles et collectives.

De ce point de vue, Paris aura été à la hauteur de sa réputation. La patrie du baron Pierre de Coubertin, l'inventeur des J.O. modernes, mais aussi celle de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne pouvait décemment pas se dérober à ce qui semblait être son devoir, et on ne peut que se féliciter de cette désapprobation générale, qui ira crescendo au fur et à mesure qu'approchera le 8 août, date de l'arrivée de la torche (qui aura alors parcouru 137 000 km) à Pékin pour la cérémonie d'ouverture des XXIX Jeux d'été.

Pour autant, on se demande si l'agitation des droits-de-l'hommistes n'est pas vaine, car, à la clameur de mécontentement de la société civile,  qui se répand à travers la planète, répond en écho l'agacement voire l'apathie des dirigeants occidentaux,  plutôt gênés aux entournures, dans la mesure où ils n'ont pas envie de se fâcher avec le   milliard et demi de bouches chinoises; mais aussi et surtout l'indifférence, le cynisme  même de Pékin, qui ne fait jamais l'économie d'une provocation.

Après s'être entraînés sur les Tibétains, en prévision de l'épreuve de tir, comme sur des lapins de garenne pas plus tard que début mars, les dirigeants chinois ne viennent-ils pas de condamner le dissident Hu Jia à trois ans et demi de prison pour tentative de subversion, simplement parce qu'il a publié sur Internet des articles critiques sur le régime et accordé des entretiens à la presse étrangère ? Si l'on voulait une preuve supplémentaire du mépris que Beijing a pour les droits de l'homme et pour ceux qui les défendent, on l'a. Surtout, Hu Jintao et ses camarades montrent clairement que ce ne sont pas les cris d'orfraie que poussent les croisés de la démocratie qui leur feront changer leur fusil d'épaule. Que les manifestants parisiens se le tiennent pour dit.

En vérité, toute cette fébrilité semble procéder d'une grosse hypocrisie. Quand on attribuait  en 2001 l'organisation des J.O. 2008 à la Chine, tout le monde savait que c'était un goulag géant,  et bien naïfs étaient ceux qui caressaient le secret que cela pourrait  amadouer et amener  les dirigeants chinois à mettre un peu d'eau dans leur vin. Pas plus que l'auteur de ces lignes ne peut devenir pape, les héritiers de Mao, qui sont de véritables loups pour leur concitoyens, ne deviendront pas subitement des agneaux comme par l'effet d'une prodigieuse transmutation. Ils le pourraient d'ailleurs que ce ne serait pas dans leur plan de carrière.

Comme chacun le sait, la force humaine que   constitue ce pays et la puissance économique qu'il est en train de devenir érigent une précieuse Muraille contre les agressions extérieures et les tentatives de diktat. De sorte que les despotes pékinois peuvent dormir tranquilles, puisque personne ne peut rien, ou pas grand-chose contre eux. Quand on veut des parts de marché pour ses multinationales, on trouve les mots, à l'image de Nicolas Sarkozy et de Rama Yade, sa secrétaire d'Etat aux Droits de l'homme, pour ne pas être trop dur avec un Empire du milieu qui a de surcroît un droit de veto en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.

Regardez avec quel courage remarquable le locataire de l'Elysée et sa sous-ministre se dédisent au sujet des trois conditions (1) qu'aurait posées Sarko pour assister à l'ouverture de ces J.O. à controverse ! Regardez avec quel sens consommé de la litote les responsables français ont appelé, sur les badges que les athlètes portaient hier, à "un monde meilleur" pour rappeler leur attachement aux droits de l'Homme comme si cette expression était subitement proscrite du vocabulaire officiel.

Puisque donc on ne peut rien contre le voleur, ne vaut-il pas mieux, ainsi que le recommande une sagesse africaine, l'aider à transporter les biens qu'il vient de vous dérober? Laissez donc la Chine en paix au lieu de nous rebattre les oreilles dans un marché de dupes qui ne trompe plus personne. D'ailleurs, l'Occident, si charitable pour les pauvres Chinois, a toujours su s'accommoder des despotes, du moment que ça sert ses intérêts. Quand elle ne se rend pas elle-même coupable de graves violations, sous différents prétextes, des droits de l'homme. Guantanamo et Abou Ghraïb sont là pour nous le rappeler.

 

Ousséni Ilboudo

L’Observateur Paalga du 8 avril 2008

 

(1) : La fin des violences contre la population, la lumière sur les événements au Tibet et l'ouverture d'un dialogue avec le dalaï lama



07/04/2008
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