48 heures à Ouahabou la pieuse
Ramadan
48 heures à Ouahabou la pieuse
Ouahabou. De par sa proximité avec la ville de Boromo, ce village situé sur l'axe Bobo-Ouaga passe presque inaperçu. Pourtant, il occupe une place de choix dans l'histoire de la pénétration de l'islam dans la Boucle du Mouhoun.
A la faveur du Ramadan, une équipe de reportage de l'Observateur paalga a séjourné du 27 au 29 septembre 2007 dans ce bled à presque 100% musulman, où la religion de Mohamed, comme cela a été parfois le cas, s'est imposée par la force.
A quelque quatre jours de la fin du Ramadan (El Fitr) et au lendemain de la nuit du Destin vulgairement appelée nuit des galettes, nous vous invitons à visiter ou revisiter l'histoire de Ouahabou la pieuse.
Jeudi 27 septembre 2007. Il est 16 heures à Ouahabou. Les fidèles musulmans viennent d'accomplir la prière d'El-Asr (prière de l'après-midi). Chacun retourne chez lui. Mais le chef du village et sa suite se dirigent au domicile du responsable de la communauté musulmane de la localité, Issoufou Karantao, où des chaises et un grand tapis moelleux de couleur verte avaient été installés sur la petite terrasse devant la cour. La veille, il leur avait été annoncé que des "dounan" (étrangers en langue dafing) viendraient dans le village pour échanger avec eux. Le regroupement de cet après-midi du jeudi, c'était donc pour attendre l'équipe de l'Observateur paalga.
L'annonce leur en avait été faite est parvenue par l'intermédiaire d'un fils de Ouahabou résidant à Ouagadougou, en l'occurrence Adama Traoré, chef du Projet Ecole Satellite et Centre d'Education de Base non Formelle, que nous avons contacté avant d'y effectuer le déplacement. Il n'y avait donc plus de salamalecs pour expliquer l'objet de notre visite. La chaleur humaine qui a entouré notre arrivée laissait présager un séjour agréable.
A tout seigneur, tout honneur.
Mahama Karantao, le représentant du chef de Ouahabou, prend la parole. Mais avant, il ajuste bien sa chaise en toile, marmonne quelques mots, sans doute des versets coraniques, et consulte furtivement un petit cahier dont les lignes sont noircies par des lettres arabes. Puis, il racle sa gorge et entonne l'histoire de son village, résumée dans le document qu'il tenait en main juste comme référence, en cas d'oubli d'un détail.
Tout semble enregistré dans sa tête et il lui suffit d'appuyer sur le "play" pour que la bande se déroule. Mahama Karantao était visiblement fier de nous plonger dans le passé de la terre de ses ancêtres pour nous faire découvrir son histoire. Silence. Le chef parle. On doit écouter religieusement.
Un don de Dieu
Jadis, il était difficile de donner des limites exactes à la Principauté de Ouahabou qui aurait vu le jour vers 1838. Constamment des villages se révoltaient et prenaient leur "indépendance" en même temps que de nouveaux patelins étaient soumis. Retenons pour l'essentiel qu'à l'époque, il s'étendait de Bossé au sud jusqu'au-delà de Dédougou au nord-est, à l'est du pays Kô, et Béréba à l'ouest. Autant dire un empire.
Aujourd'hui, Ouahabou, situé à 20 km de Boromo, est un petit bled limité au nord par les villages de Nanou et de Vy, à l'ouest par Koho et Bandio, au sud-ouest par Pâ et au sud par les forêts classées de Tui.
Au dire de Mahama Karantao, c'était à l'origine un village bwaba et il s'appelait Piéhoun. Il a été créé par Daourou Diponou, qui serait venu du Mali suite à un différend sur un héritage avec ses frères.
La contrée "appartient" de nos jours aux Dafings et est dirigée par la famille Karantao, nom dérivé de la déformation de Kaletalaho qui signifie : "Celui qui prend la plume", entendez une tige de mil taillée servant de plume à l'école coranique ; Ouahabou lui-même signifie "Don de Dieu", car son fondateur aurait fait un rêve où Allah lui indiquait cet endroit pour installer le cœur de son royaume.
Le chef du village titulaire, El hadj Moustapha Karantao, vétérinaire à la retraite à Bobo-Dioulasso, a délégué son pouvoir sur place à Mahama Karantao, notre interlocuteur du jour. Dans ce département où l'islam est, si on ose dire, religion d'Etat, le chef du village est également le premier responsable religieux : il désigne ou destitue l'imam.
