Coup d’Etat en Mauritanie : Honte à ces putschistes !
Coup d’Etat en Mauritanie
Honte à ces putschistes !
Quel est le dernier coup d’Etat perpétré en Afrique ? Difficile d’y répondre tant ce mode d’accession au pouvoir commençait à s’espacer. Eh bien
Craignez-vous un éventuel retour des militaires ?avait demandé, il y a un an, un confrère à Ahmed Ould Dada, le candidat malheureux à la présidentielle de mars 2007 face à Cheick Abdellahi. «Non. Pas si le gouvernement civil est à la hauteur et assume ses fonctions correctement. Y compris vis-à-vis de l’armée», avait-il répliqué. Faut-il donc en déduire que le fraîchement déchu n'était pas "à la hauteur" ?
C’est certain que le président septuagénaire, en 18 mois, n’avait pas pu s'imposer à la tête du pays, certes il cherchait ses marques. D’abord il a cru bien faire en s’attachant les services d’un gouvernement(le second) ouvert à tous les segments de la vie politique, le 11 mai 2008 avec le PM Yahya Ould Ahmed El Waghf.
Et si les deux tiers des 30 ministres et secrétaires d’Etat étaient issus des rangs du Pacte national pour la démocratie et le développement (PNDD), la formation née en janvier pour l’épauler, on notait la présence, dans le gouvernement, de toutes les sensibilités qui comptent en Mauritanie : l’Alliance populaire progressiste (APP) du président de l’Assemblée nationale et héraut de la lutte anti-esclavagiste, le Haratine Messaoud Ould Boulkheir. Il n’est pas jusqu’à l’ex-parti-Etat d’Ould Taya, le Parti républicain démocratique et social (PRDS), qui n’ait rejoint la seconde équipe de «l’ère Sidi II», ou encore le Rassemblement national pour la démocratie et le développement (RNDD), le parti, à tendance islamiste, de Jemil Ould Mansour, dont la présence autour de la table du Conseil des ministres était plus que sujette à caution.
Puis survint, le 15 juillet 2008, le 3e gouvernement, expurgé des éléments de l’opposition et des membres du pouvoir d’Ould Taya. Ce que d’aucuns avaient du reste qualifié d’erreur politique, estimant que le chef de l’Etat avait cédé aux injonctions des faucons de son camp et que, tôt ou tard, il le payerait cash.
De fait, le nouvel élu, à l’épreuve du pouvoir, avait compris que la compétence et la bonne volonté étaient insuffisantes pour diriger le bateau mauritanien et qu’il fallait un zeste politique.
En quelques mois donc, voilà le chef de l’Etat Cheik Abdellahi qui passa d’un gouvernement technocrate à un second, politique, puis à un troisième, la synthèse des deux précédents, dans une sorte de pilotage à vue, qui faisait patiner le pays.
Qu'à cela ne tienne, avec un Parlement à majorité Pnddiste et un gouvernement de compromis, uniquement formé de partis de la majorité présidentielle, représentée à l’Assemblée nationale, le premier magistrat mauritanien se croyait à l’abri de toute surprise. Et surtout, avec sa légitimité, il estimait pouvoir agir à sa guise. C’était sans compter avec les vieilles scories qui tardent à se calciner.
La première salve a, on se rappelle, été tirée le 11 mai 2008 par une quarantaine de parlementaires de «sa» majorité, qui l’avaient contraint à changer de ministres, preuve, s'il en était, qu'il n'était pas le seul maître à bord du navire battant pavillon Mauritanie. S’en est suivie la deuxième estocade ,décochée par... 48 parlementaires de la mouvance présidentielle encore (décidément !) qui ont claqué la porte du PNDD. Le casus belli de ce départ, survenu pas plus tard que le 4 août dernier, est la non-obtention de la convocation d’une session extraordinaire, qui devrait se pencher, entre autres, sur la mise sur pied d’une Haute cour de justice chargée de traîner à la barre les hauts responsables de l’Etat et de la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la fondation de l’épouse du chef de l’Etat, une fondation suspectée de collectes illégales de fonds.
Mais c’est sans doute les dernières mesures prises par Abdellahi qui ont, si on ose dire, mis le feu aux poudres : le limogeage tous azimuts des chefs d’état- major de l'armée de terre, de la gendarmerie, de la garde nationale et même de son propre chef d'état-major particulier, tous remplacés dans la foulée. Voilà donc un président déjà fragilisé sur le front politique par de récurrentes défiances de sa propre chapelle, qui s’offre le luxe de renvoyer des patrons de l'armée, ceux-là même qui, sous nos cieux, sont toujours, sinon les faiseurs de rois du moins les garants d’un règne paisible et si, possible, long. C’est manifestement cette erreur fatale d'un président déjà en sursis qui a précipité sa perte.
Très vite donc, les généraux, qui ont baptisé leur chose Conseil d'Etat, ont repris ce qui est leur chose, car, en Afrique, il ne faut pas se leurrer, derrière le vernis démocratique veille la grande muette, qui peut donner de la voix lorsque ses intérêts sont menacés. C'est ce qui vient de se produire.
On ne le soulignera jamais assez, si le cas d’ATT du Mali a été salutaire pour son pays, de même que, dans une moindre mesure, celui d’Ely Ould Val de Mauritanie de nombreux autres généraux (Bozizé de
A l’évidence, on peut dire que, si le nouveau président semblait flotter dans ses nouveaux boubous de chef d'Etat, le général Abdel Aziz et sa clique, qui l’ont renversé, ont ramené
Prendre le pouvoir parce que le président vous a relevés de vos postes ! Ce n’est qu’en Afrique, hélas, qu’on voit ça et ce n’est pas demain la fin. Pendant qu’on y est, le chef de l’Etat n’est-il pas également le chef suprême des armées ? Le général putschiste Abdel Aziz, apparemment, a seulement pensé à sa panse et à celle de ses coputschistes, mais a-t-il réfléchi aux conséquences de son acte ? Sait-il qu’à travers ce 4e coup d’Etat de
Honte donc à ces putschistes à la petite semaine, qui contribuent à pérenniser l’afro-pessimisme et à tirer le continent en arrière, puisque, avec ce pronunciamiento des sables, il faut, de nouveau, repartir de zéro pour construire l'édifice démocratique mauritanien, qui avait juste besoin de quelques ravalements de sa façade, pas d'une destruction au bazooka. Il ne manquerait d'ailleurs pas qu'une fois les récriminations des communautés africaine et internationale estompées, ces étoiles de pacotille se piquent de vouloir légitimer leur forfaiture par les urnes, comme tant d'autres avant elles.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga du 7 août 2008
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