Le capitaine Ouali activement recherché
Justice militaire
Le capitaine Ouali activement recherché
Dans notre édition d'hier 19 juin 2007, nous avions évoqué en dernière minute l'évasion du capitaine Luther Diapagri Ouali de la Maison d'arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). En fait, il ne s'agit pas d'évasion avec saut de mur ou autres actions fracassantes, a rectifié la Justice militaire, qui nous a ouvert ses portes sans la moindre difficulté. Moussa Diallo, le directeur de la Justice militaire, avec beaucoup de courtoisie, nous a d'ailleurs introduit auprès du Commissaire du gouvernement, le magistrat militaire de 3e classe Jean-Claude B. Bagoro. En présence de son substitut, Alioune Zanré, magistrat militaire stagiaire, le Commissaire du gouvernement a apporté la lumière sur cette affaire qui commençait à faire des gorges chaudes.
Comment expliquez-vous le cas du capitaine Ouali ?
A l'instar de tout détenu, Ouali a bénéficié d'une permission de sortie, preuve que la Justice militaire, contrairement à ce que disent certains, ne s'acharne pas particulièrement sur ce monsieur. Du moment où il a exécuté plus du 1/4 de sa peine, il a les mêmes droits et devoirs que tous les autres détenus dans la même situation que lui. Les rapports qui nous parvenaient sur sa conduite au niveau de la MACO ne montraient pas un comportement négatif de sa part. Au contraire, il était assez bien apprécié. C'est pour cette raison d'ailleurs qu'il a bénéficié de cette permission de 96 heures. La prison a également pour objectif de contribuer à la réinsertion des individus dans la société. C'est en prévision de cela qu'on a accordé à Ouali, à sa demande qui est passée régulièrement par le régisseur, une autorisation en vue de préparer ses dossiers de pension. Car les dossiers de pension sont menacés de forclusion quand ils ne sont pas constitués dans un délai donné. C'est donc pour faciliter la réinsertion future de Ouali que nous lui avons accordé cette permission qui, je le rappelle, a suivi la procédure normale. Aujourd'hui, nous nous rendons compte que Ouali a abusé de la confiance que la Justice avait placée en lui. A l'heure actuelle, tout est mis en oeuvre pour essayer de retrouver l'intéressé.
Quand est-ce que Ouali a eu la permission et quand devait-elle prendre fin ?
Il a eu la permission le 7 juin et elle devait prendre fin le 10 juin. Logiquement, le matin du 11 juin, Ouali devait rejoindre la Maison d'arrêt, ce qu'il n'a pas fait.
Quand les détenus ont ce genre de permission, y-a-t-il un dispositif particulier de surveillance à leur endroit ?
Comme je le disais tantôt, cela fait pratiquement 4 ans que Ouali est à la MACO. Il y a une sorte d'observation en rapport avec le comportement de la personne et, de droit, après avoir purgé un certain nombre d'années, elle peut bénéficier de ces faveurs. Et quoi qu'on dise, Ouali est un capitaine, et comme chez un officier la parole donnée est une vertu, nous n'avons pas estimé nécessaire de mettre des hommes armés derrière lui. Si l'homme n'avait pas une bonne conduite, la permission lui aurait été systématiquement refusée ou alors, on serait amené chaque matin à le conduire pour qu'il puisse rassembler ces papiers et le ramener. Mais, c'est un monsieur qui a fait 4 ans pratiquement et il est traité comme tous les autres détenus. Donc en lui accordant la permission, nous n'avons fait qu'appliquer la réglementation en vigueur dans les maisons d'arrêt.
Est-ce la première fois que le capitaine Ouali bénéficiait d'une telle permission ?
Oui, c'est la toute première fois.
Bénéficier d'une telle permission et prendre le large ne fait-il pas penser à un acte prémédité ?
Seul le capitaine Ouali peut répondre à cette question. Vu le temps qu'il a passé là-bas et le fait qu'il fait l'objet d'une appréciation dans le milieu carcéral, nous lui avons fait confiance. Nous n'avons qu'appliqué la loi et nous ne pouvons pas nous mettre à sa place pour parler de préméditation.
Le capitaine Ouali est-il toujours au Burkina ?
Actuellement, les enquêtes se poursuivent et ce n'est qu'à l'issue de ces investigations que nous serons situés. Toutes les dispositions ont été prises pour que l'inculpé Ouali soit retrouvé.
Etes-vous allé dans sa famille ?
Des éléments se sont rendus chez sa mère qui vit toujours à quelques kilomètres de Kantchari (dans l'Est du Burkina, ville frontalière avec le Niger, ndlr) mais ils n'ont eu aucune nouvelle de Ouali. Nous avons aussi contacté certaines personnes qui lui rendaient régulièrement visite à la MACO. Ces dernières aussi ont manifesté leur surprise par rapport à la situation.
Au moment du procès qui a débouché sur sa condamnation, on a appris qu'il avait des contacts dans certains pays voisins. Sont-ce ces gens qui l'ont aidé à partir ?
