Flambée des prix : Yaa Yellé ! (1) Ou quand l'Ouragan "Flambée" frappe de plein fouet
Flambée des prix
Yaa Yellé ! (1) Ou quand l'Ouragan
"Flambée" frappe de plein fouet
De mémoire de Burkinabé, on a rarement vu un aussi grand déchaînement des prix des produits de première nécessité. C’est si sérieux qu’aujourd’hui, le pauvre consommateur a mis une sourdine à ses plaintes liées au cours des hydrocarbures depuis que l’huile, le savon, le riz, la farine de blé … sont entrés dans la danse. Et contrairement à ce que le client lambda pense, tout le monde en a pour son compte : fabricants, grossistes, demi-grossistes, revendeurs et simples acheteurs. Toutes les villes et campagnes du pays des hommes intègres bruissent de cette menace d’inflation économique généralisée. Où allons-nous ? Est-on tenté de se demander. Pour le moment, il n’y a pas de réponse apaisante qui pointe à l’horizon d’autant plus qu’il y a un ministère, celui du Commerce, chargé de la régulation des prix, qui semble visiblement afficher un flegme tout british à moins que ça ne soit une incapacité à adoucir le choc dans un contexte de libéralisation (suicidaire) des prix. Pourtant des mesures doivent être prises et au plus tôt.
Par ces temps qui courent, le charretier Kouraogo, qui vient de débuter dans le métier en officiant aux abords du marché de Zogona, hésite par deux fois avant d’aller s'acheter son «benga», ce plat local à base de haricot. Il doit au préalable bien soupeser le contenu de son porte-monnaie qui a traversé bien des intempéries avant de se diriger vers la vendeuse de cette spécialité diversement appréciée par la population du «Pays des hommes intègres». En effet, les deux ou trois cuillerées d’huile qu’il faut y mettre afin de permettre une douce traversée de cette nourriture dans le gosier peuvent lui revenir plus chères que le plat lui-même. Le comble, quand on ne peut même plus s’offrir une spécialité culinaire considérée par beaucoup, à tort bien sûr, comme étant un repas bas de gamme. Aujourd’hui, une goutte d’huile alimentaire vaut son pesant d’or dans les marchés et les épiceries des quartiers. Et «l’épidémie» s’est définitivement installée, à l’image de la méningite en ce début de mois de février venteux. Presque tous les produits de consommation courante sont concernés. Une illustration : au marché dénommé Oscar-Yaar sis au quartier St-Léon, pendant que nous échangions avec un détaillant de ce liquide désormais précieux dont le litre oscille entre 800 et 1000 francs, sa voisine qui exposait son poisson sur une table brinquebalante nous interpella : « Le prix du poisson est également monté ». Visiblement outrée, elle a expliqué que les 30 kilos, qui faisaient 15000 FCFA il n’y a pas longtemps encore, se négocient maintenant à 17500 FCFA. Des propos ponctués par un «Yaa Yellé !» sonore qui en dit long sur la gravité de la situation. L’ouragan «Flambée» frappe de plein fouet et a atteint des zones inattendues. A l'image de Katrina qui, avec ses raz de marée et ses vents violents à
A côté, il y a aussi les vendeurs de riz qui se sont mis dans la mêlée. La céréale en question s’y est également mise et son sac de 50 kilos le moins exigeant réclame 14500 francs avant de consentir à suivre son nouvel acquéreur. De quoi en perdre son latin… pardon son portefeuille… face à cette folie des prix. Et il y a bien d’autres marchandises qui coûtent aux ménagères, les yeux de leurs têtes : savon, spaghettis, sel, omo, et même les produits du cru comme les fruits et les légumes.