L'ancêtre des Karantao, qui aurait été un marchand de sel originaire de Bagdad (Irak), se prénommait Souleymane. Il exerçait cette activité entre Bagdad et Tombouctou (Mali). Il avait de solides connaissances coraniques et enseignait l'islam aux populations.
Souleymane contracta mariage avec une femme de Tombouctou et eut des enfants dont Sidi Mamadou. C'est ce dernier qui quitta le Mali pour s'installer en Haute-Volta successivement à Tasliman, à Safané et à Biforo, dans un premier temps avant de se fixer définitivement à Douroula.
Un djihad qui fit de nombreuses victimes
Là, il épousa, sur recommandation d'un marabout, une femme qui lui donna six enfants dont trois garçons parmi lesquels Mahamadou, le fondateur de Ouahabou. Comme son père, il eut une enfance marquée par l'étude du Coran. A l'âge adulte, il fit dans le commerce de l'or à Poura et devint très riche.
A l'instar de tout bon musulman qui en a les moyens, Mahamoudou Karantao effectua le pèlerinage à la Mecque. De retour, il se donna pour mission de mettre fin au paganisme dans sa région, en islamisant les populations. Ce fut le début d'un djihad (guerre sainte) qui a fait de nombreuses victimes.
Boromo, qui s'appellera un temps Dar-Es-Salam, fut la première localité conquise par Mahamoudou Karantao, lequel y installa les Guira comme chefs.
"Par la suite, il annexa Hamdalaye (actuel Nanou), qu'il céda aux Coulibaly. Souroukoulaye (Koho) fut, quant à lui, remis aux Seynou et Sané, aux Cissé", nous confie Boubacar Guira, conseiller municipal à Boromo et président de la Commission environnement et développement local.
En réalité, explique-t-on, il ne s'agissait pas de campagne d'annexion de territoires proprement dite ni de pillage de richesses; c'était seulement une bataille de conversion à l'islam. Les terres conquises n'avaient de rapport avec le pouvoir central que dans le cadre strictement islamique. Les villages s'administraient de la même manière qu'avant leur conquête bien que leurs chefs devaient rendre compte à Ouahabou, qui n'intervenait réellement dans les affaires que sur le plan de la religion. Cependant, Boromo, Nanou et Koho jouissaient d'une autonomie beaucoup plus marquée puisque Mahamoudou Karantao y avait installé ses partisans les plus intimes et les plus fidèles de la première heure.
Le commandement de Boromo fut attribué au chef des combattants, Yaya Guira. Ses descendants y détiennent jusqu'à nos jours la chefferie. Mahama Seynou dit "Dagari Mahama", chef des Dagari-dioula, devint responsable de Koho. Nanou fut confié à deux redoutables guerriers: Nounké et Fanikora.
Ces trois localités servaient de ceinture de sécurité à la capitale.
Revers de l'histoire, Ouahabou, qui était jadis le centre du pouvoir, est de nos jours sous l'autorité administrative de Boromo parce que son fondateur n'a pas voulu que les colons français s'installent dans sa localité si bien que c'est à Boromo, chef-lieu des Balé, que le premier commandant a pris ses quartiers. Si fait que Ouahabou fait aujourd'hui partie des huit villages que compte la commune de Boromo. Le bled n'a ni électricité ni borne-fontaine. Douze forages y attendent d'être réhabilités. Un seul, celui de la maternité, acquis récemment, est fonctionnel. Les populations se contentent de l'eau des puits de domicile ou du secteur en attendant que l'ONG qui a promis l'installation d'un réseau hydraulique vienne achever ce qu'elle a commencé. En effet, un projet a demandé une contribution de 500 000 FCFA aux populations de Ouahabou pour y apporter de l'eau courante.
Selon un conseiller municipal du village, El hadji Karamogo Karantao, 350 000 FCFA ont été mobilisés, mais jusque-là, en dehors du château d'eau installé, rien ne pointe à l'horizon.
La population de Ouahabou est estimée à plus de 6 000 habitants repartie en plus d'une vingtaine d'ethnies qui cohabitent de façon pacifique.
"Notre village était un lieu de refuge pour beaucoup de gens, si bien que tous ceux qui se sentaient en insécurité immigraient ici et bénéficiaient de la protection du fondateur de Ouahabou", explique Mahama Karantao.
