L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

L'Heure     du     Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

"Deby est un bon manœuvrier que le sort a toujours bien servi"

Saleh Kebzabo, opposant tchadien

"Deby est un bon manœuvrier que le sort a toujours bien servi"

 

Saleh Kebzabo, homme politique tchadien.

Auparavant nous ne le connaissions que de nom. Jeudi 3 avril dernier, lorsque nous avons rencontré à la résidence la Palmeraie, nous l'avons découvert, un homme bien au fait des affaires de ce monde.

Il ne pouvait d'ailleurs en être autrement, puisque, journaliste de son état, il a fait ses armes à Jeune Afrique, à Demain-l'Afrique, avant de créer N'Djemana hebdo, l'une des publications-phare au Tchad.

Présentement responsable de parti politique et député à l'Assemblée nationale, il fut,  on se souvent, ministre d'Etat aux Mines, à l'Energie et au Pétrole.

Entretien avec un confrère qui a fait une incursion en politique.

 

Quel bon vent vous amène au Burkina Faso ?

 

• En réalité, c’est la deuxième fois que je viens ici depuis le mois de février 2008. J’ai programmé de venir ici il y a plus d’un an. Au 20e anniversaire de la renaissance démocratique, j’étais invité, mais malheureusement mon programme ne m’a pas permis de venir. Le calendrier était mal ficelé parce qu’on sortait du mois du ramadan, et le lendemain je devais être à Johannesburg pour le Parlement panafricain. L’un dans l’autre j’ai pu revenir mais dans des circonstances différentes. Avec l’attaque de début février des rebelles tchadiens sur N'Djamena, j’ai dû évacuer mes enfants d’abord au village et ensuite au Cameroun. Après un mois, du Cameroun à Bamako, j’avais le choix de les installer  ailleurs. J’ai donc choisi de les amener ici. A partir de ce soir (Ndlr : l'entretien a été réalisé le jeudi 3 avril dernier), ce sera chose faite, puisqu’ils arrivent de Bamako. Ils vont pouvoir finir leur scolarité ici et après on avisera. Je ne sais pas si nous aurons fini de régler nos conflits dans les trois ou six mois qui viennent. C’est uniquement cette question qui va être déterminante. Dès qu’ils vont arriver, je vais attendre une dizaine de jours pour voir comment ils vont s’acclimater et après je pourrais rentrer.

 

Même si votre visite est privée, avez-vous rencontré des responsables burkinabè ? Si oui, de quoi avez-vous parlé ?

 

• Avec mon âge et ma petite expérience africaine je connais heureusement beaucoup de monde. Je rencontre donc beaucoup de gens, beaucoup d’amis et on discute évidemment du Tchad prioritairement  parce que c’est un pays qui intéresse les Burkinabè. Pour des raisons parfois que je comprends parfaitement d’ailleurs. Puisque d’un côté comme de l’autre on dit qu’il y a des similitudes aussi bien humaines que physiques entre les 2 pays. Le Tchad est en quelque sorte une petite passion pour les Burkinabè. On en parle beaucoup, on en discute beaucoup. Je suis souvent surpris par la connaissance très fine de nos problèmes par mes frères Burkinabè. Cela se comprend, puisque vous n’ignorez pas qu’Idriss Déby et certains de ses compagnons sont passés par Ouagadougou avant d’aller à la conquête du pouvoir.

 

Votre carrière a toujours oscillé entre journalisme et politique.

 

• Pas forcément. Si j’ai beaucoup d’amis, c’est parce que j’ai été pendant longtemps journaliste. Quel que soit le pays africain où vous me débarquez, je trouverai des gens que je connais. L’avantage du journalisme, c’est l’ouverture. L’ouverture d’esprit, l'ouverture culturelle, intellectuelle, humaine… et cela est une richesse en soi. Mais ce n’est pas une condition suffisante pour entrer en politique. Je ne crois pas. Si tel était le cas, le monde politique serait essentiellement peuplé de journalistes. D’ailleurs si vous regardez un peu autour de vous, on a plutôt l’impression que nous ne réussissons pas toujours très bien en politique. Là vous trouverez la réponse à votre question si vous suivez le parcours politique des journalistes, que ce soit en Europe ou en Afrique. Ceux qui réussissent ne sont pas très nombreux.

 

Quel souvenir gardez-vous de votre passage à Jeune Afrique et à Demain l’Afrique ?

