Des putschistes au milieu du gué en Mauritanie
Mauritanie
Des putschistes au milieu du gué
Dans une logique de fuite en avant, la junte militaire en Mauritanie a procédé le 2 septembre dernier, par le biais d’une Assemblée nationale qui lui est acquise, à l’élection des députés devant siéger à la Haute Cour de justice. C’est devant cette juridiction que devra éventuellement comparaître le président renversé par le coup d’Etat, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, mais aussi et, entre autres, son Premier ministre.
Avec ce nouveau palier franchi, il est clair que les putschistes n’entendent pas lâcher de si tôt le pouvoir, qu’ils ont confisqué au matin du 6 août 2008. Et il y a des actes qu’ils posent et qui ne trompent pas. Sont de ceux-là, par exemple, le maintien en résidence surveillée du président déchu et de son Premier ministre, mais également la remise sur selle du Parlement et la formation d’un gouvernement. Autant de preuves que cette junte-là se moque éperdument de la communauté internationale et se bouche les oreilles pour ne pas entendre la clameur générale de désapprobation qui monte des quatre coins du monde.
Tout se passe comme si ces militaires, qui font la loi à Nouakchott, ne veulent pas vraiment gérer dans la paix et la quiétude le pouvoir, qu’ils ont usurpé à Sidi Ould Cheikh Abdallahi. L’idée de vouloir juger le président renversé n’est pas bonne. Le traîner ainsi devant la Haute Cour de justice ne fera pas d’eux des glorieux. Bien au contraire. Ils vont cristalliser contre eux l’inimitié d’une grande partie des Mauritaniens et des citoyens du monde. Chose qui n’est pas propice à une bonne gestion des affaires d’un Etat.
En réalité, les hommes forts de Nouakchott sont en train de se fourvoyer et de patauger dans la boue. En prenant le pouvoir, ils avaient promis de s’atteler avec succès aux problèmes existentiels de leurs compatriotes. Mais en quoi, diable, juger et jeter en prison le président Abdallahi va contribuer à soulager les Mauritaniens de la misère, dans laquelle ils sont englués depuis belle lurette ? On ne le voit pas. Cependant on comprend leur stratégie. Ils veulent se faire passer pour des justiciers. Ça peut faire mouche auprès d’une certaine frange de la population.
On se pose déjà la question de savoir quelle crédibilité peut avoir cette Haute Cour de justice, télécommandée par la junte. C’est pour cela qu’on se demande s’il est encore utile de faire siéger une cour dont tout le monde connaît d’avance les délibérations.
Le sort des accusés est déjà scellé, puisqu’on leur appliquera la justice des vainqueurs. Partout où elle a été actionnée, cette justice-là a toujours condamné les accusés.
C’est la raison pour laquelle les nouveaux maîtres de Nouakchott doivent prendre leur courage à deux mains et se montrer à la hauteur de leurs péchés, en envoyant de facto les accusés au poteau n°10 pour être fusillés. Cela aurait l’avantage au moins de nous éviter le folklore judiciaire et les dépenses inutiles d’un procès au verdict connu d’avance.
Mais au finish, à bien y réfléchir, le bâton judiciaire est à présent la seule arme que les putschistes peuvent utiliser contre le président déchu. En effet, ils ne peuvent plus le tuer sinon ils braqueraient violemment contre eux la communauté internationale. Il leur est également impossible, pour l’heure, de l’exiler tant qu’ils ne seront pas bien assis, puisqu’une fois libre, le président pourrait, à travers des messages relayés par les médias, appeler à la mobilisation contre les putschistes. Sidi Ould Cheikh Abdallahi est donc devenu une sorte de patate chaude, qu’ils ont entre les mains et dont ils ne savent plus vraiment comment se débarrasser. On le voit, les militaires sont donc à la croisée des chemins, au milieu du gué.
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga du 4 septembre 2008
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