Ouahabou est divisé en quatre quartiers, lesquels sont composés de sous-quartiers formés plus ou moins sur des bases ethniques. Ainsi, on y trouve des quartiers gourounsi, mossi, peul, bwaba, dagari-dioula...
Un islam très tolérant
L'islam, il est vrai, est arrivé dans la localité par l'épée. Mais aujourd'hui, la liberté de culte y est une réalité.
Le village est bien sûr à forte dominante musulmane, mais des adeptes d'autres confessions existent, au nombre desquels les animistes, les protestants et les catholiques.
Les Bwaba, qui ont toujours fait de la résistance à l'islam, vénèrent toujours leurs divinités. Mais leur chef actuel Daouda Daourou, la soixantaine bien sonnée, s'est converti à la religion de Mohammad depuis plus de 30 ans. "Tous les enfants que je mettais au monde mouraient. Je suis allé me confier aux Dioula musulmans et par la suite, j'ai pu avoir des rejetons. Depuis lors, j'ai embrassé leur religion", nous confie-t-il pour justifier son choix de prier Allah.
Mais comme l'islam interdit l'adoration de plusieurs dieux, il a transféré le pouvoir des fétiches à son neveu Gnaganou. "Cela ne m'empêche pas cependant, confesse celui-ci qui semble pratiquer du syncrétisme, de participer aux rites annuels bwaba à l'approche de la saison de l'hivernage pour demander une bonne pluviométrie ou remercier les ancêtres après les récoltes".
Si le chef bwaba a choisi d'embrasser l'islam, certains par contre ne jurent que par Jésus-Christ. En effet, la communauté bwaba compte une centaine de fidèles catholiques. Mais l'histoire du christianisme y est récente.
Les querelles de chapelles n'ont pas droit de cité
Tiamanièbo Daourou, devenu Mathieu en 2000, situe véritablement la naissance de la communauté bwaba en 1999 avec l'arrivée du premier catéchiste.
"Il y avait un Père Blanc du nom de Georges à la Paroisse de Boni, qui venait ici évangéliser les gens. Petit à petit, il a pu avoir des adeptes et finalement un catéchiste s'est installé pour poursuivre le travail d'évangélisation".
Actuellement, les brebis sont guidées par le catéchiste Raymond Mandy, qui était absent à notre passage pour raison de funérailles.
Dans le quartier gourounsi, c'est le protestantisme qui prévaut depuis 14 ans avec l'Eglise des Assemblées de Dieu, conduite par le Pasteur Esaïe Konkobo. Celui-ci a succédé à d'autres pasteurs dont le premier fut Elie Davou.
Toutes ces communautés religieuses filent le parfait amour à en croire leurs responsables. Le représentant du chef de Ouahabou a une conception lucide de la foi en Dieu. Il soutient que la religion n'appartient à personne ; chacun y est libre de son choix, d'où la tolérance constatée dans ce village quand bien même c'est par la contrainte que l'islam s'y est installé. "Nous n'obligeons personne à suivre notre religion", explique-t-il. Au sein des musulmans de l'ancien Pièhoun, la pratique religieuse est donc très tolérante.
"Ici, il n'y a qu'une seule mosquée et une seule façon d'adorer Allah. Nous ne sommes pas dans les querelles du genre il faut croiser les bras pour prier. Si tu veux, prends ton pied et accroche-le à ton cou. Ce sont ces petits détails inutiles qui divisent les musulmans. Nous ne sommes pas dans ça", martèle Mahama Karantao.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'y a pas une seule école coranique classique à Ouahabou. "Tous nos enfants vont à l'école du Blanc. Mais tous ont obligation d'apprendre le Coran à la maison. Sur ce plan, nous sommes rigoureux. Et les enfants le font bien. Il arrive que des parents conditionnent l'entrée au collège de leurs rejetons à la maîtrise du Livre saint pour les inciter à en mémoriser les versets".
De mauvaises affaires pour le vidéiste du coin
Pour mettre davantage en relief la tolérance religieuse, Mahama Karantao explique que dans le village, les jeunes sont libres d'organiser des soirées dansantes et d'aller au cinéma. Pas question donc de "talibaniser" la société.
Cependant quand vient la période du jeûne, comme c'est le cas présentement, il y a des interdits à respecter à la lettre: pas de tapage musical, pas de vidéo.... Ce qui ne fait pas l'affaire de Daouda Dao, qui, rentré de la Côte d'Ivoire avec la crise, vit de l'animation musicale et des projections-vidéo.