 

• De très bons souvenirs. Ç'a été pour moi une très bonne école. Une bonne école de rigueur, de relations humaines, d’ouverture d’esprit. Quand je suis entré à Jeune Afrique, j’étais très jeune, avec des relations parfois difficiles avec le fondateur, Béchir Ben Yahmed, mais que l’on comprendra plus tard. Aujourd’hui si Jeune Afrique est le premier et le seul groupe de presse africain qui ait tenu pendant une cinquantaine d’années, c’est justement à cause de cette rigueur parfois rugueuse de Béchir. C’est une réussite qu’il faut saluer et dont on peut s’inspirer aussi. Jeune Afrique a été pour moi la première entreprise panafricaine dans laquelle j’ai évolué, qui m’a permis de beaucoup voyager en Afrique et de connaître beaucoup de gens. Comme cela devait arriver, nous sommes un certain nombre à avoir quitté Jeune Afrique pour fonder Demain l’Afrique, qui était et reste le seul exemple d’un journal très bien structuré qui aurait pu faire concurrence à Jeune Afrique. Malheureusement nous avons été victimes de la mauvaise gestion du journal. Comme je le dis souvent, c’est un journal qui a fait faillite parce qu’il avait trop d’argent. On avait trop d’argent, qu’on n’a pas su bien gérer. On a confondu toutes les caisses et nous avons payé les fautes. Il y avait beaucoup d’argent et le responsable du journal à l’époque, Paul Bernetel, qui est décédé au Brésil dans des conditions qui sont restées encore floues  (il s’est défenestré ou on l’a défenestré), signait des chèques à tour de bras. Il dépensait à tour de bras. C’était vraiment la grande vie, contrairement à ce qu’on a appris à Jeune Afrique. A Demain l’Afrique, c’était la belle vie, de grandes tables couvertes dans les grands restaurants de Paris, les grandes boîtes de nuit. Par rapport à Jeune Afrique, on était plutôt bien rémunéré, mais avec tout ce gaspillage, le journal  a cessé de paraître. C’est dommage parce que c’était un journal qualitativement bien fait.

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à créer N’Djaména Hebdo ?

 

• A Demain l’Afrique on a fait faillite et j’en étais le dernier directeur de publication. Quand on a fait appel à moi la barque coulait déjà et on ne pouvait pas la sauver. J’ai donc bénéficié des circonstances de l’époque. C’était considéré comme un  licenciement économique. J’étais tellement choqué par ce qui est arrivé que je me suis inscrit à l’université pour suivre une année de gestion pour avoir un œil sur les problèmes de gestion. C’est ce que j’ai fait à Paris I. Au bout d’un an j’ai quitté Paris. Depuis 20 ans que je connaissais la France je me suis toujours refusé de m’y installer. Je faisais tout pour ne pas être coupé de l’Afrique ; c’est ainsi que je suis allé au Cameroun en fin 1981 et j’ai démarré là-bas dans les affaires. De petites affaires de rien du tout, qui m’ont permis d’être dans une branche qui n’est pas loin de la presse, à savoir la librairie. J’ai  ouvert une librairie à Douala et à Garoua. Dans mon esprit, c’était une chaîne qui devait arriver au Tchad. Mais j’ai eu des problèmes au Cameroun suite au putsch manqué de 1984. C’est comme ça que j’ai perdu toutes mes affaires et je suis rentré au Tchad en 1985. Avec quelques affaires résiduelles du Cameroun, j’ai pu ouvrir une librairie à N’Djaména. Voilà pour mon parcours. Je suis resté non loin de la presse, en vendant notamment de la presse sans oublier que j’en étais issu. J’ai lancé N’Djaména Hebdo comme une simple publication d’abord à caractère surtout publicitaire et culturel. C’était sous Hissein Habré et je ne pouvais pas m’aventurer. Au bout de quelques numéros, on a fait quelques incursions en politique. En 1989 il y a eu un référendum constitutionnel et des élections législatives. Comme c’est un mensuel, on a fait quelques petites critiques politiques pour voir comment le journal allait se comporter. Après il y a eu le changement de 1990 et N’Djaména Hebdo a pris son envol essentiellement politique dès l’installation du MPS au pouvoir. J’ai créé le journal par devoir parce qu’il n’y avait pas de journal au Tchad. N’Djaména Hebdo est le premier journal véritablement indépendant qu’on a lancé et dont je suis fier. Il reste encore le journal-phare de la presse tchadienne. Je ne m’en occupe plus parce qu’en fin 1992, je suis entré en politique. On avait mis en place un président qui devait guider le parti. Au bout de quelques mois, il a préféré qu’on passe le flambeau à un autre et j’ai été choisi pour lui succéder. C’est pour cela que j’ai quitté le journal parce que dans mon esprit c’est incompatible. Si on veut que la publication soit vraiment indépendante, on ne peut pas faire un mélange des genres. J’ai de ce fait passé le relais à l’équipe qui était en place et qui continue le travail avec beaucoup de bonheur jusqu’à maintenant.

