L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Danse du scalp autour du CDP

Camp présidentiel

Danse du scalp autour du CDP

Pour nombre d’observateurs de la scène politique nationale, la naissance de la Fédération des associations pour la paix avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC) n’est autre qu’un signe avant-coureur d’une liquidation du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).

Alors que, depuis, les premiers responsables du parti présidentiel se refusent à tout commentaire, bien d’analystes, tel Iterre Somé que nous lirons ci-après, animent le débat.

« Alouette, gentille alouette ! Alouette, je te plumerai ! Je te plumerai la tête, je te plumerai le cou ! Et la tête ! Et le cou ! Alouette, je te plumerai ! ». Cette chansonnette, la plupart des instigateurs de ce qui se trame actuellement autour du parti présidentiel l’ont certainement fredonnée dans leur enfance sur les bancs de l’école primaire. S’ils ne l’entonnent pas encore à haute voix en croisant aujourd’hui le chemin des dirigeants du CDP, ils ne se la chantonnent certainement pas moins cyniquement au fin fond de leurs têtes.

Si l’on en croit le sort cruel que la rumeur prête l’intention aux croisés de la famille présidentielle réunis au sein de la FEDAP/BC de mijoter secrètement pour le parti majoritaire, tombé en disgrâce, nul doute que dans l’élan et le moment venu, on plumera davantage que la tête et le cou de l’ignoble oiseau que le CDP serait devenu à certains yeux. Gaiement, on lui plumera aussi volontiers le dos, le ventre, les pattes et même jusqu’au croupion, pour être certain d’avoir réduit à néant et à jamais toute capacité de nuisance et toute velléité d’empêcher de succéder en rond dans le camp du pouvoir.

Des nuages menaçants

Sombres perspectives, pour ce qui apparaissait officiellement jusqu’à date comme l’indéboulonnable socle politique du Président Compaoré. Qu’a-t-il bien pu se passer entre le chef de l’Etat et son parti pour que l’on nous prédise demain un divorce aussi violent ? Toujours est-il que, à lire les commentaires des chroniqueurs les plus chevronnés de la scène politique burkinabè et à observer les signes du temps, les nuages semblent de plus en plus nombreux et menaçants à s’amonceler au-dessus du 1146, avenue du Dr Kwamé-N’Krumah, siège du CDP.

Les rumeurs se font alarmantes et laissent penser qu’une main invisible semble avoir méthodiquement et savamment orchestré une danse du scalp autour du Congrès pour la démocratie et le progrès. Quelle est cette main ? Mystère et boule de gomme. Quant au commanditaire supposé de tout ce charivari, son identité relève d’un secret de polichinelle. Mais sous les cieux du Faso, tous appellent la grand-mère Yaaba, quand bien même le prénom de cette dernière est connu. Qui est fou, n’est-ce pas ? Sans faire montre d’une quelconque suicidaire témérité, fermons les bans là-dessus et venons-en prudemment à des aspects sur lesquels je pense pouvoir me permettre de continuer à disserter, sans courir le risque inutile de m’exposer aux foudres zélées de probables sous-fifres en manque de visibilité ou en mal de serviabilité.

Y a-t-il antinomie entre la FEDAP/BC et le CDP ?

Au regard de la nature des deux structures, la question dialectique qui vient tout de suite à l’esprit, c’est en quoi, comment et pourquoi y a-t-il ou devrait-il y avoir une quelconque antinomie entre la FEDAP/BC et le CDP au point où l’une, à ce qu’il paraîtrait, soit en train de fourbir ardemment les armes contre l’autre ? Récemment portée sur les fonts baptismaux, la première se présente officiellement comme une fédération des associations de soutien aux actions et aux initiatives du Président Compaoré en faveur de la paix et du progrès. Dont acte. Belle initiative et joli programme a priori pour le second, qui n’est autre chose que le parti du même Président Compaoré. Et on nous dit que les deux veulent s’étriper ? Rendez-moi mon latin, bonnes gens.

Depuis le 19 avril et cette fameuse inauguration de siège donnée à voir et à percevoir avec ostentation non simplement comme un signal de démarrage officiel d’activités, mais aussi et surtout comme une démonstration de force et la manifestation d’un symbole, les conjectures en tout cas vont bon train quant au dessein réel ou supposé qui a sous-tendu l’initiative des concepteurs de la FEDAP/BC. Résultats des courses : il traîne comme une odeur de soufre entre l’avenue Kwamé-N’Krumah et la rue de l’Aéroport. Et chacun d’y aller de sa petite analyse, vu qu’épiloguer sur les sujets politiques est un sport national au Burkina. Presque plus un titre ni une parution des journaux de la place sans allusion à une présumée guerre larvée au sein de la grande famille politique du Président Compaoré, les rédactions ont beau se calciner les méninges, nulle ne parvient à éclairer définitivement la lanterne du lecteur et à situer le citoyen ordinaire sur ce que c’est véritablement que ce serpent de mer nommé FEDAP/BC.

Une affaire qui sent la poudre

Comprenons-nous bien. Pour emprunter une image donnée par le journal L’Evénement, la destinée de « L’OVNI de la FEDAP » en elle-même m’importe peu. De quoi je me mêle ? Que diable et quel intérêt ai-je alors à venir fourrer mon nez dans une affaire qui sent tant la poudre ? Braves gens, le chien aboie et la caravane passe sous les cieux de la politique au Burkina. Qu’il me soit donc permis d’exprimer à travers ces lignes mon étonnement et ma grande surprise du vacarme assourdissant qu’ont suscité les premiers vagissements de la FEDAP/BC.

