"La guerre est finie" (Lendemains d'émeutes à Ouahigouya)
Lendemains d'émeutes à Ouahigouya
"La guerre est finie"
La ville de Ouahigouya, à l’instar de Bobo-Dioulasso et de Banfora, a connu des turbulences dues aux manifestations des commerçants contre la cherté de la vie, le mercredi 20 février 2008. Cette journée, on se le rappelle, a été marquée par des marches, des actes de vandalisme et des bras de fer entre forces de l’ordre et manifestants. Quel visage présente la capitale du Yatenga au lendemain de ces troubles ?
Jeudi 21 février 2008. Il est 8 heures. La vie reprend son cours dans la ville de Naba Kango après les émeutes du mercredi. De tous côtés, les boutiques barricadées la veille s’ouvrent enfin. Le marché grouille de monde. La circulation est dense. Les services administratifs et établissements scolaires fonctionnent de nouveau. "La guerre est finie" crie une gérante de kiosque à ses clients. Tout indique que les troubles de la veille sont noyés dans l’oubli.
Tout à coup, des bruissements. Des cliquetis des portes qui se referment viennent briser la quiétude de la population. Une nouvelle alerte venue du côté du marché sème la panique. Portes et fenêtres sont immédiatement fermées. Le marché se vide aussitôt. ‘’Chacun se cherche’’, comme qui dirait. Le climat redevient délétère comme la veille. Mais fort heureusement, on constate que c’est une fausse alerte. Néanmoins, la prudence se lit sur tous les visages. Magasins et boutiques restent clos par mesure de précaution.
Au même moment, une rencontre de crise a lieu au gouvernorat. Les autorités administratives et politiques s’y rendent. Les forces de l'ordre y sont également conviées. Une seule question hante l'esprit des participants : comment cela a-t-il pu arriver ? On essaie de décortiquer le phénomène. Les rapports de la police mettent en cause une radio locale pour "incitation à la marche".
Les commentaires et les spéculations vont bon train.
Aujourd'hui la cité de Naba Kango affiche un air de désolation. De nombreux panneaux de signalisation y ont été arrachés. La police municipale reste planquée dans son Q.G. On s'attelle à ressouder ce qui peut encore l'être. Les résidus des pneus brûlés tâchent le bitume à certains endroits. A la mairie de Ouahigouya, des travaux sont en cours pour effacer les séquelles laissées par les actes vandalistes.
«Nous voulons la paix»
Depuis la fin des échauffourées, la ville a totalement repris son rythme d’antan. C'est dans cette atmosphère de retour au calme que les forces de sécurité multiplient les enquêtes. Dans les brigades, on est sur le qui-vive ; prêt pour une éventuelle intervention. Des meneurs seraient ciblés en ville. A en croire certaines sources, des "fauteurs de troubles" seraient actuellement en détention.
Toutes les personnes interrogées dans le milieu des commerçants embouchent la même trompette : «Nous voulons la paix». Le regret se lit sur tous les visages. «C’est dommage que la marche de protestation ait tourné au désastre», se regrette une vendeuse de légumes. Ce sentiment n’est pas partagé par tous. C'est le cas de Amidou Nacanabo, vendeur de vélo. «Ça ne va pas. Le peuple souffre et les gouvernants font la sourde oreille. Tenez depuis que les casses se sont produites, qu’est-ce qu’ils ont fait ? On a l’impression que les prix augmentent de plus belle», peste le commerçant. A ses côtés, sous le même hangar, un autre s’indigne : «Personne n’est content de ce qui s’est passé. Mais on risque de mourir ! Si ça chauffe, on est obligé de faire ce qu’on ne voudrait pas faire. Nous demandons seulement que les prix soient amortis». Le responsable de l’Association des commerçants de Ouahigouya, Amadé Gassambé, tient à rassurer : «Nous ne marcherons plus». (Lire encadré 1).
Correspondance particulière de
David-Hiver Ouédraogo
L’Observateur Paalga du 28 février 2008
Encadré 1
"Nous n'y sommes pour rien"
Amadé Gassambé, président des commerçants
Dans cet entretien, le président de l’Association des commerçants de Ouahigouya, Amadé Gassambé, revient sur les manifestations du mercredi 20 février 2008.
Comment vos "troupes" sont-elles parvenues à organiser ce qui est arrivé ?
• Nous n’avons rien compris de tout ce qui s’est passé le mercredi. Nous n’avons jamais demandé à qui que ce soit de vandaliser un bien public. Vous savez, les commerçants se sont levés sur instruction de personnes mal intentionnées pour commettre ces casses. Nous, dans l’association, n’avons jamais orchestré ce qui est arrivé. Nous regrettons fort ce qui nous est arrivé.
Mais qui, selon vous, a appelé à la manifestation ?
• Nous ne savons rien de tout ça. Quand on a approché les marcheurs, ils nous ont fait savoir que c’est à la radio, le soir du 19 février, qu’ils ont appris qu’il y a une marche le lendemain. Personnellement j’ai ouvert mon magasin ce jour-là dans la matinée. Au vu de la marée humaine qui s’agrandissait et qui s’excitait, j’ai appelé Ouagadougou pour en savoir davantage. Hamadé Bangrin Ouédraogo m’a informé que Ouagadougou est calme. Nous avons attendu un instant avant de constater que l’affaire devenait inquiétante.
Pourtant il semble que vous avez été préalablement informé ?
• Personnellement, je n’ai rien appris.
Tout président que vous êtes, vous ne maîtrisez donc pas la situation ?
• De Ouagadougou, des instructions ont été données aux gens pour qu’ils marchent. On ne sait pas qui est derrière tout ça. Les commerçants disent qu’ils ont écouté ça à la radio. C’est compliqué. Qui a écrit pour la radio ?
Que revendiquent les commerçants au juste ?
• La diminution des taxes. Ils trouvent que tout est cher sur le marché.
Est-ce que les taxes ont été augmentées comme beaucoup de gens le soutiennent ?
• Vraiment, je ne le sais pas. Allez vous renseigner à la douane ou aux impôts.
Quelle situation prévaut au sein des "troupes" ?
• Les commerçants sont là. Toujours imprévisibles. Ils racontaient partout qu’il y aura une autre marche à Ouagadougou le 28. Mais aux dernières nouvelles, il semble qu’il n’en sera rien. Nous prions Dieu pour que ce qui est arrivé reste la seule et dernière erreur dans notre belle ville. Nous ne voulons que la paix.
D-H.O.
Encadré 2
La ville de Ouahigouya est dépourvue à certains endroits de panneaux de signalisation. Ce sont les marcheurs qui les ont tous enlevés lors des échauffourées du mercredi 20 février passé. La situation inquiète d’autant plus que des usagers de la route font fi des règles de la circulation. Il n’est pas rare de rencontrer des citadins faire des slaloms à certains carrefours en ville. Ils ne sont pas inquiétés puisque la police municipale semble avoir d’autres chats à fouetter. Si rien n’est fait d’ici-là, la population risque de vivre d’autres avatars.
D-H.O.
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