Arche de Zoé : Au-delà du scandale, la détresse des enfants africains
Arche de Zoé
Au-delà du scandale, la détresse des enfants africains
De nombreuses zones d’ombre continuent d’entourer l’affaire Arche de Zoé, mais il reste que la passion, l’émotion et la cacophonie commencent à laisser la place à des actions plus posées et mesurées. Même si le pouvoir tchadien a cru bon de relancer la polémique en organisant une marche de femmes à Abéché, il semble loin, le temps où Idriss Itno Déby accusait l’association Arche de Zoé de faits aussi graves que le trafic d’organes humains et la pédophilie. D’ailleurs, le gouverneur qui a reçu les marcheurs a refusé l’amalgame entre les agissements suspects d’une association et la politique globale de la France et d’autres ONG au Tchad. Du côté des autorités françaises aussi, les déclarations épidermiques faites jusqu’au sommet de l’Etat aux premières heures de la crise se font plus conciliatrices. Là également, le président Sarkozy qui avait semblé lâcher ses compatriotes, a mis de l’eau dans son vin en faisant la part des choses entre les journalistes et les autres membres de la mission arrêtés. Tout compte fait, le climat est dorénavant propice à des actions plus sérieuses comme les médiations des diplomates et les enquêtes judiciaires. Mais le moment est en même temps favorable à une introspection sur la réelle capacité de la société africaine contemporaine à gérer la question des orphelins.
Car l’un des débats qui est revenu au cours de ces derniers jours a porté sur l’organisation sociale en Afrique qui fait en sorte que l’orphelin est l’enfant de tous. Et que pour ce faire, il a toujours des parents de substitution qui lui donneront le gîte, le couvert, l’éducation et l’affection dont il a besoin. Cette description est trop idyllique pour épouser la réalité. Les sociétés africaines, même rurales, déstructurées par les fléaux divers, n’ont plus d’égards pour les orphelins. La solidarité s’organise non plus au sein des familles, mais à travers des associations, tout comme en Europe. Les orphelinats fleurissent partout dans les villes, surtout depuis l’explosion du SIDA, pour pallier justement les défaillances des structures familiales. C’est une réalité triste à dire, mais l’honnêteté recommande que les Africains reconnaissent que de plus en plus, la perte des valeurs de solidarité fragilise le tissu social et met en péril l’avenir des enfants vulnérables. Et cet abandon des enfants à leur triste sort ne concerne pas que les zones de conflits. La pauvreté a jeté dans les rues des enfants dont certains ne sont même pas des orphelins.
Du reste, dans le cas tchadien, les enfants auraient des parents. Si cette version se confirmait, il y a lieu de savoir si les enfants ont été emmenés avec le consentement de leurs parents ou s’ils ont été volés avec la complicité de mafieux locaux. En tous les cas, partout en Afrique, les adoptions d’enfants sont une pratique courante. Les structures de parrainage, d’hébergement et d’adoption pullulent sans qu'on ait à redire. Seuls quelques scandales, de temps en temps, viennent nous rappeler au souvenir de ces hommes et femmes qui se battent pour donner une nouvelle chance à des milliers d’enfants. Le problème dans l’affaire Arche de Zoé est lié surtout au caractère clandestin de l’opération et au nombre élevé d’enfants concernés.
Il se pose dès lors la question de la réglementation en matière d’adoption. Les pays africains sont-ils suffisamment armés en la matière ? Ont-ils les moyens de suivre le processus d’adoption jusque dans le pays d’accueil ? Les Etats doivent pouvoir s’assurer que ces enfants auront une vie heureuse, loin de leur terre natale. Manifestement, ces précautions et ces mesures de vigilance ne semblent pas toujours de mise. Or, au regard du vieillissement de la population occidentale et de bien d’autres facteurs, le phénomène de l’adoption est appelé à connaître un essor fulgurant. Il est donc nécessaire que les Etats africains se dotent d’instruments juridiques pour parer à toute éventualité et éviter à l’avenir les opérations illicites du style Arche de Zoé.
Dans l’immédiat, la justice tchadienne doit parer au plus pressé, à savoir démêler l’écheveau de cette intrigante affaire des 103 enfants. Ce qui est loin d’être une sinécure au regard de l’immensité de la tâche. Identifier les enfants, retrouver leurs proches et comprendre les circonstances de leur "enlèvement", tels sont les principaux défis qui attendent la justice. Il faut cependant craindre que les parents des enfants, s’ils sont vivants, ne soient influencés par la campagne de lynchage menée contre l’association française. En effet, de crainte d’être traités de pères indignes, ils n’accepteront jamais, dans ce climat lourd de chasse aux sorcières, avouer qu’ils ont remis volontairement leurs enfants à l’Arche de Noé. L’enquête, qui s’annonce longue, est donc rendue délicate et pourrait souffrir de la passion qui entoure l’affaire et des tentatives de récupération politique. En tout état de cause, il faut bien que la vérité éclate et peu importe la juridiction (justice tchadienne, française ou internationale) qui aura en charge le dossier. Mais au-delà de l’Arche de Zoé, le destin pathétique des enfants tchadiens mérite une plus grande attention de la part, d’abord, des dirigeants tchadiens.
Le Pays du 2 novembre 2007
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