La famine redoutée au Koulpelgo
Saison agricole 2007 – 2008
La famine redoutée au Koulpelgo
S'il y a un sujet qui a le plus défrayé la chronique ces dernières semaines au Burkina faso, c'est sans nul doute celui du bilan céréalier. Qualifié d'excédentaire par les autorités, celui-ci a été la base d'une vive polémique avec ceux qui contestent ce qualificatif, du fait notamment d'une flambée exceptionnelle des prix des céréales et de la pénurie constatées dans certaines contrées. Le gouvernement a dû déployer son stock d'intervention pour la vente à prix social dans les 15 provinces concernées par le déficit. Quelques semaines après le lancement de cette opération gouvernemntale, nous avons voulu mesurer l'impact de la spéculation sur le terrain et toucher du doigt les conditions de vie des populations rurales. Cela nous a conduit à une petite tournée, courant décembre dernier, dans le Koulpelgo, l'une des 15 provinces déclarées déficitaires.
Mercredi 12 décembre 2007. Il est 15h. Le vétuste minicar à bord duquel nous avons embarqué deux heures plus tôt à Tenkodogo, stationne à Lalgaye, bourgade de la province du Koulpelgo, située à une quarantaine de kilomètres du chef-lieu de la région du Centre-Est. C'est jour de marché, mais l'ambiance n'est pas celle des grands jours en cette période d'après-récoltes. La gaieté et la réjouissance qui succèdent habituellement aux belles moissons ne sont pas au rendez-vous. Les rues sont presque désertes, l'animation timide. Du côté du marché, le constat n'est guère reluisant. L'affluence est assez timide. Derrière leurs étals, quelques commerçantes d'articles divers semblent scrutent vainement les clients. Un tour des différentes allées donne une idée de la quantité de céréales sur la place du marché. Assis sous un arbre, Abdoulaye Oubda et Seydou Balima, deux commerçants grossistes venus de Tenkodogo, pour acheter des céréales chez des paysans, ne cachent pas leur déception. Depuis ce matin, ils n'ont pu amasser que quelques sacs. "C'est dur; il n'y a rien cette année. Les années passées, quand nous venions ici, nous pouvions souvent repartir avoir plus de 10 sacs. Aujourd'hui, il est difficile d'avoir même un sac", explique Abdoulaye. Le "yôrôba" (plat) de mil rouge ou de maïs qu'ils achetaient entre 250 et
A quelques pas de là, Mariam fait le même travail. Venue aussi de Tenkodogo, elle semble mélancolique. Depuis le matin, elle n'a collecté à peine que 10 plats de maïs, 3 plats de sorgho rouge et quelques noix de karité. "Le marché est catastrophique", déplore-t-elle.
La réalité du terrain
Tasséré Koudougou, grossiste, dit avoir raccroché face à l'âpreté du marché. "C'est la misère, il n'y a rien à acheter". Il a dû finalement transformer son magasin en dépôt d'aliments pour élevage d'animaux. "Que le ministre ne se fatigue pas à demander aux gens d'éviter d'exporter des céréales vers Cinkansé, car il n'y en a même pas", laisse-t-il entendre. Kassoum Kanazoé, conseiller municipal à Lalgaye, pour sa part, dit craindre la famine cette année, si rien n'est fait. Selon lui, pour avoir les céréales "du gouvernement", c'est un parcours du combattant. Non seulement le prix de
Faible engouement autour du stock de secours
La mairie de Lalgaye, Naaba Molfo, déplore le fait que le stock dépêché par le gouvernement pour faire face à la situation de pénurie soit loin d'être accessible au plus grand nombre, obligé qu'il est d'acheter toujours des vivres sur la place du marché, malgré la surenchère. La grande majorité, qui ne peut réunir
Au haut-commissariat de Ouargaye, chargé de la gestion de ce stock, on pense autrement. Ici, on prêche plutôt l'association. Pour le haut-commissaire, Dieudonné Zakyalma, que nous avons rencontré le 13 décembre, ceux qui n'ont pas les moyens de s'acheter un sac individuellement ont la possibilité de s'associer pour l'acheter. Si nous nous engageons à vendre au détail au niveau du magasin, on ne s'en sortira pas", indique-t-il. Même son de cloche du côté de la direction régionale de l'agriculture. Pour son directeur régional par intérim, Patrice Ouoba, quels que soient les efforts, il y aura toujours des gens qui ne seront pas satisfaits. " Même si on vendait le sac à
Un détour au magasin où est stocké le stock de secours gouvernemental permettait de constater que ce n'était pas encore le grand rush. Assis devant le grand bâtiment qui abrite ces vivres, le gestionnaire, Guiètwendé Soudré, et ses deux compagnons semblent se tourner les pouces. Depuis le 16 novembre jusqu'à ce jour, il dit n'avoir écoulé que 227 sacs. Il évoque les difficultés de transport pour expliquer ce manque d'affluence.
