C’est quoi ces applaudissements commandés !
Humeur
C’est quoi ces applaudissements commandés !
Alors que les applaudissements sont censés traduire le mérite de quelqu'un et l'admiration que le public a pour lui, on assiste de plus en plus à des bans commandés. Même la médiocrité et les médiocres sont applaudis de nos jours, ce qui est un mauvais enseignement de nos jours, s'indigne l'auteur de l'écrit qu'on va lire.
C’était au temps où les animaux parlaient comme et avec les Hommes. A cette époque, existait dans une contrée un chef, père de deux filles jumelles d’une grande ressemblance. Même les parents éprouvèrent des difficultés à les distinguer. Parfois, c’est l’appellation par leur nom qui permettait de les distinguer. A cela, il faut ajouter leur grande beauté qui faisait le tour de la contrée. On sait également qu’il y a des hommes qui n’aiment que de belles femmes ou dites telles. L’essentiel pour ces hommes, c’est que l’on dise qu’ils ont une très belle femme même si son caractère laisse à désirer. Dans la contrée du chef donc, existait un homme du genre qui tenait à une des belles filles jumelles du chef. Il entreprit des démarches qui prirent un long temps avant de recevoir l’avis favorable du chef qui, dans sa tête, voulait soumettre l’homme à une difficile épreuve. Quand le moment de la célébration du grand mariage arriva, le chef appela ses deux filles jumelles, la nuit de la veille et leur dit : «Demain, tout le village et les villages de mon territoire seront là. Toi (désignant la fiancée), ton mari sera soumis à une épreuve. Vous serez toutes les deux placées au milieu de la foule, en l’absence de l’amant. J’indiquerai à la foule laquelle d’entre vous sera sa femme. Ensuite, je le ferai venir et il aura à désigner publiquement laquelle d’entre vous est sa fiancée. S’il réussit, le mariage sera célébré ; dans le cas contraire, le mariage sera annulé et il n’aura plus ma fille. Je préviendrai aussi publiquement la foule».
A l'origine était un chien
Il paraît que les chefs aiment les filles des autres mais ne sont pas toujours prêts à marier facilement les leurs. Il était donc persuadé qu’avec la grande ressemblance des jumelles, le fiancé se tromperait. Un chien était couché et avait suivi toute la conversation. Aussitôt après l’échange du chef avec ses deux filles, le chien se leva et courut chez le fiancé à qui il dit : «je viens de suivre une conversation entre le chef et ses deux filles jumelles. Demain tu seras soumis à une épreuve avec un grand risque de perdre ta future femme. Les deux filles seront placées au milieu de la foule et tu auras à désigner ta fiancée. Mais je vais t’aider. Demain, quand on te fera venir, ne te précipite pas. Suis mes mouvements. Je sortirai de la foule, me dirigerai vers les deux filles comme si je traversais et en passant, je frapperai de ma queue la jambe de celle qui sera ta future femme et je me dissiperai dans la foule. Après cela, tu pourras avancer à côté des deux filles. En face d’elles, fais semblant de trouver l'épreuve consistant à identifier ta fiancée difficile et puis embrasse celle que je t’ai indiquée en lui donnant des accolades»
Le lendemain, les choses se passèrent effectivement ainsi. Toute la foule avait les yeux sur celle que le chef venait de montrer à tout le monde, en l’absence du fiancé. On attendait alors l’arrivée de l’amant que le chef ordonna de faire venir. L’homme suivit à la lettre les consignes du chien. Quand tout à coup il embrassa la jeune fille et se mit à lui donner des accolades, toute la foule se mit à taper les mains. Voici l’origine des applaudissements. Depuis lors, quand une personne pose un acte inhabituel, extraordinaire, surprenant positivement, on accompagne son acte d’applaudissements.
Même les médiocres sont applaudis
Les applaudissements mettent en exergue la valeur intrinsèque d’une personne, son savoir-faire, son professionnalisme, son courage, son éloquence, sa personnalité, son intelligence, qu’elle vient de démontrer. L’apparition brusque ou annoncée d’une personnalité peut également entraîner des applaudissements de façon naturelle. Cela permet à cette personnalité de mesurer elle-même sa popularité, son audience auprès du public, etc. Les applaudissements valorisent donc l’Homme à la seule condition qu’ils soient naturels, c’est-à-dire non ‘’commandés’’.
Malheureusement, il est un constat que de nos jours certains applaudissements n’ont pas de sens dans la mesure où ils ne permettent pas de mesurer la valeur réelle de celui ou de celle qui les reçoit. 90% des applaudissements de nos jours sont ‘’commandés’’. Une seule participation à une cérémonie ou à un événement quelconque permet de le savoir. On crie à péter pour réclamer des applaudissements pour telle personne annoncée ou citée. «Sous vos applaudissements, s’il vous plaît». A certaines étapes, on entend aussi : «applaudissez pour lui». On applaudit et on attend encore la commande. Ce qu’il faut donc savoir, c’est que quand vous demandez des applaudissements pour une personne, en réalité vous la dévalorisez.
Les applaudissements doivent être naturels. On applaudit parce qu’on a été impressionné, convaincu, pour ce qu’on a trouvé extraordinaire ou bien dit. Il y a une autre façon de ‘’commander’’ des applaudissements sans crier à péter. Par exemple, on se met le premier à applaudir et on entraîne ainsi les autres. Ils se généralisent et deviennent donc naturels. Autrement, on risque d’inculquer dans l’esprit des jeunes générations que les applaudissements se ‘’commandent’’; ce qui conduit parfois à obliger des gens à applaudir la médiocrité et des médiocres. Même les autorités commencent à tomber dans la ‘’commande’’ des applaudissements. Des exemples existent : lors de l’ouverture du FESPACO 2007 au Stade du 4-Août, le ministre Aline Koala dans son discours mettant en exergue ce que le Président Blaise Compaoré aurait fait pour le FESPACO, n’avait pas hésité à ‘’commander’’ des applaudissement pour le Président du Faso qui officiait ladite cérémonie, en ces termes: «je vous demande d’applaudir pour lui». D’autres exemples existent.
Evitons donc de laisser de mauvais enseignements aux jeunes générations. On n’applaudit pas au hasard. Les applaudissements ont un sens. Ils traduisent le mérite. Evitons donc leur ‘’commande’’.
Jonas Hien
L’Observateur Paalga du 2 août 2007
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