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Cour des comptes : Un rapport qui tombe doit forcément faire du bruit

COUR DES COMPTES

Un rapport qui tombe doit forcément faire du bruit

 

Vendredi dernier, la Cour des comptes a convié la presse pour décortiquer le contenu du rapport public 2005 qui a été remis solennellement au chef de l’Etat. Volumineux document de 300 pages, il épingle plusieurs structures, grâce à des contrôles effectués sur des opérations budgétaires de l’Etat dans des collectivités territoriales et des entreprises publiques. Et le constat est là : de par les réactions suscitées, ce rapport qui vient de tomber semble faire plus de bruit que le précédent.

Depuis sa parution et sa remise au président du Faso, le contenu du rapport 2005 continue de susciter moult réactions, discussions, analyses et commentaires. Et le climat s’y prêtait fort d’autant plus que, cette fois-ci, la presse en a vraiment fait ses choux gras. Normal à une époque où la mode est aux discours officiels dans lesquels il ne doit surtout pas manquer les expressions « bonne gouvernance » et « lutte contre la corruption ». Dans ce présent rapport rendu public, les résultats des contrôles ont porté sur : l’exécution de deux lois de finances, celles de gestion 2003 et 2004 ; la gestion de deux établissements publics, à savoir l’ENEP de Fada et le CHR de Gaoua ; la régie de recettes de la douane Ouagaroute ; la réfection de l’hôtel de ville de Ouagadougou ; le 75e anniversaire da la commune de Bobo Dioulasso ; la gestion de 4 projets ; les Ecoles satellites et Centres d’éducation non formelle ; le Programme national de gestion des terroirs (PNGT2) ; le programme d’appui au Programme national multisectoriel de lutte contre le SIDA et les Infections sexuellement transmissibles (PA/PMLS). Les fins limiers de la Cour des comptes ont également visité d’autres structures comme : le Secrétariat permanent du Conseil national de lutte contre le Sida et les infections sexuellement transmissibles (SP/CNLS-IST), le Médiateur du Faso. Ils ont également passé au peigne fin l’utilisation des financements publics accordés aux partis politiques au titre des activités hors campagne électorale des exercices 2003 et 2004. Après ces visites effectuées, la Cour des comptes a dénoncé dans son ouvrage un certain nombre d’entorses à la légalité, des dysfonctionnements au niveau organisationnel et des cas de mauvaise utilisation des deniers publics. Au titre des entorses à la légalité : absence ou mauvaise tenue des livres et documents comptables ; non-respect de la réglementation des achats publics ; non respect de la réglementation fiscale, notamment à l’occasion de la passation et de l’exécution des marchés ; non-application des règles déontologiques relatives à certaines professions, comme l’absence de comptables publics dans certaines structures. A écouter le premier président de la Cour des comptes, Boureima Pierre Nébié, toutes ces irrégularités ont fait, conformément à la loi, l’objet de communication aux entités contrôlées et à leurs autorités de tutelle en vue de faire cesser les insuffisances et erreurs constatées. Quelques unes auraient immédiatement réagi de manière positive mais, la majorité n’a pas fait connaître à la Cour les dispositions qu’elles ont prises dans le sens du redressement de la situation.

A la mairie centrale, les faits sont têtus

Pendant la conférence de presse, quelques cas assez parlants et piochés dans le rapport ont été abordés, notamment ceux concernant la réhabilitation de la mairie de Ouagadougou, la gestion du SP/CNLS-IST et le Médiateur du Faso. Les différentes démarches pour la réhabilitation de l’hôtel de ville de Ouagadougou ont abouti à la passation d’un marché public entre la mairie et l’entreprise Fadoul Technibois pour l’exécution des travaux de réhabilitation d’un montant de 1 050 000 000 de francs CFA TTC. Le concurrent était l’entreprise Sol Confort et Décor (SCD) qui proposait 1 001 207.271 FCFA TTC. Et la Cour des comptes de se demander pourquoi après avoir retenu, dans un premier temps, l’offre de SCD comme la plus avantageuse pour l’administration du point de vue technique et financier, la commission d’attribution a préféré jeter son dévolu sur Fadoul Technibois. Pire, deux ans après, la réception du bâtiment n’était pas faite. Le contrôle effectué sur ce marché a révélé des irrégularités à différents niveaux du processus, à savoir la désignation du maître d’œuvre, l’organisation de l’appel d’offres, le dépouillement des offres, l’enregistrement du marché et l’exécution des travaux. Suite aux constats de la Cours des comptes, le maire de la ville de Ouagadougou a réagi par une correspondance officielle face à tous ces constats faits par la Cour des comptes. C’est à son honneur. Seulement, lorsque l’on parcourt le document, le lecteur constate qu’il ne semble pas avoir convaincu Boureima Pierre Nébié et ses ouailles.

