Dans l'univers des démarcheurs de maisons et de parcelles à Ouaga
Immobilier à Ouaga
Dans l'univers des démarcheurs de maisons et de parcelles
A Ouagadougou, il est de plus en plus difficile d'obtenir une maison à louer sans passer par les jeunes démarcheurs généralement installés aux abords des rues avec leurs tableaux. Ces tableaux qui fournissent des informations sur la disponibilité des maisons ou des parcelles à louer ou à vendre, ont aujourd'hui envahi les rues de la capitale burkinabè. L'activité a connu un essor fulgurant ces dernières années et fait vivre des centaines de jeunes Ouagalais. Ceux-ci semblent pourtant avoir mille et une difficultés pour s'organiser. Le démarchage de maisons et de parcelles, tel que pratiqué par ces "agences immobilières par-terre" n'est pas une activité reconnue officiellement au Burkina. C'est donc un domaine non structuré et non réglementé qui échappe donc à tout contrôle. Et c'est ce qui constitue la principale difficulté de ces jeunes débrouillards dont nous avons visité l'univers.
Il est 7h moins le quart, le matin du mardi 15 avril 2008. Le jeune Idrissa, 29 ans, a déjà installé son morceau de tableau vert, d'à peine un mètre carré, aux abords du boulevard des Tansoaba, à quelques mètres du site du SIAO, à Ouagadougou. Sur ce tableau sans chevalet dressé contre un arbre, il est mentionné en peinture blanche indélébile et très lisiblement: "AGENCE IMMOBILIERE: mini villa, sect. 30: 65.
En allant à la rencontre de ces jeunes "débrouillards" qui, pour la plupart, fonctionnent dans l'informel, sans la moindre reconnaissance officielle, nous faisons le constat qu'ils ont à peu près les mêmes principes de travail. Les mêmes méthodes aussi. Ils partagent également les mêmes difficultés dans l'exercice de cette profession. Pourtant, soutiennent-ils, aucune structure associative ne les réunit, toutes les tentatives d'association ayant été soldées par un échec cuisant.
Alassane Tiemtoré est fondateur d'une agence immobilière qu'il a baptisée "Barka location". Pour donner plus de visibilité à son activité, il a installé deux tableaux sur l'avenue Charles de Gaulle. Le premier à la hauteur du quartier Wemtenga et le second, au terminus de l'avenue, à quelques mètres de la pédiatrie "Charles de Gaulle". Alassane travaille avec 4 autres jeunes (Bob, Kanazoé, Rachid et Michel). Ces 5 associés nous confient que leur principe de travail ne souffre d'aucune ambiguïté, contrairement à ce que l'on pourrait penser. Un principe qui consiste d'abord à faire payer par le locataire potentiel, la somme non-remboursable de
Pour ce qui est des parcelles, le gain du démarcheur est beaucoup plus substantiel: il représente 10% du prix de vente de la parcelle à verser par celui qui vend son terrain. Par exemple, pour une parcelle vendue à 2 millions de F CFA, le démarcheur devrait s'en tirer avec
Marcel D. Zera gère, depuis 2005, une agence immobilière stratégiquement basée à l'intersection entre l'avenue des Tansoaba et celle menant à "Katre yaar", au secteur 29. Avant d'être démarcheur de maisons, il fut d'abord cheminot à
Un tableau, un téléphone et un moyen de déplacement...
Aujourd'hui à Ouaga, il est très facile pour un jeune de devenir démarcheur de maisons, ont reconnu la plupart des propriétaires d'agences immobilières que nous avons rencontrés. Car l'activité, contrairement à bien d'autres, ne nécessite pas, pour ses débuts, beaucoup de moyens matériels et financiers. On n'a même pas forcément besoin d'un fonds de roulement pour s'y lancer. Toutefois, un minimum d'équipements s'avère indispensable pour le nouveau venu: un tableau affichant les informations sur les maisons ou parcelles en vente ou en location, au moins un téléphone portable pour être facilement joignable par un client, et un moyen de déplacement pour conduire le client vers l'appartement ou la parcelle à louer ou à vendre. En dépit de cette facilité apparente, "ne devient pas démarcheur qui veut", soutient Justin Kaboré, basé à
Gagner jusqu'à
L'activité arrive, tant bien que mal, à nourrir son homme. "On ne gagne pas beaucoup dedans mais ça nous évite de faire la courbette auprès d'autres personnes pour avoir à manger", déclarent certains démarcheurs. Mais personne d'entre eux n'a pu nous dire, même de façon approximative, ce qu'il gagne par mois. "Ça dépend", ont-ils le plus souvent répondu. Le temps des vaches maigres se situe autour des mois de juin, juillet, août et septembre, correspondant à la saison des pluies. Car très peu de gens déménagent dans cet intervalle de temps, selon Justin Kaboré de
Certains démarcheurs ont prospéré en l'espace de quelques années et ont "modernisé" leurs installations. C'est l'exemple de Jules Césaire Nadembèga de "Napace location", basé au secteur 29, sur le boulevard des Tansoaba. Il a un établissement équipé en meubles et en matériels de bureau dont un ordinateur, et emploie deux secrétaires. Il paie donc des impôts qui s'élevaient à