Contre mauvaise fortune, au propre, il fait cependant bon cœur : "C'est une chance que d'être dans un village très musulman où il n'y a pas trop de contraintes imposées par les chefs religieux". D'ailleurs, ajoute-t-il, mon vidéo-club est situé à quelques mètres de la mosquée et en temps ordinaire, je suis libre de mener mes activités.
Pendant le ramadan, le village se réveille et se couche dans la ferveur religieuse. La vie quotidienne est rythmée par la lecture du Coran, les bonnes œuvres et les prières, car le mois du jeûne est le meilleur moment pour faire pardonner ses péchés et soumettre des doléances à Allah.
Vendredi 28 septembre. A minuit, l'appel à la prière est fait par le muezzin perce le silence qui enveloppe la cité depuis des heures. Chose curieuse, puisque d'habitude cela se fait au petit matin. "En fait, c'est pour réveiller les femmes qui doivent faire la cuisine pour le jeûne", nous indique Zeneka Karantao, notre tuteur d'un jour.
Quelques instants après, des voix féminines et des bruits d'ustensiles de cuisine se font en effet entendre dans les cours voisines. Accompagnés par un frère de notre "djatigui" (logeur en dafing), nous faisons le tour de quelques concessions d'où s'élevait déjà dans le clair de lune une fumée piquante et suffoquante. Voici par exemple Yentao Korotimi occupée à faire du tô pour sa famille, composée de six personnes.
Sa voisine Kadidia Cissé préparait le même plat. C'est le met le plus répandu comme dans la plupart de nos villages.
Mamou fait son beurre avec les galettes
Chez la veuve Rasmata, c'est le calme plat. Elle s'est réveillée pour faire quelques "rakates" avant de rejoindre ses voisines pour les aider à la cuisine, car, solidarité oblige, celles-ci lui apportent régulièrement à manger en cette période et il faut bien leur retourner l'ascenseur.
A ce moment, le quotidien des femmes est ponctué quasi exclusivement par les préparatifs pour le repas du matin et du soir composé de bouillie, de zoom-kom, de galettes, de riz et de tô. Selon le pouvoir d'achat des uns et des autres, on peut trouver tous ces plats en même temps ou pas.
Mais en ce mois d'abstinence, de pénitence et de ferveur religieuse, il en est qui font leur beurre. Ainsi de Mamou Karantao, qui fait de bonnes affaires durant le jeûne dans la vente des galettes, très prisées. Tous les jours, aussitôt après la prière de l'après-midi, elle allume son feu sous un neem, au bord d'une ruelle boueuse, inondée par les eaux usées des habitations. Son petit commerce est également un lieu de rendez-vous pour beaucoup de femmes qui viennent papoter, tuer le temps en attendant 17 heures pour rentrer chez elles en vue de la rupture du jeûne.
La plupart des hommes, les vieux surtout, s'isolent pour la lecture du Coran.
Beaucoup de jeunes, eux, sont regroupés presque toute la journée pour deviser sous les arbres ombragés. Mais le soir, ils se rendent à la mosquée pour la prière du "Maghrib" (après le coucher du soleil) et la rupture du jeûne autour des plats que le chef du village et d'autres bonnes volontés apportent pour les fidèles.
Vendredi, c'est jour de grande prière comme chacun le sait.
A midi, les fidèles se dépêchent pour être à la mosquée afin de ne pas manquer de place. La bâtisse n'a pas de fenêtre visible et n'est pas ventilée, mais l'air frais y circule. En fait, la bâtisse dispose de petites ouvertures sur la toiture, par lesquelles pénètrent l'air et la lumière.
A dix minutes du début de la prière de vendredi, l'imam Issiaka Sanogo arrive, tout de blanc vêtu et bâton de commandeur des croyants en main. Il s'assoit quelques secondes, comme le veut la tradition, se relève ensuite pour prononcer son sermon en arabe. A la fin, le muezzin procède à un dernier "azaan". Puis on entend le frou-frou des boubous des croyants qui se dépêchent de se mettre dans les rangs.
La prière peut commencer. Les deux "rakates" sont vite exécutés. Fin de la grande prière du jour.
Dehors, les frères musulmans se font des bénédictions avant de se séparer. Mais ils ne le font pas en ordre dispersé car ici, on se met en rang, à la file indienne avec en tête le plus âgé du quartier, pour rejoindre le domicile. "C'est une vieille tradition que le village respecte", fait remarquer Lamine Karantao.
