L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Genèse des affrontements entre militaire et policiers

Cher Wambi,

 

Un concert d'armes à Ouaga ; voilà un titre qui pourrait inspirer les écrivains du Burkina contemporain.

Eh oui, cher cousin, nous l'avons échappé bel.

 

Tu sais bien de quoi je parle, puisque depuis cette date du 20 décembre, les radios nationales et internationales ne cessent de relayer ce qui constituera dans l'histoire la tâche noire du "Pays des hommes intègres" en cette année 2006.

 

Juste un petit incident survenu entre militaires et policiers, et la capitale burkinabè faillit basculer en l'espace de 48 heures.

Qui l'eût cru ?

Mardi dernier, en tout cas, c'était le sauve-qui-peut à Simonville, tant le crépitement des armes prenait les allures d'une cité assiégée.

 

Mais que s'est-il donc passé ? Si les voix officielles situent l'origine de cette fronde des militaires dans cette nuit du 19 décembre, des sources concordantes nous revoient, elles, à cette soirée du dimanche 17 décembre au stade municipal, où SP Management organisait un concert de "couper-décaler", avec des artistes ivoiriens et une bonne brochette de musiciens burkinabè.

 

Les policiers chargés de la sécurité des lieux auraient refusé l'accès du stade à un groupe de militaires venus sans ticket d'entrée.S'en seraient suivis des échanges de coups de poings et de ceinturons par suite desquels un des bidasses perdit quelques dents.

 

On parvint à calmer les ardeurs des uns et des autres, mais les militaires ne s'avouèrent pas vaincus, puisque deux jours plus tard, c'est-à-dire le 19 décembre maintenant, croyant avoir reconnu les adversaires du dimanche en faction au rond-point des Nations unies, ils entreprirent de leur rendre la monnaie de la pièce. Parce que les militaires étaient en surnombre, l'instinct de survie obligea les quelques policiers à faire usage de leurs armes.

 

Par suite de ce deuxième affrontement, on déplorera un mort (il aurait été inhumé hier jeudi) et trois blessés parmi les militaires.

N'est-ce pas donc, cher Wambi, la goutte d'eau qui fera déborder le vase, pour ne pas dire le Camp Guillaume Ouédraogo ?

Les choses iront très vite dès lors.

 

Le mercredi 20 décembre, dans la matinée déjà, des militaires tenteront une prise d'assaut du commissariat central de police de Ouagadougou, armes au poing, afin de laver l'affront.

En d'autres temps, on eût compris leur action, puisque seuls les ceinturons dictaient leur loi.

 

Mais cette fois, les bidasses en colère avaient décidé de passer à la vitesse supérieure, faisant usage d'armes tant légères que lourdes.

Plus d'un Ouagavillois se mit à rêver que les tentatives de conciliation entreprises par la hiérarchie militaire les renverraient à la caserne.

Que nenni !

 

L'après-midi, la tension recommencera à monter, commandant aux premiers responsables de la Défense et de la Sécurité une réunion d'urgence au ministère de la Défense.

 

Une réunion tenue sous bonne garde, car les armes, nerveuses, retentiront dans la capitale dans leur concert effroyable pour ne cesser qu'au petit matin du jeudi 21 décembre, après que dans la nuit, la ville fut passée au peigne fin pour déloger tout policier ou ce qui y ressemblait.

 

Ce qui ne sera pas sans causer des dégâts, cher cousin, puisqu'au-delà du commissariat central de police et du quartier général de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS), incendiés ou saccagés, on relèvera des véhicules mis hors d'usage, des impacts de balles sur des édifices publics et des étales de commerçants.

 

Hélas, cher cousin, on déplorera, du côté des policiers des blessés.

 

Et ce n'est pas tout : dans leur évolution, les manifestants de cette nuit du mercredi 20 décembre ont rendu visite à la Maison d'arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO).

 

Les douze braves gardes de la sécurité pénitentiaire (GSP) en service sur les lieux assisteront, impuissants comme toi et moi, cher cousin, à l'évasion de 614 détenus, essentiellement de droit commun.

 

Au moment où je traçais ces lignes, des sources dignes d'intérêt m'apprenaient que dans leur fugue, un des détenus a été abattu, cinq grièvement blessés et 21 autres rattrapés.

 

L'événement dans l'événement, cher cousin, c'est que des engins des gardes de la sécurité pénitentiaire ont tout simplement été emportés par les fuyards.

 

Maintenant que les choses semblent se calmer, cher cousin, évitons de jeter l'huile sur le feu. C'est d'ailleurs pourquoi je diffère les commentaires sur cette affaire à des moment plus propices.

 

Car, comme tu l'a sans doute constaté toi aussi, le hasard a voulu que ce saut d'humeur des militaires coïncide avec le premier anniversaire de l'investiture de Blaise Compaoré pour le présent quinquennat, à quelque deux jours de la Conférence des chefs d'Etat de la CEDEAO et de l'UEMOA, et à la veille des fêtes de fin d'année.

 

Toutefois, cher cousin, des questions se posent tant sur l'usage des armes légères et lourdes, que sur la discipline et le sens de la hiérarchie dans nos forces de défense et de sécurité.

 

Les conséquences de cette fronde, elles, ne se font pas attendre, car rien qu'hier matin seulement, on m'annonçait une journée morte à l'immeuble des Nations unies, et un report sine die de la fameuse Conférence des chefs d'Etat de la CEDEAO et de l'UEMOA.

Quand et où se tiendra-t-elle maintenant ?

Mystère et boule de gomme.

 

N'est-ce pas là, cher cousin, une petite querelle aux effets dévastateurs ?

Telle était la température de Ouagadougou ces derniers jours.

 

Sources, Lettre pour Laye in L'Observateur Paalga du 22/12/06 



27/12/2006
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