L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Les oubliés de Balkuy

Les oubliés de Balkuy

La société SOCOGIB a reçu de l'Etat le permis " d'embellir " l'arrière de la nouvelle présidence de Ouaga 2000. Ce projet d'embellissement consiste à construire une cité derrière le palais de Kos yam. Seulement, il y a problème car les terres sur lesquelles doivent être érigée cette cité sont occupées depuis belle lurette par des paysans de Balkuy pour leur culture et par des éleveurs peuls.

Depuis octobre 2005, les paysans du village de Balkuy sont en statut quo. Ils ne savent pas ce que l'avenir leur réserve. Leur outil de travail est menacé de leur être retiré par la société SOCOGIB appartenant à la richissime Alizèta Ouédraogo. Pour mieux comprendre leur situation, il est bon de faire un récapitulatif chronologique.

C'est à la fin de la saison des pluies 2005 que des machines sont arrivées sur leurs champs : elles enlèvent des voies, en mettent d'autres, larges d'une dizaine de mètres, et installent des bornes au cœur même des champs. Affolés, les paysans se rendent chez le chef du village, Issa Tapsoba. Ce dernier n'était pas plus informé que la population.

Il décide donc de rencontrer Eugène Zagré, directeur de la société SOCOGIB. Il obtient un rendez-vous le 31 octobre 2005. La SOCOGIB l'informe que des logements sont prévus à cet endroit. En effet, les terres se trouvent juste derrière la présidence de Ouaga 2000 et ne doivent pas rester vacantes. Le promoteur promet qu'un agent recenseur va venir : jusqu'à maintenant, personne n'est venue si ce n'est pour recenser les éleveurs peuls présents sur les terres. Constatant que la situation ne se débloque pas, les paysans forment un comité appelé " Comité de crise des paysans de Balkuy " avec à sa tête Alexis Ouédraogo.


Ce dernier décide de prendre les choses en main en envoyant un courrier au Médiateur du Faso, au Maire de la commune de Bogodogo et à la SOCOGIB en septembre 2006, puis en novembre 2006, il fait parvenir une missive à la SONATUR. En vain … Ses appels désespérés demeurent sans réponse. Seul le Médiateur du Faso lui a fait parvenir un courrier stipulant qu'il avait pris connaissance de sa lettre. La mairie de Bogodogo dont dépend le village de Balkuy n'a manifesté aucun intérêt à la préoccupation des paysans.


Quant à la SONATUR et la SOCOGIB, personne n'a dû juger utile de prêter attention à ce genre d'appel au secours puisque aucune suite n'a été donnée.


Cependant, il ne s'agit pas seulement des paysans : une œuvre caritative du nom de " Vision for Burkina Faso " possède deux hectares sur les dites terres. Cette association a planté des arbres pour " apporter sa pierre à la lutte contre la désertification au Burkina Faso ". De plus, un forage de 56 mètres a été fait pour la mise en place d'un centre d'accueil et de formation.

Ces investissements ne peuvent tomber dans les oubliettes de cette façon. C'est pourquoi, l'association réclame une réparation s'élevant à 10 millions de francs CFA en remplacement d'un terrain. Pour le moment, l'organisation n'a pas reçu de réponse. D'autres particuliers se trouvent dans la même situation. Parmi eux, un seul détiendrait un titre foncier et la société SOCOGIB n'entend indemniser que celui-là.

Mais derrière tout cet esclandre se cache une femme au pouvoir indéniable : Alizéta Ouédraogo, directrice de la société immobilière AZIMO, et belle-mère de François Compaoré, frère cadet du président du Faso. D'après un paysan menacé d'être exproprié : " Si cette femme se permet de faire ça, c'est parce qu'elle est protégée par François Compaoré et le Président lui-même ".

En effet, désespérés d'être à ce point ignorés, les paysans se permettent d'arguer ce genre de supposition … Le problème est que les paysans ne disposent pas de titre foncier ; or, dans ce cas, les terres appartiennent à l'Etat… Si les promoteurs immobiliers s'entendent avec l'Etat, ils ont le plein droit de faire construire.


Seulement, il y a des paramètres à prendre en compte que ces derniers semblent oublier : nous sommes en Afrique et la tradition est orale et non écrite. De plus, comment demander ce type de papiers à une population majoritairement analphabète ? Les paysans de Balkuy travaillent ces parcelles parce que leurs pères le faisaient ainsi que leurs grands-pères, et leurs aïeux.

L'histoire pourrait être simple s'il n'existait pas d'aussi énormes problèmes de communication. Les paysans s'en sont remis au Naaba du village qui semble impuissant devant le phénomène. Ils ont donc voulu contacter les sociétés en question pour engager un quelconque dialogue que ces dernières refusent.

La SOCOGIB dit seulement que les travaux n'ont pas commencé et qu'en temps opportun, ils seront dédommagés. Les paysans seront ainsi prioritaires dans l'attribution des parcelles à Balkuy, un projet qui sera piloté par la même société SOCOGIB. Cette proposition n'a pas été faite directement aux intéressés.

Ces derniers affirment d'ailleurs ne pas être preneurs car, prioritaires ou pas dans le lotissement de leur village, ils auront leurs parcelles, le problème n'étant pas les parcelles d'habitation mais leurs champs. Comment faire ? C'est la question que se posent aujourd'hui les laissés pour compte de Balkuy. Ils ne savent plus à quel saint se vouer et à juste titre puisque toutes les portes qu'ils essaient d'enfoncer demeurent closes.

Il va pourtant falloir que la situation se décante. Ces citoyens burkinabè ne peuvent pas demeurer dans une telle incertitude. Il ne s'agit pas de leurs habitations que l'on veut raser, mais de leur outil de travail, ce qui leur permet de vivre. La terre est un élément lourd de symboles, que l'on ne peut écarter surtout dans la Culture africaine. Même à l'heure actuelle, nombre d'Africains croient encore au pouvoir des ancêtres, et à la force de Dame Nature. Pour une question de morale, ces résidants ne peuvent être délaissés de la sorte.

Une indemnisation financière semble être la meilleure échappatoire. Car fournir d'autres terrains exploitables paraît quelque peu compliqué… A moins qu'il y en ait de disponibles à proximité mais comme les responsables refusent tout entretien, les habitants ne peuvent pas savoir. Les paysans de Balkuy ne vont pas à l'encontre du progrès moderne auquel les sociétés immobilières les confrontent mais souhaitent un arrangement. Que la Présidence ne veuille pas de terres nues derrière son emplacement se comprend, mais il ne faut pas négliger ceux qui se trouvaient là avant. Affaire à suivre….

 

Idrissa Barry et Claire Pinsard

L’Evénement du 25 Mars 2007



02/04/2007
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