"La cocotte sociale est prête à exploser"
Conjoncture nationale
"La cocotte sociale est prête à exploser"
En dépit des consultations électorales réussies ces dernières années, la Coalition des organisations de la société civile pour un développement durable et équitable (CODDE) estime que tout reste à faire au "Pays des hommes intègres".
En témoignent les nombreuses plaies du tissu social burkinabè listées dans la déclaration qui suit.
D'où l'appel à l'instauration d'un dialogue franc et sincère entre les différents acteurs, facteur de résultats substantiels.
Le Burkina Faso a vécu en l'espace de dix-huit (18) mois, ses troisièmes consultations électorales. En effet, après la présidentielle du 13 novembre 2005 et les municipales du 23 avril 2006, les électeurs ont encore été appelés aux urnes le 6 mai 2007 pour le quatrième renouvellement de la Chambre législative.
Tous ces scrutins ont été marqués par des insuffisances organisationnelles criardes (fiabilité du fichier électoral et des pièces d'identification du citoyen...) suscitant méfiance et polémique entre acteurs politiques, et ont été régulièrement ponctués d'accusations réciproques de fraudes, d'achat de conscience et de corruption : mais elles ont toutes donné à voir un étalage scandaleux de moyens colossaux sans commune mesure avec le niveau de vie de la grande majorité de la population qui, en retour, affiche une méfiance de plus en plus perceptible à travers les attitudes ci-après :
- faible taux de participation ;
- non retrait des cartes d'électeurs ;
- manque d'engouement durant les campagnes ;
- taux élevé des abstentions...
Toutes ces élections ont été organisées sur fond de grogne sociale, généralisée et alimentée par les dures réalités quotidiennes faites de privations diverses et d'auto- ajustements constants, face à une spirale infernale de hausses de prix des produits de grande consommation attribuée au marché international. Ainsi des produits et services vitaux tels : l'essence, les frais de scolarité, les transports, l'électricité, la santé... ont été touchés par la valse des étiquettes en attendant la répercussion par l'effet d'entraînement sur les produits localement transportés ou importés.
Apparences d'un Etat de droit démocratique
Cette série de consultations s'achevant par une quatrième législature, est présentée par les thuriféraires de la 4e République comme une apothéose du processus démocratique en cours au Burkina Faso depuis l'adoption de la Constitution de 1991. Il est vrai qu'avec l'existence des diverses institutions censées assurer la régulation des différents pouvoirs, le pays présente toutes les apparences d'un Etat de droit démocratique, mais ces apparences sont loin de refléter les réalités vécues, et certains faits sociaux qui se sont déroulés depuis la fin de l'année 2006 (ou qui se poursuivent) montrent à quel point la cocotte sociale est prête à exploser malgré «l'approfondissement de la démocratie».
Le premier fait marquant a été la révolte du casque en septembre 2006 : les populations ont réagi violemment à l'imposition du port obligatoire du casque allant jusqu'à molester les éléments des forces de sécurité chargées de veiller à l'application de la mesure.
Le second fait mémorable a été le mouvement d'humeur, les 19 et 20 décembre 2006, des jeunes soldats prenant prétexte d'une altercation de quelques uns des leurs avec des agents de police lors d'un concert.
Le troisième fait marquant a été le saccage, le 16 mars 2007, des maquis de la "chaîne des Kundé», suite à la découverte de cadavres mutilés.
Cette grogne sociale a été même radicalisée par les organisations des travailleurs de certains secteurs habituellement considères comme frondeurs (université, santé, enseignement...) à travers diverses manifestations : grèves, black-out, sit-in, marches de protestation... Cependant le fait nouveau et par conséquent inquiétant est la contamination de cette fièvre contestataire à certaines institutions dites de souveraineté (diplomatie, magistrature, sécurité pénitentiaire) où, jusqu'alors les mécontentements et autres frustrations faisaient l'objet d'une gestion plus feutrée.
Pourquoi la CODDE
La Coalition des Organisations de la société civile pour un Développement durable et équitable (CODDE) qui est un regroupement d'associations et d'organisations éprises de paix, de justice, d'équité et résolument engagées dans la lutte pour l'éradication de la pauvreté, exprime sa vive préoccupation sur l'ensemble des faits rappelés ci-dessus. Elle déplore les conséquences malheureuses qui en ont résulté. Elle estime qu'il doit y avoir une relation avec les comportements ostentatoires de quelques individus arrogants dits «nouveaux riches» crachant sur la misère noire de la majorité de la population. Elle comprend les résistances qui se manifestent ou tentent de s'organiser et les interprètes comme l'expression du refus de la résignation, de la fatalité et de la passivité suicidaire, la quête d'une plus grande justice sociale. Elle est intéressée (même interpellée) dans la mesure où deux de ses membres fondateurs (les centrales syndicales CGTB et ONSL) partagent les aspirations et traduisent les attentes de leurs milliers d'adhérents.