Ces bailleurs qui ne veulent pas d'étudiants
Comme toute autre activité, le démarchage de maisons et de parcelles comporte des difficultés. Et pas des moindres. Marcel Zera dit avoir quelquefois eu des démêlés avec des clients qui n'ont pas voulu lui payer ses honoraires après le service rendu. "Une fois, raconte-t-il, j'ai eu affaire à un monsieur à qui j'ai trouvé, après plus d'une dizaine de tentatives, une maison de
Contrairement à Marcel, Alasane du secteur 28 dit plutôt ne pas souvent s'entendre avec les bailleurs. "Il y en a qui nous traitent même de voleurs", soutient-il. Et d'ajouter que "certains bailleurs vont jusqu'à demander à nos clients (devenus leurs locataires), de ne pas nous payer nos honoraires". Bob, l'un des associés d'Alassane, précise que certains bailleurs sont très regardants sur le choix de leurs futurs locataires. A titre d'exemple, poursuit-il, beaucoup ne veulent pas de célibataires dans leurs maisons, surtout lorsqu'il s'agit de filles. Il y en a aussi qui refusent catégoriquement de louer leur maison aux étudiants et aux militaires à qui ils ont collé l'étiquette de mauvais payeurs. "Par ailleurs, poursuit Alassane, d'autres bailleurs se permettent d'augmenter subitement le loyer de leur maison, lorsque nous leur apportons des clients qui viennent en voiture ou qui ont une quelconque apparence de personnes aisées."
Des démêlés avec la police municipale
De l'avis de Jules Césaire de "Napace location", la véritable difficulté dans le métier de démarcheur n'est pas liée aux bailleurs encore moins aux clients. Mais elle réside dans les relations parfois tendues entre démarcheurs eux-mêmes. Car, soutient-il, "il y a trop d'incompréhensions, de coups bas, de jeux de cache-cache, de traîtrises entre les différentes agences de location". Et c'est cette situation qui fait que toutes les tentatives d'association des démarcheurs sont restées vaines, indique le directeur de "Napace" qui regrette aussi le fait que n'importe qui peut, du jour au lendemain, se convertir en démarcheur. Pour lui, les autorités municipales devraient s'intéresser à la régulation de ce secteur d'activité, de sorte qu'il puisse relever un défi, celui d'une meilleure marche des activités immobilières. En clair, Jules-Césaire souhaite que la municipalité attribue aux démarcheurs dignes de ce nom, une reconnaissance officielle, un titre qui va les distinguer des "faux-types" et des "voleurs" qui, selon lui, ternissent l'image du démarcheur.
"C'est un métier à très grand risque", souligne Justin Kaboré, évoquant la possibilité de se retrouer en prison". Le "deal" des parcelles est pourtant très "juteux". De l'avis de M. Kaboré, "on devrait pouvoir y gagner par opération entre 100 000 et
Certains de nos interlocuteurs, en l'occurrence Marcel Zera du secteur 29, Justin Kaboré du secteur 15 et Alassane Tiemtoré du secteur 28, ont dit avoir quelquefois eu maille à partir avec la police municipale dans le cadre de la lutte contre les installations anarchiques. "Par deux fois, mon tableau a été emporté par les policiers et j'ai dû payer une contravention pour la récupérer", indique Marcel Zera qui reconnaît toutefois la justesse des interventions des policiers municipaux.
Paul-Miki ROAMBA
Le Pays du 12 juin 2008
ENCADRE 1
L’immobilier sur le net
A côté des démarcheurs de maisons qui officient dans les coins de rues avec des moyens relativement modestes, il y a, à Ouagadougou, l’Agence Ouaga-Guide, une société légalement constituée et basée sur l'avenue de l'aéroport, qui travaille essentiellement par le net. Cela, à travers le site web : « www.ouagaguide.com », qui permet aux internautes dans le monde entier, de voir directement les photos des maisons ainsi que les numéros des propriétaires. Le directeur de cette société, M. Leenders Til, ne considère pas les jeunes démarcheurs de maisons comme des concurrents déloyaux. Il pense qu’ils remplissent une fonction qui répond à une demande des clients, sinon ils auraient eux-mêmes enlevé leurs tableaux.
Ouaga Guide répond aux mêmes besoins que les démarcheurs de rue, mais d’une manière beaucoup plus moderne et surtout plus avantageuse pour les chercheurs de maisons. Avec les photos illustratives sur la toile, nul besoin de se déplacer pour voir une maison. Aussi, toutes les informations sur la maison et sur le propriétaire de la maison sont librement accessibles. De cette façon, le vendeur et l'acheteur auraient réussi à contourner tous les intermédiaires (gardiens, détenteur des clefs, démarcheurs, etc.) qui s'imposent généralement entre eux, moyennant une quelconque rétribution.