 

Parlez-nous de vos satisfactions et de vos déceptions après la création de cette publication.

 

• Je pense que globalement, c’est satisfaisant parce que créer, animer, faire vivre un journal, c’est une passion et une passion ne peut être que positive. Dans la vie d’un homme, surtout pour nous autres, Africains, lorsque vous avez à diriger un journal comme celui-là dans un pays particulièrement difficile tel le Tchad, ce n’est pas toujours évident. Je suis passé par tous les travers à N’Djaména Hebdo avec toutes les menaces de mort et autres que j’ai subies à l’époque quand c’était encore les premiers pas d’Idriss Déby. Ils se sont bien rendus compte que la seule vraie opposition, c’était le journal. Puisqu’il n’y avait pas encore de partis politiques. Ils voulaient absolument liquider le canard par tous les moyens et ils n’y sont pas arrivés. Animer un journal, c’est quelque chose de vraiment passionnant. C’est pour cela que je pense que le bilan est vraiment positif parce que la publication a affronté toutes les épreuves y compris financières. Un journal ça ne fait pas vivre son homme. A l’époque j’avais ma librairie et une société d’informatique, qui m’ont permis de soutenir matériellement, financièrement le journal. Aujourd’hui il tient la route et je crois qu’on a fait œuvre utile.

 

Quel est l’état des lieux de la liberté de la presse au Tchad ?

 

• Difficile. La presse vit dans un environnement très difficile. Les hommes qui dirigent le pays, je le pense et je le dis, ne sont pas des démocrates, n’ont pas de culture démocratique et ne vont pas changer dans les jours ou les semaines qui viennent. Chaque occasion est récupérée par le pouvoir pour rogner la liberté de la presse. Et comme ces occasions se présentent et sont nombreuses au Tchad, vous vous doutez bien que la liberté de presse est en recul. Une liberté qui ne fait que diminuer comme peau de chagrin, qui s’est soldée lors des derniers événements par une ordonnance totalement liberticide qui n’a pas pu passer à l’Assemblée nationale. Ils ont profité de l’état d’urgence pour sortir cette ordonnance, qui est inadmissible dans un pays qui se veut démocratique, respectueux des libertés. Comme c’est un pouvoir qui s’impose par la force, la presse aussi est prise en otage. Les espaces de liberté sont de plus en plus réduits au Tchad et la presse tchadienne est celle qui souffre le plus en Afrique. Quand vous ajoutez à cela la mauvaise gouvernance et les autres pratiques politiques qui font que l’économie du pays n’existe pratiquement pas, vous vous imaginez que l’environnement économique des journaux ne peut qu’être négatif. Ce qui fait que leur tirage est très faible. Il n’y a pas de publicité et on est obligé de faire recours aux aides extérieures. Les associations, les organisations internationales ou même certains pays viennent à leur secours. Ce qui n’est pas normal, mais sans cela les journaux ne subsisteraient pas.  

 

Que pensez-vous de la presse burkinabè ?

 

• Je ne veux pas avoir la prétention de dire que je connais beaucoup la presse burkinabè. Je la connais même très mal en réalité. C’est avec mes récents voyages que j’ai vraiment découvert la presse burkinabè. Je ne savais pas qu’il y avait quatre quotidiens. Ce qui me surprend beaucoup. Je suis sûr  que le lectorat est essentiellement dans les grandes villes, ce qui tendrait à démontrer une certaine vivacité, un certain dynamisme de la capitale, qui peut absorber autant de journaux, qui tiennent, je le suppose, économiquement la route. Pour moi c’est une surprise et c’est une bonne chose. Dans nos pays le rôle de la presse est de plus en plus essentiel dans l’éducation des masses, dans la défense des libertés. Qu’elle soit écrite ou audiovisuelle, la presse a un grand rôle  à jouer. Sans connaître particulièrement le contexte dans lequel vous évoluez, je pense que vous méritez des encouragements.

