Fraude et corruption dans l’Administration : Il faut un audit général
Fraude et corruption dans l’Administration
Il faut un audit général
Un véritable audit de l’administration publique est nécessaire et urgent après les sanctions du dernier conseil des ministres à l’encontre des fraudeurs aux examens et concours de la Fonction publique.
Les faits dérangent, des questions se posent. Les inquiétudes sont d’autant plus grandes qu’il s’agit de la Fonction publique, qu’il y a complicité d’hommes en uniforme et que des jeunes figurent parmi les délinquants. Àuraient-ils profité des mêmes stratagèmes pour se faire recruter au point d’en faire une règle? Qui les a inspirés? C’est peu dire que le système est pourri. L’autorité de l’État ne s’en trouve-t-elle pas sapée jusque dans ses fondements? Les professions de foi ne suffisent plus, il faut éradiquer le mal à sa racine.
Quelles valeurs les institutions, dont la famille, véhiculent-elles aujourd’hui? À deux pas de la retraite, quelle ligne de conduite un parent compromis lègue-t-il à sa progéniture? La détresse de l’autre membre du couple a-t-elle jamais préoccupé? Si cohésion il y a dans la famille, qu’apprennent les parents à leurs enfants? La facilité? Les raccourcis pour vite gagner de l’argent, plus d’argent, sans effort et sans scrupules?
Au-delà des sermons, les religieux ne pourraient-ils pas envisager des mesures plus fermes à l’égard des délinquants à cols blancs? Chaque jour, de simples agents et des responsables, sont rongés par le virus de la fraude et de la corruption. Vices pourtant proscrits par les Saintes Ecritures.
À l’évidence, de nos jours, ni la loi, ni ceux chargés de dire et de défendre le droit, ne semblent guère impressionner. Le raccourci paraît plus avantageux aux yeux de l’individu pressé de s’enrichir. Les législateurs et les magistrats continueront-ils de s’accomoder de lois dont la faiblesse peut inciter le délinquant à récidiver et d’autres à lui emboîter le pas?
Pour la qualité des structures de formation, qui est habilité à former? Procède-t-on régulièrement à l’évaluation des programmes d’enseignement? Que fait-on pour valoriser la fonction enseignante?
Plus grave encore, parmi les fraudeurs sanctionnés figurent des gendarmes. Pourquoi et comment un agent assermenté en arrive-t-il à faire chemin avec des délinquants? L’enrichissement illicite l’emporterait-il sur ses engagements sur l’honneur à servir et à défendre les couleurs nationales? Cette implication inquiète. D’autant que les agents incriminés appartiennent à un corps généralement bien apprécié, et pour lequel l’honneur et la patrie ne sont pas de vains mots. Sans vouloir étendre la forfaiture à l’ensemble de ce corps, encore moins à tous les corps habillés, il paraît légitime toutefois de s'interroger sur ce qui se passe dans les rangs. Les hommes en uniforme seraient-ils devenus des marionnettes au point de se laisser piéger par l’appât du gain et les promesses mirobolantes d’une ascencion sociale hypothétique? Qu’il semble loin le temps où porter l’uniforme faisait la fierté de tous.
En général, l’argent est au cœur des intrigues montées par les fraudeurs. La pression sociale est très forte : devant les exigences nouvelles d’une société acculée par l’argent et le paraître, les mœurs tendent à se relâcher. Ce, d’autant que les institutions semblent avoir capitulé.
S’ils traduisent un recul, les récents faits ont l’avantage de nous révèler un pan de la société burkinabè : des êtres faibles, gagnés par la gangrène du gain facile, des privilèges sans bornes et de la mégalomanie. Des individus pour qui l’honneur change vite de camp et les valeurs de contenu. Des complices en sommeil, de moins en moins intrigués lorsqu’un proche émergeant du néant fait étalage de richesses soudaines. On ferme les yeux et protège des proches qu’on sait pourtant sur le mauvais chemin. Parce qu’ils font profiter du système sans courir le moindre risque. Sauf celui de les perdre pour un moment qu’on souhaite le plus court possible, le jour où eux se font prendre. Alors, dans l’indifférence, on fait mine de n’avoir jamais rien su.
Non, le ciel ne tombe pas sur la tête des Burkinabè. Les rapports de plusieurs structures d’investigation relevant de l’État et de la société civile, ont maintes fois attiré l’attention des autorités et de l’opinion sur l’ampleur des dérives et des dysfonctionnements de l'administration. Celle-ci ploie sous le coup de la fraude et de la corruption, de l’incivisme et de la politisation à outrance, du népotisme et du clientélisme entre autres. Outre l’alerte régulière du Réseau de lutte anti-corruption (RENLAC), le Comité national d’éthique met lui aussi l’accent sur les mêmes fléaux. En remettant son tout dernier rapport au chef de l’État, son président, sa Majesté le Ouidi Naba, a souligné que : «L’ordre politique exige des dirigeants la droiture morale sans laquelle il n’y a plus ni bien commun, ni service public, ni justice sociale, ni paix, ni bonheur ».
Les défaillances constatées sont la conséquence d’un mal profond : l’impunité qui fait le lit de la malgouvernance. L’État burkinabè en est sérieusement malade. En frappant les fraudeurs à son retour de vacances, l’équipe Tertius a marqué des points et enrichi son bilan partiel des cent premiers jours de pouvoir.
Après les sanctions, bientôt la réparation. Le préjudice est grave à l’endroit de ceux qui étaient promus, de leurs familles et du pays tout entier. Mais il faut se résoudre à reprendre les concours.
Parce qu’il se montre déterminé dans la croisade contre la fraude et la corruption, le nouveau gouvernement a besoin d’être épaulé. Pour ne pas céder aux pressions de toutes sortes. Jusqu’où pourra-t-il aller? Comment viendra-t-il à bout du trop-plein d’affairisme qui emballe nombre de particuliers autant que de fonctionnaires dont les origines, le niveau, le nombre d’années de service et le revenu officiel ne sauraient justifier le train de vie? Et ces rumeurs légendaires sur le recours aux prête-noms pour blanchir l’argent sale? Parviendra-t-il à occire l’hydre? Le clientélisme et l’esprit de clans font bonnes recettes au Faso.
Le Pays du 24 septembre 2007
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