Les spéculations vont bon train
On imagine bien qu’en de pareilles circonstances, chacun veut bien comprendre. A défaut de trouver la vraie explication à ces augmentations que le néophyte en économie trouve sauvages, les spéculations vont bon train, surtout pour l’huile alimentaire. Entre autres raisons invoquées : les services douaniers en auraient interdit l’importation ou aurait augmenté les taxes ; un grand stock de ce produit se trouverait entreposé à la douane située à Ouagarinter, d’où les ruptures de stock et l’envolée des prix ;
Le perdant n’est pas forcément celui qu’on croit
Quant aux conséquences de cette inflation qui ne dit pas son nom, c’est un peu comme dans cette histoire du flagellé et du flagelleur qui crient en même temps. Tous les acteurs trinquent. On entend les mêmes gémissements le long de toute la chaîne. De l’industriel au consommateur, en passant par le grossiste, le demi-grossiste et le détaillant. Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter la complainte de la chargée de marketing de la société SN-Citec sise à Bobo-Dioulasso et qui fabrique cette huile à base de graines de coton, dénommée «Savor». Dans son stand au Salon de l’agriculture, de l’hydraulique et de l’élevage (SAHEL) qui s’est tenu récemment au SIAO, Diane Sanou implorait pratiquement les mânes de ses ancêtres pour qu’il pleuve suffisamment la saison prochaine afin qu’il y ait suffisamment de graines de coton. En effet, la tonne de la graine de cet «or blanc» que leur livrait
Quand le sel devient cher, c’est le comble
Si les industries ont souvent les reins assez solides pour surmonter une crise qui, espérons-le, ne va pas définitivement s’installer, on ne peut en dire autant de la majorité des Burkinabé qui tirent le diable par la queue ? Que peut-on aussi dire de ces salariés, ces pauvres hères qui se sont un peu vite réjouis des petites rallonges salariales de l’année passée ? Aujourd’hui, que valent ces émoluments et ces augmentations avec la hausse des prix des produits de première nécessité ? Ils sont devenus plus qu’insignifiants. Beaucoup de chefs de ménage, pour ne pas dire tous, ont été dans l’obligation de revoir le «nassongo», cette somme pour le repas que l’on est tenu, chaque matin, de déposer sur le guéridon, le buffet ou dans le placard. Et l’augmentation qui interpelle le plus, de par le symbolisme du produit, est celle du sel. Jusqu’à présent, aucune ménagère ne s’était plainte de la cherté de ce premier condiment de l’humanité. Et pourtant, cela risque d’arriver bientôt, parce que le montant du sac, qui était de 5500 francs, a doublé, rivalisant avec son poids en cristaux, pour atteindre 10 500 francs. Et s’il y en a que cette flambée de prix agace, ce sont assurément les propriétaires d’échoppes. «Les clientes crient sur nous. Pourtant ce n’est pas notre faute. Il n’y a que les prix des «cubes Maggi» (Ndlr : bouillons pour sauce) qui sont restés inchangés. Vivement que ça change, car cette situation influe négativement sur nos recettes journalières», se lamente le commerçant Adama Dera. Mais
Issa K. Barry
L’Observateur Paalga du 6 février 2008
(1) Expression dans la langue mooré et qui signifie «C’est grave !»
Encadré 1
Vie de grossistes
La mésaventure d’Amadé Ouédraogo
L’argent étant un sujet presque tabou, les commerçants n’aiment pas beaucoup parler d’eux, surtout de leurs affaires. Dans nos pérégrinations aux alentours de cette zone hautement commerciale qu’est Sankar-Yaaré, nous sommes tombé des nues lorsqu’un des leurs nous reçut à bras ouvert. «Prenez place», a-t-il aussitôt répondu sans hésiter, quand nous lui avons expliqué l’objet de notre visite. Même s’il y a une vieille règle de sagesse en journalisme qui dit qu’il faut toujours se méfier de celui qui dit qu’il vous donne une information de «bonne grâce», nous étions tout de même soulagé après deux ou trois tentatives infructueuses de prendre langue avec un membre de la corporation. Amadé Ouédraogo était grossiste de l’huile Savor de SN-Citec depuis 1999. L’imparfait s’impose ici parce qu’il ne l’est plus. «Je n’arrive plus à obtenir l’huile. Avant que nous n’abandonnions, nos camionneurs pouvaient faire 2 mois d’hôtel à Bobo attendant en vain d’avoir une dotation en huile. Je m’en tiens maintenant au contenu d’un seul fût que j’achète et que je revends au litre». Pour quelqu’un qui avait l’habitude de passer commande de 200 barriques, c’est tout de même frustrant. Mais là n’est pas le vrai problème. Si l’on prête foi à ses propos, le service des Impôts le considère toujours comme un grossiste et continue de l’imposer comme tel. Si fait qu'à ce propos, il a même adressé une correspondance (1) à
I.K.B
Encadré 2
Le ministère du Commerce prend tout son temps
Face à cette accentuation drastique des prix, que fait et qu’a déjà fait la première structure chargée de la question, en l’occurrence le ministère du Commerce, de
I.K.B
(1) «Mme
Signé : Ouédraogo Hamadé
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