 

Quelle lecture faites-vous de la grâce présidentielle dont ont bénéficié les membres de l'Arche de Zoé ?

 

• C'est un scénario qui selon moi reste une honte pour l'Afrique. Depuis le début de cette histoire, je me suis toujours posé beaucoup de questions, dont certaines sont restées à ce jour sans réponse. Les Blancs, qui ont été libérés, disent être en mesure de dire leur vérité à présent. Peut-être que ce sera l'occasion d'apprendre beaucoup de choses. Mais ce qui est bon à dire, c'est que cette histoire de l'Arche de Zoé est la démonstration, s'il en était besoin, que le Tchad reste encore l'exemple-type de l'Etat néocolonial en Afrique. Je le dis vraiment avec toute l'assurance et toute la tranquillité pour qu'on ne voie pas à travers mes propos une certaine démagogie. Aujourd'hui, le Tchad est le seul pays en Afrique soutenu à bout de bras par la puissance colonisatrice, la France. Les gens ont vu l'attaque de 96, celle de 2008, mais ce que l'Opinion ignore, c'est qu'avant, il y a eu des tentatives d'assassinat du président Déby, qui ont échoué grâce à l'intervention de la France.

On ne peut rien attendre du régime Déby. On aurait pu penser qu'avec cette histoire d'enfants enlevés, il y aurait  un sursaut d'orgueil. Lorsque le président Sarkozy est venu à N'Djaména et en est reparti avec les journalistes, c'était déjà un signe que le régime tchadien n'allait pas tenir le coup. Ce qui a suivi ne m'a pas du tout surpris. Qu'on ait convoqué les magistrats un dimanche pour leur faire prendre cette décision et qu'on ait condamné tout le monde à la même peine est le signe que rien n'était maîtrisé par nos juges.

Qu'on en arrive aujourd'hui à les gracier carrément n'est aucunement une surprise. Mais ce dénouement n'est pas à notre honneur, car on aurait pu gérer cette affaire différemment. Même si les Tchadiens ne sont pas très nombreux en Europe, il se pourrait que si l'on fouille les prisons françaises, on trouve deux ou trois Tchadiens qui y croupissent : on aurait pu demander en échange que les nôtres nous soient renvoyés.

Cela signifie-t-il que tous les pays africains concernés peuvent demander l'élargissement de leurs compatriotes qui se trouvent dans les prisons françaises ? Est-ce à dire que le  problème des expulsions de France des Africains peut être remis sur le tapis ?

Il y aurait eu beaucoup de choses à reconsidérer si le Tchad avait eu un comportement digne dans cette affaire. La France a fait de Déby  un roi et il est son obligé. Mais il y a encore beaucoup de zones d'ombre dans cette histoire, il y a eu un marché et on le saura.

Lorsque vous voyez qu'au lendemain de cette grâce, le président Déby a signé un décret pour reconsidérer le caractère international de l'enquête diligentée, on se doute de quelque chose. Il y a un lien de cause à effet.

 

Etes-vous de ceux qui estiment que cette issue était écrite d'avance ?

 

• Etait-elle celle-là ? Je ne le sais pas, toujours est-il que cette affaire s'est dénouée dans un désintérêt total.

 

Si vous étiez un homme fort de l'Exécutif tchadien, qu'auriez-vous fait ?

 

• Pour moi, c'est une affaire de banditisme pur et simple et on laisse la justice se prononcer comme on juge des criminels.

 

En février, lors de l'attaque des rebelles, beaucoup ont pensé que c'en était fini de Déby !

 

• Moi aussi ! rires. En avril 2006 j'étais à l'étranger et en février dernier aussi, j'étais hors du pays. Le jour de l'attaque je devais prendre mon avion à 9 h de Bamako lorsqu'on m'a dit que ça chauffait à N'Djaména.

Déby doit sa survie à la France même si par ailleurs les rebelles ont commis des erreurs et même des fautes politiques. Ce qui est sûr, c'est que la situation n'est pas pour autant réglée. Ça fait 18 ans que Déby est au pouvoir et pratiquement il n'y a pas eu une seule année sans rébellion.

 

Vous qui le connaissez bien, qui est vraiment Déby ?

