L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Le Burkinabè de Mobutu sort des secrets

Prince Isaac- Patron du "Camping le Pharaon"

Le Burkinabè de Mobutu sort des secrets

Celui qui a été mêlé à la très controversée affaire de grippe aviaire au Burkina n'est pas seulement le patron du "Camping le Pharaon". Il a aussi traîné sa bosse à travers le monde. Parmi ses innombrables voyages et tout au long de ses rencontres, il a côtoyé d'illustres hommes politiques du continent africain. Mobutu Sese Seko qui nous a quittés il y a 10 ans, précisément le 7 septembre 1997, fait partie de ces personnalités. Prince Isaac nous a parlé de l'homme qu'il appelle affectueusement son grand ami. Economie d'une rencontre.


Voilà dix ans que Mobutu nous a quittés. Vous qui avez connu l'homme que pouvez-vous nous dire de lui ?


Effectivement j'ai été proche de Mobutu. J'ai longtemps côtoyé l'homme. Je faisais la navette Lomé- Gbadolite - Kinshasa. Pendant les troubles politiques de la conférence nationale, du temps de Mgr Mosengwo, il s'était un peu retiré à Gbadolite, laissant la charge de l'Etat aux protagonistes de ladite conférence. Je l'ai donc connu par le biais de mon grand ami feu Gnassingbé Eyadema, qui lui avait parlé de moi au téléphone, et le lendemain son avion privé est venu me chercher à Lomé. Cela se passait en 1992 au temps où il était toujours à Kinshasa. C'est donc comme ça que je suis rentré en contact avec lui.

Du temps où vous l'aviez connu, comment était-il ?

C'était toujours un grand homme qui aimait son peuple. Mais vous savez, un seul homme ne peut pas tout faire. Il avait plus de mauvais conseillers que de bons. Il était très attachant et très sympathique comme homme.

Que pouvons-nous retenir de cet homme ?

De son vivant, il a fait du mieux qu'il a pu pour son pays le Zaïre, aujourd'hui la République démocratique du Congo (RDC). Vous savez, ce pays est très grand, et il était celui qui avait pu y maintenir la paix pendant très longtemps. Il est très difficile de trouver un remplaçant à cet homme. C'est vrai, on l'accusait de beaucoup d'exactions et d'atteintes aux droits de l'homme, mais connaissez-vous un seul chef d'Etat africain qui échappe à de telles accusations ? C'était un homme et il n'était donc pas parfait, mais il fut un grand homme et je sais qu'il est difficile de le remplacer.

Avez-vous gardé des contacts avec la famille de Mobutu?

Non, pas spécialement, sauf Jean-Pierre Bemba, son gendre, qui a épousé l'une des filles de Mobutu. Du temps où il était vice-président, on avait eu quelques contacts téléphoniques. Mais depuis qu'il est reparti en exil forcé, je n'ai plus eu de ses nouvelles. Comme la famille est dispersée, il est difficile de maintenir le contact. Certains ne m'ont même pas connu puisque je pouvais rester six mois environ avec Mobutu à Gbadolite.

Mobutu était-il un mordu du luxe ?

Il n'y a pas un seul chef d'Etat qui n'aime pas le luxe. Nombreux sont ceux qui ont construit à coup de milliards des villas ou des châteaux. En effet, Mobutu avait un palais à Gbadolite. C'est une localité qui se trouve dans la forêt, et où il y a des marécages partout. Il n'y a pas de route. On y va par avion. Mais il faut reconnaître que sa maison était à la hauteur de sa stature.

Que faisiez avec lui à Gbadolite ?

Eh bien ! Je suis parti simplement lui rendre visite sur les conseils de mon grand ami Eyadema et nous sommes devenus de grands amis c'est tout.

N'avez-vous rien donné en retour de cette amitié ?

Que voulez-vous que je donne (il prend son temps avant de continuer) ? Je n'ai rien, et Mobutu était un grand croyant. Il faisait venir des sœurs religieuses chaque matin avec une Peugeot bâchée pour prier. Il n'hésitait pas à prier pour son pays, pour son peuple. Il s'était retiré parce qu'il se sentait affaibli par la maladie. J'étais avec lui et on jouait au jeu de dames. On y jouait jusqu'à des heures indues, et on mangeait bien. Il buvait du bon vin aussi, et quand on n'en avait plus, il me disait : "Grand cousin", parce que beaucoup de chefs d'Etats africains m'appellent ainsi. "Grand cousin, disait-il, prends mon avion et ramène-moi de Paris du Châteaux Brillant." Ça coûtait à l'époque autour de sept cent mille francs. Je pouvais en acheter 1 000 à 2 000 bouteilles pour lui. Voilà ce que je faisais, entre autres, avec lui.

Quelle est la plus grande joie que vous avez connue avec Mobutu ?

C'était en 1994. Il m'a fait don d'une fortune colossale après une de mes rares victoires au jeu de dames ; ça, je ne peux pas l'oublier.

Racontez-nous une anecdote qui vous a marqué avec Mobutu.

Un jour, après une partie de jeu de dames, il m'invite à le suivre dans sa chambre à coucher, tellement il avait confiance en moi. Je précise que dans sa résidence à Gbadolite, il avait près de 2 000 gardes du corps. On est rentré dans sa chambre et il me montre sa garde-robe. Ensuite il me dit : "Voilà, grand cousin, parmi tout ce que tu vois ici, choisit ce que tu veux afin de garder un souvenir de moi". J'ai pris au moins dix vestes. Il insiste pour que j'en prenne encore, alors j'en prends dix encore. Il me demanda d'en essayer une, ce que je fis et j'y étais tout petit tellement j'étais mince. Il s'est laissé aller à travers une hilarité avant de me dire : "Tu vas grossir." Tu vas manger de la viande sauvage", me dit-il, parce qu'il aimait la soupe de viande de singe, tout en continuant de rire.

Avez-vous assisté à sa chute ?

Oui et non, parce que lors de sa chute je me trouvais à Lomé. Feu Eyadema se trouvait à Pia dans son village. Son aide de camp l'a informé que le président Mobutu était arrivé. C'était après qu'il ait fui Kinshasa. Feu le président Eyadema est aussitôt revenu à Lomé pour le rencontrer. Mobutu était en ce moment très affaibli par la maladie. Il avait perdu beaucoup de poids. Il est alors resté une journée avant de se rendre au Maroc. Ce jour-là, quand je l'ai rencontré avec le président Eyadema, on sentait qu'il souffrait énormément.

Comment votre grand ami est-il tombé ?

Vous savez, Laurent Désiré Kabila a commencé par Gbadolite. Il y avait les troupes rwandaises qui sont venues par le fleuve Oubangui. Il était très difficile d'attaquer Gbadolite à cause de la forêt et des marécages. Mobutu était un vrai ami, et je pense que mis à part Feu le président Eyadema, il m'est très difficile de retrouver une telle amitié. Il faut que je vous dise que chaque année, en reconnaissance de cette amitié, je demande une messe en sa mémoire. J'ai toujours une pensée pour sa famille et je prie pour elle.

Par Aristophane Ouédraogo (Correspondante particulière)

Le Pays du 24 septembre 2007



24/09/2007
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