M. Leenders Til estime que les agences immobilières devraient profiter de ce moyen moderne de communication pour faire avancer leur secteur d’activité. « Avec le site de Ouaga Guide, nous fournissons aux propriétaires et aux agences immobilières un outil précieux pour communiquer efficacement avec des clients dans le monde entier – Et ce, avec 0% de commission sur la transaction !».
En effet, avec Ouaga Guide, ni le locataire ni le propriétaire ne paie une commission. Mais comment s'en sort alors la société? « Nous demandons une somme fixe de
« Au Burkina, la venue de l’Internet sera d’ici quelques années comparable à la venue des téléphones portables », dit Leenders Til qui met tout son espoir dans Internet.
ENCADRE 2
AIME CAMILLE SOUBEIGA, DIRECTEUR DE
"Le démarchage de maisons répond à un besoin"
Sans être un démarcheur de maisons ou une quelconque agence immobilière, le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme fait tout de même la promotion du logement. Et cela, à travers
ENCADRE 3
ZACHARIA SAWADOGO, MAIRE DE NONGREMASSOM
"J'ai chassé les démarcheurs de parcelles de la mairie"
Zacharia Sawadogo, maire de l'arrondissement de Nongremassom, dans la commune de Ouagadougou, jette dans l'entretien qui suit, un regard critique sur l'activité des démarcheurs de maisons et de parcelles. Pour lui, il n'est pas question d'accorder une quelconque reconnaissance aux démarcheurs de parcelles.
Le Pays: Quel regard portez-vous sur l'activité de démarchage de maisons telle que pratiquée à Ouaga par des centaines de jeunes?
Zacharia Sawadogo, maire de Nongremassom: La gestion d'une agence immobilière est une activité commerciale reconnue par l'Etat burkinabè. De ce point de vue, je ne vois aucun inconvénient qu'elle soit conduite par une personne physique ou morale bien organisée. Mais pour ce qui est des gens qui rôdent autour des mairies et des services domaniaux, soi-disant qu'ils sont des démarcheurs de parcelles, je trouve qu'ils font quelque chose d'une très grande délicatesse. Personnellement, j'ai radié ces gens-là de la mairie de Nongremassom. Je les ai chassés simplement parce qu'ils sont à l'origine de tous nos problèmes de parcelles. Ce sont des gens qui se postent devant les mairies, interceptent ceux qui viennent pour des parcelles pour leur dire qu'ils sont en mesure de satisfaire leur demande parce qu'ils travaillent soit avec le maire, soit avec la commission d'attribution des parcelles. Ce sont des racketteurs, des escrocs. Moi je les qualifie simplement de voleurs. Pas plus tard qu'hier (ndlr: 20 mai 2008), j'ai géré un problème de parcelle créé par un démarcheur qui, de connivence avec un agent de la mairie, a escroqué une dame en lui soutirant 3 millions de F CFA. Vous conviendrez avec moi que c'est une activité très délicate que l'on ne peut ni régulariser, ni reconnaître. On sait que partout il y a des maisons de courtoisie gérées par des gens qui aident ceux-là qui n'ont pas le temps ou qui ne connaissent pas les circuits, à obtenir soit un arrêté d'attribution de parcelle, soit un permis d'exploiter ou un PUH (ndlr: permis urbain d'habiter). Je n'aurais rien à redire si tout cela était fait de façon honnête et franche dans nos mairies. J'accuse aussi les complices qui s'adressent à ces démarcheurs. Lorsque des problèmes du genre surviennent, je renvoie les deux parties à la police ou à la gendarmerie.
Que recommandez-vous alors à celui qui est à la recherche d'une parcelle à Ouaga ?
J'ai justement un conseil à donner à ceux-là qui veulent une parcelle : je leur recommande tout simplement de s'adresser directement aux maires d'arrondissements, ou aux commissions d'attribution des parcelles. Ainsi, ils n'auront d'ailleurs pas grand-chose à payer. Dans la ville de Ouagadougou, la contribution pour l'aménagement ne dépasse même pas 100 000 FCFA. C'est le montant maximal à payer puisqu'il y a les résidents qui ne paient que 35 000, ou 25 000. Nous avons ceux qui ont mis leur parcelle en valeur et qui ne sont pas résidents. Ceux-là paient
Que dites-vous de l'activité des démarcheurs de maisons à louer ou à vendre ?
Je ne les connais pas. Je ne sais même pas s'ils existent dans mon arrondissement. Mais je trouve qu'il n'y a pas beaucoup d'enjeux dans leur activité. D'ailleurs tout le monde sait qu'à Ouaga, pour avoir une maison, il faut aller aux nouvelles. On ne peut pas facilement savoir qu'il y a une maison à louer dans tel arrondissement, tel quartier, telle zone, tel lot, etc. De ce point de vue, je crois que les démarcheurs de maison ont un rôle à jouer. Mais là aussi, la plus grande prudence est recommandée aux clients. Ce serait risqué de leur part que de donner son argent à un démarcheur pendant que l'on n'a encore vu ni la maison, ni le propriétaire de la maison.
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