Le médiateur qui chaussait ses chauffeurs

Côté SP/CNLS, ces irrégularités, parmi bien d’autres, ont été constatées : pendant l’exercice 2001 à 2003, le gestionnaire du projet BKF était en même temps gestionnaire de fonds et caissier ; des chèques ont été annulés sur la souche du chéquier et n’ont pas été retrouvés parmi les lots des chèques annulés ; les consommations de carburant ne sont pas justifiées par des quittances à la pompe après les missions effectuées ; le secrétariat permanent, par décharge ou simple correspondance, octroyait des sommes d’argent à des personnes physiques ou organisations n’ayant aucun intérêt avec les objectifs du programme. Mais les constats qui semblent le plus prêter à sourire, ce sont ceux faits au Médiateur du Faso, du temps où le Général Marc Garango était aux commandes de cet édifice appelé par certains « Maison rose ». Les problèmes résidaient au niveau de certaines dépenses effectuées. C’est le cas, en 1988, de ces frais de missions, à hauteur de 44.000, payés à des agents pour avoir accompagné le Médiateur du Faso ...à l’aéroport de Ouagadougou. Il y a aussi ces six paires de chaussures pour les chauffeurs à hauteur de 234 000 francs CFA, soit 39.000 francs la paire. C’est peut-être pour leur permettre de mieux appuyer sur le frein et l’accélérateur. Et ce n’est pas tout : en 2001, les frais d’habillement du directeur de cabinet chez le médiateur s’élevaient à 703 000 francs CFA. Suivront d’autres dépenses aussi somptuaires les unes que les autres. D’ailleurs, l’on percevait la gêne de son remplaçant, le regretté Jean-Baptiste Kafando, lorsqu’il a reçu les observations de la Cour des comptes. Il suffit de parcourir une partie de sa réponse qu’il a adressée à la haute institution : « En vue de la continuité de l’administration, je prends acte des commentaires sur la gestion antérieure à ma prise de fonction et je dois vous remercier très sincèrement de votre franchise et votre professionnalisme. Je voudrais terminer par une observation : j’ai reçu votre rapport de contrôle en courrier ordinaire. Les secrétaires et même les plantons ont eu le temps de le lire et pourquoi pas, d’en faire des photocopies. Cela peut être dommageable et préjudiciable pour l’institution. Telles n’étaient certainement pas vos intentions, mais je dois le signaler en ma qualité de médiateur ».

Petit à petit, le Rapport fait son nid

Si l’on se fie à son contenu, il est évident que tout gestionnaire de finances publiques aurait intérêt à faire du rapport de la Cour des comptes son livre de chevet. Ne serait-ce que par le poids des entreprises publiques épinglées. Et son contenu a quelque part donné en partie raison à l’opinion, qui avait, à une certaine époque, critiqué la procédure de réhabilitation de la mairie, surtout la faramineuse somme qui y a été injectée. A l’époque, les autorités communales avaient balayé ces plaintes d’un revers de la main. De par les réactions suscitées par le présent rapport, on peut dire que les futures productions feront de plus en plus mouche. Pourvu que les redressements suivent. « Nous avons les mains libres », n’a cessé de répéter le premier président de l’institution tout le long de la conférence de presse. Espérons donc que la haute institution qui, à écouter son premier responsable, a le pouvoir légal de farfouiller jusque dans les finances de la Présidence du Faso (hormis les fonds spéciaux du chef de l’Etat) continuera à investiguer, pour une meilleure gouvernance et une lutte continue contre la corruption. Peut-être qu’un jour, elle sera comme son aïeule tant redoutée, la Cour des comptes de France, qui fête cette année ses 200 printemps. Elle édite le document le plus attendu de la République française et chaque gestionnaire d’une entreprise publique a peur d’être alpagué sous ses fourches Caudines.

Issa K.Barry

L’Observateur Paalga du 30 juillet 2007



30/07/2007
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