Je ne voudrais pas rentrer dans des considérations politiques. Je m'en tiens à l'aspect judiciaire. Il est trop tôt pour nous d'établir un quelconque lien. Des voix plus autorisées que la nôtre pourraient le faire au moment opportun. Du reste, le procès auquel vous faites référence, c'est déjà l'autorité de la chose jugée.
Si le capitaine Ouali est repris, qu'encourt-il comme peine ?
Il y a deux éventualités. Soit Ouali se rend comme les détenus qui sont revenus d'eux-mêmes après les évasions, soit il se fait prendre. Dans tous les cas de figure, si Ouali revenait et prouve que sa disparition est due à des raisons de santé ou autres, il appartiendra alors au tribunal et à la hiérarchie d'apprécier. Mais si le capitaine Ouali se faisait prendre avec une volonté manifeste de ne pas réintégrer la MACO, il y a aussi des dispositions légales qui lui seraient appliquées. Certes, il n'a pas escaladé les murs de la prison ni forcé les portes pour partir, mais il s'est évadé. Il a bénéficié d'une permission et il n'est plus rentré. Au niveau du code, il y a des dispositions qui sont prévues dans ce cas. Et logiquement, il doit être jugé pour cette infraction qu'il a commise. C'est un délit et c'est le code pénal qui est appliqué à ce moment.
Il y a eu des occasions d'évasion qui se sont présentées à Luther Diapagri Ouali au cours de sa détention. Pourquoi n'a-t-il pas saisi ces opportunités et c'est d'une permission officielle qu'il profite ?
J'avoue que seul l'intéressé, si on arrive à le rattraper, pourra nous dire avec exactitude ce qui a pu bien le pousser. Je ne peux vraiment pas répondre à sa place. Seulement, je peux dire que son attitude étonne nombre de personnes.
Le capitaine Ouali a été emprisonné avec d'autres hommes de tenue. Certains ont été graciés par le président du Faso. D'autres sont toujours en prison. C'est le cas du sergent Babou Naon. Ce dernier bénéficie-t-il également de permission et pourra-t-il encore en bénéficier ?
Le sergent Naon, comme la plupart des détenus, et pour des raisons de santé, a bénéficié de sorties pour se faire soigner soit au Camp de l'unité, soit à l'hôpital Yalgado Ouédraogo. Je tiens à signaler que le sergent Naon a déjà constitué son dossier au niveau de la CARFO pour sa pension. Face à la nouvelle situation qu'impose le cas Ouali, il appartiendra à qui de droit de prendre les décisions idoines.
De go, nous ne pouvons pas vous dire si tel ou tel détenu ne pourra plus avoir ce genre de permission. Nous ne pouvons pas dire que les autres vont payer pour Ouali. Au pénal, on dit que la faute est individuelle. Toutefois, un certain nombre de mesures et de précautions seront prises dans le futur.
Pouvez-vous nous rassurer que Ouali et Naon vivent dans de bonnes conditions à la MACO ?
Je peux vous affirmer que oui. Nous pouvons même organiser une sortie avec vous à la MACO. Si Ouali a obtenu cette permission sans problème, c'est parce qu'il jouit des mêmes droits et traitements que les autres. Il n'y a pas de raison qu'on se livre à de la discrimination. A la MACO, tous les détenus sont logés à la même enseigne. Si l'inculpé Ouali était traité de façon singulière, ce sont des sentinelles bien armées qu'on aurait placées derrière lui lors de sa permission, et peut-être même qu'il n'allait pas sortir sans menottes. Je disais aussi que la Maison d'arrêt et de correction n'avait pas pour but de détruire, mais de permettre la réinsertion de la personne qui a fauté.
Ouali a-t-il constitué son dossier de pension avant de prendre le large ?
Nous avons opéré des vérifications. Il n'a pas été à la CARFO (Caisse autonome des retraités et des fonctionnaires, ndlr). De toutes les façons, pour constituer ce dossier à la CARFO, il faut rassembler un certain nombre de pièces.
Ouali pourrait être l'objet d'un attentat ou d'un kidnapping, non ?
Il faut garder les choses dans leurs proportions. Franchement, je ne sais pas quelle célébrité on veut accorder à ce monsieur. C'est un détenu comme tous les autres. Et comme lui, certains ont eu la même permission et sont retournés à la maison d'arrêt. Du reste, nous n'avons eu aucune information relative à un attentat ou un enlèvement sur la personne d'un Ouali.
Avez-vous un appel particulier à lancer ?
Nous demandons à la population de collaborer. On se demande si Ouali lui-même se rend compte que l'acte qu'il a commis le dessert. Quel que soit l'endroit où il se trouve, s'il a des difficultés, ce sera plus intéressant pour lui de se rendre. La Justice n'étant pas aveugle appréciera. A l'endroit de la population, je dirai que si quelqu'un a hébergé le capitaine Ouali ou a eu vent de sa présence quelque part, qu'il en fasse part aux autorités compétentes. On se pose même des questions sur le mental de l'inculpé vu ce qui s'est passé. Il est vraiment difficile de comprendre son attitude.
Propos recueillis par Morin YAMONGBE
Le Pays du 20 juin 2007
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