Bilan de la campagne agricole 2007-2008 : Selon quelles méthodes de calcul ?
Les mercredis de Zoodnoma du 14/11/2007
Bilan de la campagne agricole 2007-2008
Selon quelles méthodes de calcul ?
Lors d'une conférence de presse qui a eu lieu le 7 novembre dernier, le ministre d'Etat, ministre de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques, Salif Diallo, a déclaré que malgré les aléas pluviométriques de la saison écoulée, le Burkina enregistre un excédent céréalier prévisionnel de près de 800 000 tonnes. Cette annonce a fait l'effet d'une bombe au regard des réactions qu'elle a suscitées (et qu'elle suscite encore) dans la presse.
Sans doute, en tant que superministère (n'ayons pas peur de le dire), le département de Salif Diallo dispose de moyens humains, matériels et financiers pour évaluer la situation de la campagne agricole. Du reste, il y existe une direction générale chargée de la statistique agricole et, à ce qu'on dit, ce n'est ni la volonté, ni les compétences, ni les moyens qui y manquent.
En outre, si le premier responsable a jugé bon de faire cette déclaration lui-même, c'est sans nul doute parce qu'il savait de quoi il parlait.
Par ailleurs, un dirigeant de sa trempe se doit d'être optimiste en tout temps et en tout lieu, ne serait-ce que pour avoir le courage d'affronter les difficultés qui se présenteront à lui. Pour toutes ces raisons, certains procès qui sont faits au ministre Salif Diallo ne sont pas justes et sonnent comme des prétextes tirés de l'annonce pour régler des comptes personnels. Au sortir de la célébration controversée des vingt ans de renaissance démocratique avec Blaise Compaoré, bien de petites gens de l'intérieur comme de l'extérieur du système considèrent, en effet, la présente occasion comme du pain bénit inattendu.
Et si Salif avait raison
Le ministre d'Etat Salif Diallo a simplement dit que malgré le début tardif des pluies, les inondations, qui ont détruit beaucoup de superficies emblavées, et l'arrêt brutal et précoce des précipitations, il y a un excédent prévisionnel de 777 200 tonnes, soit 28% de la consommation des Burkinabè. Bonne nouvelle, n'est-ce pas ?
Pourquoi donc lui faire des bagarres inutiles quand on sait que le chiffre est seulement prévisionnel ? Il n'est ni effectif ni net. Si nous sommes tous d'accord que quelque part, gouverner c'est aussi prévoir, Salif Diallo est dans son bon droit.
En d'autres termes, ce chiffre est théorique. Là où les auteurs des critiques systématiques auraient eu raison, c'est si, enregistrant soigneusement ce chiffre, ils avaient attendu de disposer de l'excédent net pour procéder à la mesure du degré d'adéquation qu'il y a entre le prévisionnel et le net. Ils auraient pu ainsi mesurer la marge d'erreur et apprécier à leur guise le travail du ministère en charge de l'Agriculture. Ne l'ayant pas fait, l'impression qu'ils laissent à l'observateur qui s'efforce de prendre du recul est que l'émotion, les prénotions, les ragots et les rumeurs prennent, dans bien de situations, le pas sur la raison.
D'un autre point de vue, si on doit reconnaître que la levée de boucliers est l'expression d'un droit inaliénable à la critique de Salif Diallo, on ne peut s'empêcher de regretter que les responsables de cette critique n'aient pas exigé les éléments, les postulats et les méthodes de calcul qui ont abouti à cet excédent prévisionnel. Par ailleurs, ils auraient dû être d'autant plus mesurés que derrière Salif Diallo se trouve le gouvernement, qui ne l'aurait pas laissé faire cette déclaration s'il n'y avait pas des aspects vraisemblables.
N'oublions pas non plus qu'à cette rencontre avec les médias était présent le secrétaire exécutif du Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), M. Musa Mbenga, qui n'y serait pas allé s'il n'y avait quelque vérité dans ce qui devait être dit aux médias.
Cependant Salif a manqué de pédagogie
Si chez nombre de contestataires de l'excédent il y a comme des comptes personnels à régler au ministre Diallo, d'autres, eux, ont simplement été victimes du manque de pédagogie dont celui-ci fait souvent preuve.
Personne n'en doute : Salif est un homme d'action.
En tant que politique, il a une devise : agir et laisser parler. C'est assurément une qualité. Cependant, cette qualité "possède" un défaut : celui de penser que dans la mesure où on a une idée que l'on estime vraie, juste, lumineuse, il en est de même nécessairement pour l'autre ; mieux, il doit en être de même pour l'autre. Aussi en arrive-t-il à ménager très peu la susceptibilité de son entourage immédiat, de nombre d'amis et de collègues.
Or, ce n'est pas parce que dans notre tête une idée semble juste et lumineuse qu'elle l'est nécessairement ; en plus, ce n'est pas parce qu'elle apparaît juste et lumineuse dans notre esprit qu'elle l'est automatiquement dans l'esprit de notre alter ego ; en arriver à malmener la susceptibilité d'autrui peut donc être lourd de conséquences.
Dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, Salif Diallo semble avoir été rattrapé par "le défaut de sa qualité" en n'ayant pas pris le soin d'expliquer suffisamment la démarche adoptée pour aboutir à l'excédent prévisionnel de près de 800 000 tonnes. Il aurait dû prendre la peine de le faire, car cela aurait contribué à augmenter les connaissances en statistiques de l'opinion publique. Mais sans doute a-t-il été plus pédagogue hier dans l'après-midi à l'Assemblée, où il devait être interpellé par les députés sur cette polémique née du bilan prévisionnel de la campagne 2007-2008. Cela dit, cette annonce a au moins le mérite de décourager les spéculateurs qui, sur la base de ces rumeurs alarmistes, procèdent déjà à des hausses vertigineuses des prix.
Enfin, et tout en souhaitant que cet excédent s'avère, il importe que le gouvernement incite les opérateurs économiques à mettre en œuvre des stratégies d'approvisionnement des zones déficitaires à partir des régions excédentaires.
Z. K.
L’Observateur Paalga du 14 novembre 2007
A lire prochainement
Sur cette question sensible, le ministre Salif Diallo a accordé hier à L'Observateur paalga une longue interview sur les différents aspects du problème, notamment la règle de calcul, soulevés par notre chroniqueur. Un entretien que vous lirez dans nos prochaines éditions.
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