Embouchant la trompette d’un alarmisme bien burkinabè, Zoodnoma Kafando de L’Observateur Paalga n’a ainsi pas pu se priver, en titraille de sa chronique hebdomadaire du mercredi 07 mai 2008, de présenter le CDP et la FEDAP/BC comme désormais « les deux épouses inconciliables de Blaise ». Et le même d’en remettre une couche la semaine suivante à propos de « remous internes au parti majoritaire », s’interrogeant de manière fort tendancieuse : « Le navire CDP est-il en perdition ? »

Le décor politique apocalyptique dont raffole une certaine opinion est planté. A lire ce genre de titres dans la presse et à écouter les commentaires qui en sont faits dans les gargotes, les Burkinabè semblent avoir trouvé en la FEDAP/BC un autre épouvantail pour se faire peur au sujet de l’avenir politique de leur pays. Souhaitons que cela soit pour eux un bon défouloir contre la vie chère, le temps de pronostics saugrenus, de thèses erronées et de débats enflammés autour d’une bière.

Un schmilblick plutôt qu’un cheval de Troie

Plus sérieusement, sans pousser la naïveté jusqu’à penser qu’il n’y a pas le moindre chat politique à fouetter dans cette affaire, je pense pour ma part que cette fédération d’associations d’amis, de tanties, de tontons, de griots et d’autres propagandistes de tous poils du Chef de l’Etat, coachés et solidement encadrés par des têtes couronnées ainsi que les hommes et les femmes les plus fortuné(e)s de notre pays, a beau avoir de quoi intriguer, la FEDAP/BC, en l’état actuel des choses, me fait plus penser à un schmilblick (demandez le sens à Coluche...) qu’à un Cheval de Troie, destiné à assurer de manière plausible la mise en œuvre du scénario d’une quelconque hypothétique succession.

A supposer que j’aie tout faux et que telle soit en vérité la raison cachée d’être de cette organisation. Viendra inéluctablement, tôt ou tard, le moment où les instigateurs, les concepteurs, les responsables et les animateurs de la FEDAP/BC seront bien contraints d’ôter leurs cagoules. Il sera alors toujours temps d’instruire contre eux tout procès en sorcellerie politique.

Pour l’heure et si je puis me permettre un conseil à leur endroit, c’est d’apprendre à mieux peaufiner leur discours public. En effet, sans parti pris nécessaire, le statut officiel de cette organisation cadre très mal, à l’évidence, avec des propos du genre « les questions touchant à la vie et à l’avenir de la Nation ne peuvent plus être l’apanage des seuls professionnels de la politique... » (dixit Gaston Soubeiga, cité dans son discours inaugural du siège de la FEDAP/BC par L’Evénement n°138 du 25 avril 2008, page 8).

Inopportune arrogance verbale

Plus provocateur comme discours dans le registre, tu meurs ! L’adage dit qu’un enfant qui insulte en premier une personne plus âgée que lui a sans aucun doute été envoyé par quelqu’un qui n’est pas très éloigné et en qui il a pleinement confiance pour prendre sa défense. Tout de même, dans un contexte démocratique, ce genre d’arrogance verbale gratuite peut difficilement servir de base à une stratégie politique gagnante.

A ce propos, revenons à Zoodnoma Kafando, pour marquer un point d’accord avec lui dans son analyse sur la gouvernance du navire CDP (L’Observateur Paalga du mercredi 14 mai 2008). En porte-à-faux stylistique apparent avec le titre de sa chronique du jour, il y spécule intelligemment que, sous l’impulsion de la personnalité et de la valeur morale intrinsèque de son actuel dirigeant, le CDP pourrait avoir gagné en civilité et en maturité. Preuve de professionnalisme politique ? Face aux propos virulents du président de la FEDAP/BC, que l’on imagine difficilement adressés à quelqu’un d’autre qu’à eux, les dirigeants du CDP ont su apparemment s’imposer un mot d’ordre de silence face à la provocation. Un low profile, comme diraient les anglicistes, tout à leur honneur et au bénéfice de la paix sociale dans notre pays.

Rendez-vous sur le terrain politique...

Souhaitons, pour la suite, que toute éventuelle mutation de la FEDAP/BC en parti politique se fasse avec davantage de tolérance, dans le respect de l’art et des règles démocratiques. Le cas échéant, vivement que, telle ramage au plumage du corbeau de La Fontaine, la force de frappe de cette formation se rapporte à la détermination agressive et à la volonté de démarcation d’avec le CDP, affichée par ses sustentés précurseurs. Pour l’avènement d’une réelle et véritable expression démocratique plurielle dans notre pays, vivement aussi que le CDP ne succombe pas au sort pitoyable que nombre se complaisent à lui prédire et ne soit pas phagocyté in fine par l’ogre en gestation.

A ces deux conditions et dans l’avenir, les « amateurs » de la FEDAP/BC et les « professionnels » du CDP auront beau jeu et tout le loisir de s’affronter à la loyale sur le terrain politique. Des joutes électorales épiques en perspective, qui ouvriraient très certainement à la démocratie des jours rayonnants sous les cieux de la patrie des hommes intègres. C’est un souhait bien candide, car en la matière il y a toujours loin de la coupe aux lèvres. Dieu veille néanmoins toujours sur la démocratie et le peuple burkinabè.

Iterre Somé

L’Observateur Paalga du 17 mai 2008



19/05/2008
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