Drépanocytose : Le scénario du pire ou du meilleur
Drépanocytose
Le scénario du pire ou du meilleur
Le 10 mai de chaque année, l'Afrique célèbre la journée de lutte contre la drépanocytose. A l'occasion, le Comité d'initiative contre la drépanocytose au Burkina (CID/B) a mené cette année plusieurs activités de sensibilisation à cette maladie. A travers cette réflexion du sous-comité scientifique sous l'angle du scénario du pire ou du meilleur, le CID voudrait attirer l'attention des uns et des autres sur la gravité de la drépanocytose, qui est malheureusement méconnue.
La maladie drépanocytaire (SS par exemple) est une maladie génétique transmissible par le père et la mère (S du père et S de la mère d’où SS), caractérisée par des crises douloureuses répétées et des complications (anémie, pneumonie, méningite) fréquentes, surtout quand le malade n’est pas suivi. La maladie est fréquente et son traitement onéreux. C’est un problème de santé publique méconnu ou du moins qui semble être relégué au second plan face aux nombreuses autres priorités qui, elles, ont plus retenu l’attention des partenaires techniques et financiers du Nord.
Morbidité et mortalité
La morbidité dont nous parlons ici concerne tous les états morbides de la maladie qui peuvent motiver à demander des soins : il s’agit des crises et des diverses complications aiguës ou chroniques. Une telle morbidité nous semble très élevée, car les nombreux malades qui ne sont pas suivis par un spécialiste, soit parce qu’ils s’ignorent drépanocytaires, soit parce qu’ils ignorent la nécessité du suivi, ont alors des demandes de soins démultipliées et des taux d’hospitalisation et d’occupation des lits élevés.
Quant à la mortalité drépanocytaire, elle n’est pas connue au Burkina Faso, mais, selon l’OMS, 50 % des enfants qui naissent drépanocytaires en Afrique décèderaient avant 5 ans (surtout parce que la maladie est méconnue et non prise en charge). Le taux de naissance d’enfants drépanocytaires par an au Burkina Faso est d’environ 3 %.
A l’état actuel de faible IEC (Information, éducation, communication) sur la drépanocytose, la connaissance de la maladie drépanocytaire par la population peut être jugée très insuffisante. On peut distinguer en son sein ceux qui ignorent jusqu’à l’existence de la maladie et ceux qui la méconnaissent.
En général, la connaissance que les personnes ont de la drépanocytose est péjorative, car empreinte de préjugés défavorables, non fondés, et d’expressions stigmatisantes vis- à-vis des malades. Entre autres, nous citons : «Ils ne dépassent pas 20 ans», «c’est une sale maladie», «ça vient de la femme», «c’est lié au sorcier», «ce n’est pas une maladie de l’hôpital».
Les conséquences de ces préjugés sont énormes et néfastes à la lutte contre la maladie, car les malades ont tendance à se cacher.
L’impact social peut se résumer à l’absentéisme scolaire et professionnel, au retard et à l'échec scolaires, suivi de la déscolarisation.
Sur le plan économique : il y a un appauvrissement de l’économie des ménages par les dépenses de santé liées à la prise en charge de la maladie (vaccins, examens complémentaires d’évaluations, crises et hospitalisations).
L’incidence est située à 3% des naissances, mais la prévalence (nombre total de drépanocytaires) n’est pas connue, car les données sont inexistantes.
Evolution de la situation vers le pire des cas
C’est la projection, dans un futur, de la situation actuelle d’inexistence d’un programme national de contrôle de la drépanocytose. Dans une telle situation, l’évolution du problème de la drépanocytose pourrait être la suivante :
en l’absence de lutte organisée, nous pensons que la morbidité et la mortalité augmenteront ou, au mieux des cas, resteront stables, mais ne devraient pas être en baisse, car la lutte parcellaire, à l’initiative des spécialistes et associations des malades concernés, ne pourra pas, même associée à l’impact positif du progrès (meilleur accès à l’information et aux soins), avoir d’impact significatif. Il y aura une impréparation des formations sanitaires à faire face à la prise en charge de ces malades chroniques, dont la l’utilisation des formations sera démultipliée.
Nous ne pensons pas que l’évolution du niveau de connaissance de la maladie par la population pourrait être pire qu’elle ne l’est maintenant. Cependant le fait qu’un problème de santé perdure suscite des commentaires. En effet, en l’absence d’IEC sur la drépanocytose il n’y a pas de visibilité du problème de la pathologie (c’est comme si le mal n’existait pas), et il n’y a plus alors cette sorte d’interpellation permanente des consciences. Ainsi, les populations finissent par en être des victimes ; d’autre part, en l’absence d’IEC, la désinformation finit par prendre place avec une stigmatisation de la maladie, amenant les malades à se cacher et à rendre le problème encore moins visible.
Nous pensons que dans cette situation du pire il y aura un surcroît des dépenses de santé par rapport à une situation de lutte organisée. Le rapport coût/bénéfice est moins bon dans une
telle situation et tout mécanisme de solidarité devient non viable.
Dans la génétique des populations, on pense qu’un gène finit par rester à un taux stable.
L’incidence devrait donc rester à un taux stable, mais la prévalence aurait tendance à la baisse en raison d’une mauvaise survie des malades dans le scénario du pire.
Evolution de la situation vers le meilleur des cas
C’est la projection de la situation dans les conditions d’existence d’un programme national de lutte soutenu par les partenaires.
Dans le cadre de la mise en œuvre d’un programme de lutte, il y a un réel espoir de réduire la mortalité et la morbidité parce que les malades seront dépistés plus précocement et suivis. Les bénéfices de la baisse de morbidité seront alors des demandes de soins non démultipliés et des taux d’hospitalisation et d’occupation de lits en baisse.
Les bénéfices d’une meilleure connaissance de la drépanocytose par les populations grâce à l’IEC seront :
• meilleure prise de conscience de la maladie et choix responsable après demande de conseil génétique (y compris choix du risque), qui pourrait influer sur la réduction de l’incidence de la maladie ;
• meilleure fréquentation de suivi par les malades en raison de la baisse de la désinformation et de la stigmatisation ;
• meilleure visibilité du problème de la drépanocytose et interpellation permanente des consciences sur le problème.
Impact socio-économique de la maladie
Sur le plan social :
• meilleur épanouissement des malades et des familles,
• meilleur rendement scolaire et professionnel (parce que baisse de l’absentéisme et du retard scolaire)
Sur le plan économique :
• meilleur rendement coût/bénéfice, favorable à la mise en place d’un système d’assurance viable.
Il existe un réel espoir de diminution de l’incidence jusqu’à son seuil incompressible (contrôle de la drépanocytose). Dans le scénario positif, il y aura une meilleure survie des malades et la prévalence tendrait à une certaine hausse au début pour ensuite tendre vers un seuil stable.
Nous sommes conscients des quelques limites que peut avoir notre réflexion. Cependant, il faut reconnaître que la drépanocytose est un problème de santé publique majeur au Burkina Faso en raison de sa morbidité, de sa mortalité et de son poids socio-économique. Il est donc urgent de commencer un programme national de lutte.
Sous-Comité scientifique /CID/Burkina
cid.burkina@yahoo.fr
L’Observateur Paalga du 10 juin 2008
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