A sa création, les Organisations membres de la CODDE se sont engagées à :
- travailler à l'émergence d'une société civile favorable à l'autopromotion intégrale de l'homme en garantissant la satisfaction de ses besoins fondamentaux ;
- contribuer à la promotion de la bonne gouvernance (politique et économique) ;
- influencer les programmes de développement
- œuvrer pour plus d'équité dans le commerce international.
Traduisant en acte le slogan du forum de la Société civile sur la révision du CSLP (juillet 2003) et selon lequel, «Désormais plus rien pour nous, sans nous», la CODDE a mis en œuvre depuis 2005 un projet de «Recherches et de créativité sur les politiques socio-économiques» au Burkina Faso dont l'un des axes concerne le suivi de l'exécution du CSLP révisé. C'est en application de sa stratégie du «Comprendre pour agir» que les premières activités ont consisté à :
- faciliter l'appropriation du CSLP par la mise à disposition d'une version simplifiée (présentement en traduction en mooré et en dioula) ;
- faire le point de l'exécution de 2003 à 2006 du CSLP révisé ;
- mettre en place des groupes thématiques régionaux et former leurs animateurs aux techniques de suivi et d'évaluation du CSLP.
L'autre activité d'importance menée a été «l'étude de l'impact de la libéralisation des subventions sur la filière riz, au Burkina Faso», assortie d'un plan d'actions comportant un volet «plaidoyer».
Tout cela démontre l'importance que la CODDE attache à l'amélioration des conditions de vie des populations, d'où le souhait de voir le «Viima yaa kanga» devenir une préoccupation centrale des nouvelles autorités (Parlement et exécutif). L'opinion la plus largement répandue est que les différents élus et ré-élus depuis quinze (15) ans n'ont fait qu'améliorer leurs situations individuelles au détriment de la situation du peuple mandant. C'est pourquoi, la CODDE souhaite voire la nouvelle assemblée, démentir par ses pratiques les propos du Révérend Père Balemans selon lesquels : «les députés perdent leur temps, empochent l'argent du contribuable, mais ne peuvent rien faire pour le pays » (in Journal "Le Pays" n°3841 du 03/04/2007).
Prendre conscience de nos interdépendances
II est de la responsabilité des Pouvoirs publics de mettre en place les structures de gouvernance à même de réguler la confrontation des intérêts au profit du plus grand nombre et de réconcilier le citoyen avec ses institutions républicaines (Administration, justice et partis politiques notamment).
La CODDE en appelle donc à l'instauration d'un dialogue social franc et sincère au cours duquel tous les acteurs créeront les conditions, tant de forme que de fond (et au nombre desquelles : la nécessité de considération réciproque et de respect mutuel, le sens de l'écoute et de la responsabilité, le souci d'anticipation pour avoir prise sur les événements....) pour aboutir à des résultats substantiels. La pleine conscience de nos interdépendances et le désir de renforcer notre «vivre ensemble» commandent une interaction dynamique et une solidarité agissante pour atténuer la souffrance des
«laissés-pour-compte». faire reculer véritablement la pauvreté et l'exclusion sociale.
Pour permettre à tous ceux qui contribuent d'une manière ou d'une autre à la création de la richesse de goûter aux fruits de la croissance, il y a urgence à prendre en comptela réalité, à concilier théorie et pratique, à conformer discours et action, à recréer et entretenir l'enthousiasme collectif, conditions nécessaires à la construction et consolidation d'une démocratie respectueuse de la dignité et des droits humains.
La CODDE entend par cette déclaration, jouer son rôle de veille pour éviter des désillusions profondes ou des radicalisations extrêmes, car la gestion du devenir de lanation n'est pas uniquement le fait d'une élite, mais requiert aussi la participation et la contribution de tous les acteurs de la vie socio-économique.
Coalition des organisations de la société civile pour un développement durable et équitable (CODDE)
L’Observateur Paalga du 5 juillet 2007
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