 

• Vous savez, un homme, c'est une mécanique très complexe. On peut  en connaître un pan et pas un autre. Je sais seulement que c'est un bon manœuvrier que le sort a toujours bien servi. C'est le président qui a eu le plus pour chance de régler le problème tchadien, mais qui ne le fait pas. Déby, c'est un homme qui n'aime pas la quiétude. Vous avez des hommes qui ne trouvent leur bonheur que dans la turbulence, c'est le cas de Déby. C'est aussi le président le plus tribaliste que le Tchad ait connu. Il dirige le pays seulement avec son clan.

 

Que représente aujourd'hui votre parti, l'UNDR, sur l'échiquier politique tchadien ?

 

• Dans un pays, lorsque la pratique démocratique est viciée, lorsque le régime a un caractère militaire avec une gestion clanique du pouvoir, cela a une conséquence sur la vie politique. Avec la misère que nous vivons, l'afflux vers le pouvoir est une planche de salut pour les cadres. Le parti au pouvoir grossit en dégrossissant les partis d'opposition. L'opposition n'a pas les moyens de sa politique. Malgré cela, notre parti représente encore une force. En 1997, nous avons eu 15 députés. Aujourd'hui, je me retrouve avec 5 députés. Ce qui vaut de l'or.

 

N'Djaména a toujours vu la main du Soudan derrière les rebelles. Qu'elle est la réalité de la chose ?

 

• Ce n'est pas faux. Lors du dernier Conseil national de notre parti en janvier, nous avons interpellé aussi bien la France que le Soudan. L'ingérence soudanaise au Tchad remonte à 1965. Déby est parti du Soudan pour reconquérir le Tchad. Si aujourd'hui entre eux, ça ne va pas, c'est que les comptes sont mal faits. En particulier dans l'affaire du Darfour.

Dans cette affaire, les Soudanais ne lui pardonnent pas et ne lui pardonneront jamais. Et les Soudanais ont raison quelque part. Car Deby n'a pas tenu parole

 

En décembre 2005, vous disiez ceci de Déby : "C'est un monstre froid sorti du néant pour être propulsé aux avant-postes et jouer un rôle pour lequel il n'était jamais préparé".

En clair, vous êtes devenu un opposant irréductible de Déby même si nous savons qu'en 1996, arrivé 3e au premier tour de la présidentielle, vous vous êtes rallié à lui au second tour, ce qui vous a valu le poste envié de ministre d'Etat.

Avec le temps, regrettez-vous d'avoir contribué à l'installer au pouvoir ?

 

• Non, je ne le regrette pas du tout. Le jeu politique est une scène qui n'a pas de règles universelles. On ne peut pas dans une situation politique donnée dire à l'avance : je ferai ceci ou cela. C'est vrai qu'en 1996, j'animais l'opposition la plus irréductible et tout le monde a été surpris que je le soutienne au second tour. Et pourtant, il s'agissait tout simplement de ma propre survie politique. Si je ne le soutenais pas, et que je le faisais avec le 2e à la présidentielle (avec qui il a fini par s'entendre après), c'est moi qui aurait été le dindon de la farce.

Et j'aurais payé cela trop cher. C'est pour cela que je dis que je ne regrette pas.

 

Avec un maigre score de 7% de suffrages à la dernière  présidentielle, ne payez-vous pas là la rançon de votre éphémère compromission avec Déby ?

 

• Pour moi, il n'y a pas eu de compromission. Mon parti est un parti démocratique. C'est une démocratie au quotidien au sein de l'UNDR.

 

Pour vous, l'alternance dans votre pays passe-t-elle par les urnes ou par les armes ?

 

• Je suis fondamentalement démocrate. Si je ne l'étais pas, j'aurais pu rejoindre la rébellion comme d'autres amis.

 

A quand donc la fin du cauchemar que vit le Tchad ?

 

• J'ai peur que le cauchemar du Tchad dure encore. Mais je prie Dieu pour qu'il raccourcisse ce délai parce que tant que Déby est au pouvoir, il y a pas de solution à court terme. A moins qu'il y ait des pressions extérieures importantes afin que nous puissions établir un dialogue inclusif. La solution n'est pas au bout du fusil.

 

Quel est le quotidien d'un homme politique de l'Opposition au Tchad ?

 

• Difficile. Le peuple pense que l'homme politique doit être à l'écoute de tous les problèmes sociaux des  militants. Ce sont des ordonnances et autres à honorer.

C'est extrêmement difficile au Tchad, mais nous avons chosi de vivre dans l'Opposition.

 

Entretien réalisé par

Boureima Diallo

Evariste Ouédraogo

L’Observateur Paalga du 9 avril 2008



08/04/2008
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 1021 autres membres