Cap sur Sanga
Située à
Aucun aspirant à l'aide gouvernementale
Le préfet de Sanga, Alfred Ouédraogo, dit n'avoir, jusque-là, enregistré aucune personne intéressée à l'achat des céréales à prix social du gouvernement. Pourtant, une rencontre a été organisée dans le village juste après le lancement de l'opération, pour informer les populations et les inciter à y souscrire. Cette situation, M. Ouédraogo l'explique surtout par la distance qui sépare Sanga du chef-lieu de la province.
Brève incursion en territoire togolais
A partir de Sanga, la frontière togolaise est à un jet de pierre. Ce jeudi est jour de marché à Cinkansé, la ville frontalière à cheval sur le Burkina et le Togo. C'est sur ce marché que les populations frontalières préfèrent écouler leurs céréales. Compte tenu de la particularité de cette année, les autorites burkinabè ont lancé un mot d'ordre interdisant tout transfert de céréales au-delà de la frontière. Sur le marché de Cinkansé (côté Togo), contrairement aux marchés que nous avons pu parcourir en territoire burkinabè, les prix des céréales sont nettement les abordables. Le plat de maïs se vend à
Par Ladji BAMA
Le Pays du 8 janvier 2008
ENCADRE 1 :
Ouargaye, ville oubliée ?
Les habitants du chef-lieu de la province du Koulpelgo, Ouargaye, sont loin de décolérer face à la situation de leur ville que certains n'hésitent pas à assimiler à un abandon. Annoncée depuis 2005, avec l'implantation des poteaux de
ENCADRE 2
La directrice de
"L'opération de vente de céréales à prix social se déroule très bien, il y a assez de vivres pour tout le monde jusqu'aux prochaines récoltes. Donc, il n'y a vraiment pas lieu de s'inquieter". Ainsi s'exprimait Fatimata Ouédraogo, directrice de
ENCADRE 3
La petite irrigation à la rescousse
Malgré les mauvaises récoltes enregistrées cette année dans le Koulpelgo, les autorités locales et les populations ne sont pas près de se laisser aller à la résignation. Des mesures palliatives sont envisagées. Au nombre de celles-ci, l'accent particulier mis sur les cultures de contre-saison, avec la petite irrigation. Cela en vue de compenser le manque dans la perspective de la prochaine saison. Cependant, cette ambition se trouve entravée par un problème de retenues d'eau. A en croire le haut-commissaire, les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la province courant juillet - août n'ont pas fait que des sinistrés. Leurs flots dévastateurs ont emporté la plupart des retenues d'eau de la province. Le cas le plus saisissant serait celui d'un grand barrage construit à coût de milliards et qui a été emporté bien avant d'être réceptionné.
ENCADRE 4
Quand les pesanteurs culturelles aussi s'interposent
Parmi les facteurs expliquant le faible engouement de la population pour les stocks vendus à prix social, à en croire certaines indiscrétions, il y a un blocage social lié à certaines considérations culturelles encore vivaces au Koulpelgo. En effet, en pays Yaana (ethnie majoritaire locale), il est mal vu qu'un chef de famille, après les récoltes, soit en train de traîner un sac de vivres dans la rue pour aller nourrir sa famille. Cela serait le signe de son incapacité; toute chose qui le destine à la risée populaire. C'est pourquoi, quand bien même ils n'auraient rien pour se nourrir, certains chefs de famille, au nom de cet orgueil social, traînent encore les pieds. Mais jusqu'où ces considérations pourront-elles tenir tête à la nécessité de survie?
ENCADRE 5
Les variétés précoces comme panacée
Du côté des responsables agricoles du Koulpelgo, on explique le fait que la province éprouve aussi durement la brieveté de la saison pluvieuse par le fait que, habituées aux longues saisons, les populations utilisent le plus souvent les variétés tardives, c'est-à-dire celles à cycle de 120 jours. Pour ce genre de cultures, les courtes saisons pluvieuses s'avèrent très catastrophiques. C'est pourquoi, à l'avenir, on entend encourager les variétés hâtives. Toutefois, on ne se leurre pas quant à l'immensité du travail à abattre, quant au changement de mentalité au sein des populations qui mettront du temps pour renoncer à leurs anciennes habitudes.
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