Guerre en Irak : La solution par le ballon rond ?
Guerre en Irak
La solution par le ballon rond ?
Dimanche 29 juillet 2007, une date à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du football irakien pour ne pas dire dans l’histoire tout court de ce pays. En effet, dans un stade de Djakarta (Indonésie) plein comme un œuf, en dépit du fait que ce pays est le plus musulman du monde (98% de la population), l’équipe de football de l’Irak a battu celle de l’Arabie Saoudite (2-0) dans le cadre de la coupe d’Asie des nations. Un évènement double pour cette nation ou du moins ce qu’il en reste, car comme le dit Renan, ce philosophe de l’histoire : «Une nation est composée d’hommes qui ont fait beaucoup de choses ensemble et qui veulent en faire encore». Or pour le moment, la conjoncture enjoint les habitants à ne plus envisager l’avenir ensemble.
Cependant, avec ce match, en l’espace de plusieurs minutes ce peuple s’est senti uni confirmant l’adage qui dit que le ballon rond est un facteur de rapprochement entre les peuples, mais encore plus entre les habitants d’une même contrée.
D’abord les Irakiens ont vibré à l’unisson, car en matière de football c’est la première fois que son équipe monte si haut dans les marches de ce sport. Depuis 40 ans en effet la coupe de cette partie du monde est la chasse gardée du Japon, de l’Arabie Saoudite, de l’Iran et de la Corée du Sud. Seule une demi-finale en 1976 figure dans le palmarès du pays de Saddam Hussein.
Aujourd’hui ceci est un lointain souvenir puisque les Irakiens se sont imposés face au royaume des Saouds après un parcours digne des équipes coutumières des victoires : au premier tour en écrasant les robustes Australiens (3-0) et en éliminant tour à tour les autres adversaires qui avaient pensé que l’Irak était venu faire de la figuration. Et ce n’est pas la Corée du Sud qui dira le contraire, elle qui s’est inclinée après la douloureuse épreuve des tirs au but (0-0 et 4-3). Ces exploits sont certes ceux de l’entraineur, le Brésilien Jorvan Vieira, mais surtout des joueurs qui n’ont connu leur entraineur qu’à… deux mois du début du tournoi et qui ont dû se préparer en Corée du Sud guerre civile permanente oblige, pardon, terrorisme quotidien pour employer le langage à la mode.
Lorsque George W. Bush et ses néoconservateurs ont envahi l’Irak le 20 mars 2003 pour non seulement chasser le gazeur de Kurdes mais aussi détruire les armes de destructions massives, de nombreux Irakiens et des dirigeants d’autres puissances, telle la France, avaient senti que c’était le début d’une «Apocalypse now» après celle du 11 septembre. Et ils n’avaient pas tort.
Après avoir déboulonné les statuts et monuments de l’ex-raïs, l’avoir humilié, l’image du Saladin des temps modernes, hirsute, extirpé d’un trou à rat, qu’on auscultera plus tard, a fait le tour du monde. Sans oublier celle le montrant balançant sous la potence suite au procès à charge uniquement. Il est vrai que peu de gens verseront une larme pour l’ancien dictateur, mais au-delà de l’élimination des principales têtes du régime Baas, les USA ont commencé une guerre dont la fin probable n'est pas pour demain. Avec ce que l'on sait : chaque jour apportant son lot de macchabées.
Car cette invasion américaine n'a fait qu’exacerber les antagonismes criards qui existaient du temps de Saddam Hussein. Une société où coexistent difficilement Sunnites et Chiites et accessoirement les Kurdes. En ouvrant la boite de Pandore, en renversant le régime sunnite, l’Oncle Sam a permis aux autres entités de donner de la voix ou plutôt de faire tonner le canon. Mais également aux Chiites de tenter de retrouver le pouvoir «accaparé, disent-ils, par leurs ennemis jurés, les Sunnites». En envahissant ce pays, les USA ont remis au goût du jour ce qui s’apparente à la malédiction du triptyque «sunnite-chiite-kurde».
Justement l’autre évènement lié à la victoire de l’équipe de football semble indiquer que le sport peut être une catharsis à la tragédie que vivent les Irakiens. Le onze national est composé en effet de Sunnites, de Chiites et de Kurdes, spectacle rarissime dans un pays où la guerre civile de nos jours a une connotation ethno-religieuse. L’équipe victorieuse a comme capitaine-buteur(3 buts) un certain Younis Mohammed qui est un arabe sunnite du Nord et le gardien de but, auteur d’un arrêt décisif contre les Coréens, est… Chiite.
Pourquoi alors ne pas prendre l’exemple de cette équipe pour enfin se convaincre que la paix est possible si la tolérance est de retour et si l’on bannit le délit de faciès et qu’on cesse de tuer au nom de Dieu ? Une chose est la présence des Américains qui savent qu’ils sont venus trouver des haines tenaces, des velléités irrédentistes qu'ils ont contribué à accroître, et une autre est de continuer à s'entre-déchirer espérant sortir vainqueur pour dominer l’adversaire ; et si chacun pensait à la paix ? si Moqtada Sadr depuis son «triangle sunnite» tendait la main aux chefs chiites ? et si enfin tout le peuple cessait de faire siens ces propos d'Abou Moussabal-Zarkaoui, «le lion d’Irak», qui professait dans un de ses prêches en janvier 2005 : «ô peuple d’Irak, où est ton honneur ? As-tu accepté l’oppression des putains de croisés ?». Ce serait déjà un début de recherche des "causes raisonnables" aux guerres de religion, politiques, comme le préconise Elie Barnavi (1).
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga du 31 juillet 2007
Notes (1) : Les religions meurtrières, Elie Barnavi (édition Flammarion)
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