Il n'y a pas de repos pour beaucoup de fidèles après cette prière. Une fois à domicile, ils se replongent dans la lecture du Coran, "très recommandée en ce mois de Ramadan".
Ainsi va le ramadan à Ouahabou, village jadis "djihadiste", aujourd'hui très tolérant, mais ferme sur certaines pratiques durant le jeûne...
Adama Ouédraogo Damiss
L’Observateur Paalga du 9 octobre 2007
ENCADRE 1
La chefferie traditionnelle
Le monopole des Karantao
A Ouahabou, la chefferie est détenue par les Karantao et aucune autre famille ne peut prétendre au pouvoir. Depuis El hadj Mahamoudou jusqu'à nos jours, 8 chefs ont régné. Ce sont :
1. El hadj Mahamoudou Karantao (17 ans de règne)
2. Karamokho Mouktar Karantao (41 ans)
3. M'Pa Karantao (30 ans)
4. Yaya Karantao (27 ans)
5. El hadj M'Pa Sanouon Karantao (3 ans)
6. El hadj Paton Karantao (31 ans)
7. El hadj M'Beton Karantao (8 ans)
8. El hadj Moustapha Karantao (2002 à nos jours).
La tradition orale donne la durée du règne de ces chefs, mais ne précise pas les dates de leur accession au trône et de la fin de leur règne hormis pour ceux d'après l'indépendance de la Haute-Volta.
El hadj Mahamoudou de son vivant a désigné son successeur. Celui-ci se trouvait être son neveu Mouktar (fils de son frère Hamada), qu'il a intronisé lui-même.
La cérémonie d'investiture a en lieu un jour de fête musulmane (Ramadan ou Tabaski). Après la prière, les fidèles et les chasseurs se sont rassemblés devant la mosquée. Ils formèrent un cercle. Dans ce cercle, les fusils des chasseurs, dont les canons se croisaient vers le haut, constituaient une espèce de charpente de case ronde, le tout couvert par un boubou rouge. L'ensemble faisait penser à une hutte, à l'intérieur de laquelle Mouktar était assis.
Les marabouts procédèrent aux bénédictions par des lectures du Coran. Il fut ensuite accompagné chez lui. C'était la fin de la cérémonie d'investiture.
"Aujourd'hui, ce cérémonial n'est plus suivi à la lettre", affirme Lamine Karantao, du centre émetteur de la RTB à Boromo. C'est lui qui a été notre guide dans la localité durant notre séjour.
ENCADRE 2
La forteresse du fondateur en ruines
Le fondateur de Ouahabou, El hadj Mahamoudou Karantao, son successeur Mouktar et les deux enfants de ce dernier, M'Pa et M'Bemè Baakoun, ont été enterrés, côté sud, à l'intérieur de la mosquée de Ouahabou, construite, semble-t-il, en deux jours, en 1838, année de la fondation du village.
Pouvant accueillir à peu près 400 personnes, la mosquée de Ouahabou fait partie des plus vieilles mosquées du Burkina. Elle a été érigée avec des matériaux locaux : bois, terre battue, argile, paille, œufs d'autruche. La bâtisse a 33 portes et 15 minarets, dont le plus grand mesure 22 m. Elle attire de nombreux touristes, qui payent 5000 FCFA pour la visiter, mais les prises de vue sont interdites à l'intérieur. Cet argent permet à la communauté musulmane de l'entretenir pour qu'elle résiste aux intempéries et aux outrages du temps.
Une autre construction fait l'objet de curiosité : le domicile du fondateur de Ouahabou, El hadj Mahamoudou Karantao. C'était une véritable forteresse de 22 chambres avec plusieurs issues de secours en cas d'attaque de l'ennemi. Aujourd'hui, la maison est en ruine. Avec les fortes pluies, une partie de l'édifice s'est écroulée et a bouché la porte d'accès aux cellules sous-terraines qui servaient de cachettes pour femmes et enfants ainsi que de dépôt d'armes.
Le représentant du chef Mahama Karantao a indiqué que l'ex-ministre de la Culture, Aline Koala, avait promis de l'aménager. "Hélas, elle a quitté le gouvernement et l'on ne sait pas ce que le nouveau ministre réserve à ce monument, qui fait venir des Blancs de milliers de kilomètres de Ouahabou".
Espérons que ce cri du cœur du vieux Karantao sera entendu.
A.O.D.
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