L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Chirac : L'adieu aux urnes

Jacques Chirac

L'adieu aux urnes

 

Les adieux ont toujours quelque chose de déchirant, voire de tragique. Ceux faits par Jacques Chirac, le président sortant de la République française, n'y auront pas échappé.

 

Et cela, même si depuis quelques mois, l'hôte de l'Elysée, par petites touches successives, allant jusque dans l'intimité de sa famille en parlant du déchirement que constitue l'anorexie de sa fille, a montré qu'il avait définitivement renoncé à briguer un troisième mandat.

 

C'est donc à un faux suspense qu'il a mis fin dimanche en début de soirée, à l'heure où ses compatriotes étaient à table pour le traditionnel gigot d'agneau dominical accompagné de flageolets.

 

C'est Jean-Pierre Raffarin, son premier ministre de 2002 à 2005, aux raffarinades bien connues, qui résume sans doute le mieux cette posture quasi gaulienne de son ancien patron : "L'émotion est forte, le propos est digne, sobre, même si le cœur est ouvert. Au fond, Jacques Chirac s'est affirmé tel qu'il est, tel que je le connais : humaniste, social et européen".

 

Exit donc Chirac qui s'est livré, les yeux dans les yeux, à une véritable déclaration d'amour à la France et aux Français. C'est, si on peut dire, l'adieu aux urnes pour celui qui a décidé de ne pas solliciter une nouvelle fois les suffrages de ses compatriotes. Plus qu'un voyage officiel à l'étranger et le passage de témoin à son successeur et c'est une page de l'histoire politique française qui sera définitivement refermée.

 

Voilà maintenant 40 ans, dont 12 au sommet de l'Etat, qu'elle s'écrit.

En fait, après la claque du 29 mai 2005 quand les Français, par référendum, ont dit non au projet de Constitution européenne soutenu par le premier d'entre eux et par les principales formations politiques, Chirac avait commencé par faire le deuil d'un troisième mandat même si, pour emmerder Sarkozy, il laissait planer le doute sur sa candidature.

 

Différents sondages faisaient d'ailleurs ressortir qu'une majorité de ses concitoyens ne souhaitaient pas  qu'il se représente. Sous peine donc de subir une sortie pitoyable s'il s'entêtait, il n'avait pas vraiment d'autre choix que de renoncer et de prendre, à 75 ans, une retraite politique somme toute bien méritée.

 

De ce fait, si on excepte la théâtralisation de cette allocution radio-télévisée qu'il a  lui-même écrite, soulignent ses collaborateurs, ce fut un non-événement accueilli par des réactions contrastées de la classe politique française.

 

La plus dure de toutes sera venue de Jean-Marie Le Pen, le président du Front national, qui va pourtant regretter son "meilleur ennemi", gratifié au passage de "plus mauvais président de la République de l'histoire de France". Rien de moins.

 

Il faut dire que cette véritable bête politique se sera véritablement plus illustrée sur la scène internationale qu'en politique intérieure. Chirac, c'est l'ami traditionnel des régimes arabes, même s'il doit souvent faire le grand écart pour ne pas déplaire à Israèl ; c'est le soutien constant et le défenseur infatigable des pays pauvres, notamment africains ; c'est surtout l'opposant farouche à l'invasion américaine de l'Irak, marquée par le mémorable discours de Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, à la tribune de l'ONU le 14 février 2003.

 

Mais tout cela, on le sait, a souvent été l'histoire d'une impuissance marquée par une agitation politico-diplomatique débordante sans une véritable capacité à changer le cours des choses.

 

Sur le plan national, c'est un bilan plus que mitigé qu'il va laisser traversé par des échecs cuisants : le rejet du référendum sur la Constitution européenne (comme on l'a vu plus haut) ; la dissolution désastreuse de l'Assemblée nationale le 21 avril 1997, inspirée par de Villepin, à l'époque secrétaire général de l'Elysée ; le rejet par la jeunesse du Contrat première embauche, etc.

 

Et s'il est parvenu à réaliser certaines de ses promesses électorales comme la baisse de l'impôt sur le revenu, la lutte contre la délinquance ou la violence routière, pour l'essentiel, les promesses chiraquiennes n'engageaient que ceux qui y croyaient, et beaucoup de gens s'accordent à dire que la fracture sociale, sur le thème duquel il a été élu en 1995 s'est accentuée depuis.

