L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Contrôle des véhicules de l’Etat : Le réveil de l’IGE ?

Contrôle des véhicules de l’Etat

Le réveil de l’IGE ?

L’Inspection générale d’Etat (IGE) est un service dont la tâche est si immense que ses agents ne devraient pas avoir le temps de se tourner les pouces. Traquer les dysfonctionnements des structures de l’Etat n’est pas une sinécure, tant le laxisme, la gabegie et bien d’autres vices sont ancrés dans les mœurs administratives. Mais le profane a depuis toujours eu l’impression que l’IGE ne prend pas à cœur sa mission de "gendarme de l’Etat". Les résultats de ses investigations étant sous le sceau du secret, il est difficile de mesurer l’action de ce service et l’impact qu’elle a sur le changement de comportement des agents publics. Pour le profane donc, l’IGE ne fait rien, si ce n’est d’opérer de temps en temps des descentes dans l’Administration sans qu’on sache ce qui en est ressorti. L’œil et l’oreille du Premier ministre -l’IGE qui relève de la primature- avait donc fini par apparaître aux yeux de l’opinion comme une machine de règlement de comptes ou même de chantage sur des agents jugés peut-être dangereux en raison de leur engagement politique. Son mode opératoire entouré de la plus grande discrétion joue en défaveur de l’IGE. L’organe lui-même n’a pas fait un effort de communication sur ses attributions et ses activités perpétuant ainsi le flou autour de sa mission. Or l’IGE, en tant qu’organe de contrôle d’Etat, a des attributions bien précises. Elle est chargée, entre autres, de "contrôler dans tous les services publics de l’Etat, des collectivités publiques locales, les établissements et tout organisme national investi d’une mission de service public, l’observation des textes législatifs et réglementaires qui en régissent le fonctionnement administratif, financier et comptable". Si l’IGE travaille, c’est donc dans l’indifférence générale. Voilà pourquoi l’opération de contrôle des véhicules de l’Etat que les limiers de l’IGE, en collaboration avec les forces de l'ordre, ont lancée le week-end dernier, a surpris plus d’un. A commencer par les fonctionnaires eux-mêmes, dont beaucoup sont tombés dans le filet des inspecteurs. Ce genre d’action très visible a ses avantages. Il rassure les citoyens sur la vigilance que les organes de contrôle doivent exercer sur l’utilisation du bien public. Il a aussi un caractère pédagogique. Si les contrevenants sont mis devant leurs responsabilités, cela créera inévitablement un choc dans l’esprit de bien des fonctionnaires qui confondent les biens de l’Etat avec leur patrimoine personnel. Ils réfléchiront par deux fois avant de monter au volant du véhicule avec plaque d’immatriculation rouge mis à leur service dans le cadre exclusif de leurs fonctions. Mais l’opération de l’IGE visait aussi à vérifier une autre forme d’abus, le non dédouanement par les acquéreurs, des véhicules rachetés à l’Etat. Il arrive en effet que les véhicules d’un certain âge soient mis aux enchères au profit de tierces personnes. Mais une fois le véhicule acheté, on oublie à dessein de le ré-immatriculer. Parce que le « fond rouge » offre des garanties, s’il n’assure pas carrément l’impunité. Toujours est-il que cette pratique frauduleuse entraîne des pertes pour les caisses de l’Etat et, pire, relève de l’usage du faux. Pour ce problème précis, l’Etat peut trouver la parade en exigeant dès la vente du véhicule, que toutes les procédures soient accomplies, comme le dédouanement par exemple. La plupart des sociétés privées, des ONG et des chancelleries prennent cette précaution pour éviter certaines dérives.

En commençant à sévir au niveau de l’utilisation des véhicules de l’Etat, l’IGE met le doigt sur un des symboles les plus visibles de la gabegie qui prévaut dans la fonction publique. Le véhicule et ses accessoires, notamment les bons d’essence, sont particulièrement l’objet d’abus inacceptables. Ce qu’il faut redouter, ce n’est pas tant les dépenses supplémentaires que cette utilisation occasionne pour le budget de l’Etat, mais les rancoeurs qu’elle alimente. Dans un pays aussi pauvre que le Burkina, les véhicules "fond rouge", d’ailleurs généralement hauts de gamme, doivent être bien gérés. La voiture de service doit être utilisée dans des conditions précises, au risque de heurter la sensibilité de la majorité de la population. Et même par rapport aux agents consciencieux, pour qui les courses personnelles et celles liées au service ne peuvent se confondre, il y a nécessité de rappeler à l’ordre les brebis galeuses. C’est donc un devoir de justice sociale pour tous de moraliser l’usage des véhicules de l’Etat.

Bien sûr, l’avènement d’un nouveau Premier ministre n’est pas étranger au frémissement perceptible à l’IGE. Une nouvelle dynamique est enclenchée, pour renforcer les actions de l’équipe gouvernementale précédente, et redorer le blason d’une administration publique sérieusement terni. Ce contrôle de masse ne doit pas être un feu de paille. Il doit s’étendre à d’autres aspects comme la consommation de l’eau, du téléphone et de l’électricité dans les bureaux et les résidences mises à la disposition des agents. Bref, l’IGE doit fouiller et fouiner partout où un sou de l’Etat entre. Mais encore faut-il que le statut actuel de l’IGE et les moyens mis à sa disposition lui permettent d’être vraiment opérationnelle. Cela relève plus de la volonté politique que de celle des inspecteurs.

Le Pays du 4 octobre 2007



03/10/2007
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