Bravo Spielberg !
J.O. de Pékin
Bravo Spielberg !
Vaste escroquerie intellectuelle que celle qui consiste à claironner que les Jeux olympiques ont toujours été et doivent demeurer apolitiques.
Il n'est que de constater le combat homérique ou, si vous préférez, la "guerre" olympique que les grandes puissances se livrent pour en obtenir l'organisation pour se convaincre que moins politiques que ces jeux-là, vous n'en trouveriez pas preneur.
Mais pis que la politique, l'idéologie elle-même, à moult reprises, s'y est également invitée.
Revoyez Hitler tout entier engoncé dans ses certitudes nazies, refusant, aux Jeux de Berlin de 1936, de saluer Jesse Owens, parce que les fulgurantes victoires de ce quadruple champion noir américain sonnaient comme un insupportable pied-de-nez à la funeste théorie sur la supériorité de la race aryenne.
Et Moscou 1980, boycotté par le ban et l'arrière-ban des Etats-Unis et de leurs alliés en protestation contre l'invasion de l'Afghanistan par les hordes brejneviennes ?
Ou encore Mexico 68 et l'inoubliable salut black-power brandi par les sprinters noirs américains Tomme Smith et John Carlos face à la politique de ségrégation raciale, qui continuait alors de sévir dans leur pays ?
Et comment oublier Munich 72, où la sanglante prise d'otages opérée par les fedayins de Septembre Noir contre les athlètes israéliens endeuilla la trêve olympique ?
Bref, en relief ou en creux, pour le meilleur ou pour le pire, la politique et l'idéologie ont de tout temps perverti l'idéal et l'humanisme dont a rêvé le Baron Pierre de Coubertin en rénovant les jeux olympiques.
Pékin 2008 n'en confirmera que la règle, tant il est évident que ce Hu Jintao et son régime comptent bien tirer parti de l'aura de ces jeux pour, entre autres, faire oublier les droits de l'homme, écrabouillés hier avec les étudiants de Tienanmen, ou la liberté d'expression, aujourd'hui sous très haute surveillance par ce système concentrationnaire, qui dévore les journalistes et les internautes.
Politisation pour politisation, pourquoi ne pas donc donner raison à Steven Spielberg, cinéaste prodigieux devant l'Eternel, qui vient de dénoncer courageusement son contrat de participation à la mise en scène des cérémonies d'ouverture et de clôture, en solidarité avec le peuple souffrant du Darfour ?
Comment ne pas le comprendre et l'applaudir à tout rompre quand on sait que les armes avec lesquelles les hommes de Khartoum saignent cette région par cavaliers Janjaweeds interposés sont généreusement pourvues par leurs homologues de Pékin, assoiffés du pétrole dont le Soudan regorge ?
Lui, Spielberg, n'a rien à voir avec les calculs réalpoliticiens des grandes puissances, qui n'osent même plus prononcer le mot "boycott", de peur de perdre pour leurs industries le marché fabuleux que représente
Rien à voir non plus avec nos pays dits émergents et leur course panurgiste vers Pékin, enjôlés qu'ils sont par les mirages de financements colossaux sans conditionnalité aucune, piège à cons d'une "colonisation sans colonialisme" (1).
Face à cet unanimisme autant moutionner qu'il est intéressé, il est heureux qu'il s'en soit trouvé au moins un, fût-ce à titre d'individu, pour crier que le Darfour vaut bien qu'on lui sacrifie des contrats, fussent-ils les plus juteux.
Bravo Spielberg ! !
E.O.N.
L’Observateur Paalga du 18 février 2008
Note :
(1) Cf. Penser l'Afrique autrement de Claude Imbert in l'hebdomadaire français le Point n°1847 du 7 février 2008
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