 

Chirac, c'est donc l'histoire d'une impuissance populiste où la forme prend le pas sur le fond ; Chirac, c'est aussi la chaleur humaine, ce sont les bains de foule, ce sont ces postérieures de vaches qu'il aime bien tâter, comme ce fut encore le cas la semaine dernière au Salon de l'agriculture, ce sont ces discours emphatiques, bref, il y a un peu d'Africain dans ce Corrézien. Et ce n'est peut-être pas un hasard s'il aime les arts premiers et s'il était à tu et à toi avec ces rois nègres qui nous gouvernent et qui seront le plus orphelins de son départ.

 

Chirac l'Africain,  qui va partir sans avoir pu ramener la paix en Côte d'Ivoire, c'est aussi cette corruption politique qui lui colle à la peau ; ce sont ces emplois  fictifs de la mairie de Paris du temps où il en était le patron ; ce sont ces cadavres qui votaient ; ce sont ces financements occultes du RPR pour lesquels certains de ses proches (comme Alain Juppé) ont trinqué et pour lesquels de petits juges l'attendent dès qu'il ne sera plus couvert par l'immunité présidentielle.

 

 

Le Chirac politique a ainsi vécu. Place à une nouvelle génération de politiciens, de fringants quinquagénaires de la droite, de la gauche et du centre qui rêvent de lui succéder à l'angle de la rue du Faubourg Saint-Honoré et de l'avenue de Marigny dans le 8e arrondissement de Paris.

 

L'adresse chiraquienne intervenait, on le sait, au moment où François Bayrou, le troisième larron de la course à la magistrature suprême, qui monte depuis quelques semaines dans les sondages, fait jeu égal avec la socialiste  Ségolène Royal (23%) pendant que Sarko caracole toujours en tête avec 28% des intentions de vote.

 

Pour autant, les jeux ne sont pas encore faits de sorte que, plus que l'annonce programmée de sa retraite, c'est en fait sa détermination par rapport au candidat de l'UMP qui devait être la nouvelle du jour. "Tu ne seras pas déçu (par mon intervention NDLR", avait-il confié, semble-t-il, à Nicolas Sarkozy si l'on croit du moins ce qu'a rapporté ce dernier. Voir...

 

Car, pour l'heure, Chirac n'a fait qu'annoncer officiellement son départ, réservant ses choix pour plus tard. L'emploi d'un pluriel a de quoi inquiéter les sarkozystes. Pourquoi d'ailleurs serait-il pressé de donner son blanc-seing à cet homme trop pressé qui ne l'a pas ménagé ces dernières années, qui s'est opposé frontalement à lui et qui l'a même quelquefois humilié, lui faisant avaler tant de couleuvres et essuyer tant d'avanies ?

 

"Le petit" de la place Bauveau ne chante-t-il par sur tous les toits de l'Hexagone qu'il veut une politique de rupture, entendez par rapport aux années  Chirac dont le bilan, pense-t-il, pourrait plomber sa campagne s'il s'en réclamait sans devoir d'inventaire ? Pourquoi donc se démarquer du chiraquisme et vouloir du même coup, étrange paradoxe, de son adoubement ? Pour l'impératif d'unité qu'il faut afficher pour battre ses adversaires ?

 

En vérité, quand bien même Jacques Chirac, en fin de bail, lui manifesterait publiquement et ouvertement  son soutien, rien ne dit que dans l'ombre, il ne va pas lui préparer l'un de ces tours pendables et de ces coups tordus dont il a le secret.

 

Car Chirac, qui n'a pourtant jamais pardonné à l'ancien maire de Neuilly son ralliement à Edouard Balladur à la présidentielle de 1995, c'est aussi l'histoire de trahisons épiques de sa propre famille politique qu'il a parfois contribué à faire perdre.

 

Même s'il ne le dit, il serait tellement heureux d'accrocher  le scalp de son impétueux ministre de l'Intérieur à son tableau de chasse. Et celui qui confessait penser  à l'Elysée en se rasant chaque matin, nonobstant le soutien que lui a apporté hier son adorable rival de Matignon, serait bien inspiré de se souvenir des cas Giscard et Chaban Delmas.

 

Ousséni Ilboudo

Source, L'Observateur Paalga du 13 mars 2007



13/03/2007
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