L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Le mémorandum des refondateurs du CDP

CDP

Le mémorandum des refondateurs

Après leur mémorable sortie médiatique d’avril, les refondateurs du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), représentés par Pierre Joseph Tapsoba, Oubkiri Marc Yao, Moussa Boly, Emile René Kaboré, R. Mathieu Ouédraogo et Amadé Taho, reviennent à la charge à travers le mémorandum que nous vous proposons ci-après.

Selon leurs signataires, le parti majoritaire est souffrant, et leur diagnostic permet, comme on le lira, de situer les racines et les propagateurs du mal.

En février 1996, à l’initiative de Son Excellence Monsieur Blaise Compaoré, Président du Faso, naissait le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti politique issu de la fusion de plusieurs autres.

Pourtant, tout semblait les différencier, voire les opposer : • Un exemple : l’Organisation pour la démocratie et le progrès/Mouvement du Travail (ODP/MT) avait fait élire son candidat à la Présidence du Faso en 1991 et jouissait d’une majorité parlementaire à l’issue des législatives de 1992. il était donc le parti au pouvoir. Par contre, la Convention nationale des patriotes, progressistes/Parti social démocrate (CNPP/PSD) était la deuxième force politique du pays et le principal parti d’opposition. • Un autre exemple : sur le plan idéologique, l’ODP/MT, issue elle-même de la fusion de plusieurs partis exclusivement communistes, était d’obédience marxiste - léniniste.

Par contre, la CNPP/PSD affichait son option social-démocrate. D’autres partis, moins importants par leur taille, affichaient d’autres options idéologiques telles le libéralisme solidaire pour le Parti de l’action - pour le Libéralisme solidaire (PACT-LS) ou le libéralisme tout court pour l’Union des démocrates et patriotes du Burkina (UDPB) ou le Rassemblement démocratique africain (RDA). Malgré tout, cette fusion s’est faite pour donner naissance au CDP, traduisant la capacité des différents protagonistes (antagonistes) à opérer sur eux-mêmes un dépassement de soi au profit de l’intérêt national.

Et c’est sans conteste à partir de là que notre démocratie, très agitée, et les affrontements CFD/ARDC sont encore vivaces dans toutes les mémoires..., c’est à partir de là, disons-nous, que notre démocratie a commencé à s’apaiser, évitant à notre pays la poursuite de troubles aux conséquences imprévisibles.

La douleur de la naissance du CDP, qu’auraient pu justifier les renoncements idéologiques pour certains ou le partage du pouvoir pour d’autres, a été considérablement atténuée par le consensus qui a prévalu. Partout et à tous les niveaux, tous les organes et structures du parti ont été mis en place sur cette base. On peut affirmer que c’est à partir de ce moment qu’un engagement fort a été pris dans le sens de l’approfondissement de la démocratie. Fort de l’expérience de chacune de ses composantes, conscient de son rôle important de parti au pouvoir, soucieux d’être un véritable instrument d’avant- garde et de soutien à Son Excellence Monsieur Blaise Compaoré, Président du Faso, le CDP a pris d’importantes décisions à son congrès constitutif : • mise en place d’une commission de contrôle chargée du respect de la ligne, de l’exécution des décisions et du règlement des conflits ; • mise en place de commissions spécialisées. Permanentes, elles avaient un rôle de veille et d’avant-garde intellectuelles et devaient entretenir constamment non seulement une réflexion sur les sujets du moment, mais aussi une réflexion anticipatrice qui permette une approche prospective indispensable à la gestion du pouvoir (gouverner, c’est prévoir).

C’était là assurément quelques-unes des bonnes intentions et des bonnes décisions de notre grand parti, qui entendait se donner les moyens d’une formation politique moderne, bien assise dans la réalité de notre pays, forte de l’expérience plurielle de ses différentes composantes et résolument projetée vers le progrès. L’objectif était clair : le Progrès, par et dans la démocratie.

Aujourd’hui, après une douzaine d’années d’existence, il est légitimement permis, sans prétendre faire un bilan exhaustif, de se poser des questions sur l’état de santé du CDP. Nous avons remporté de nombreux et grands combats électoraux : toutes les présidentielles, toutes les législatives et toutes les municipales. Nous en sommes légitimement fiers, car cela est aussi le résultat d’objectifs que notre grand parti s’était fixé.

Mais laissons volontairement cela de côté, car précisément « l’arbre ne doit pas cacher la forêt ». Restons un instant sur le fonctionnement et la vie du parti : une grande majorité des militants s’accorde pour dire que quelque chose ne va pas dans le parti. Certains semblent en avoir une vague conscience, d’autres sont plus précis mais dans l’ensemble tous évoquent un malaise.

Quelques-uns des signataires du présent mémorandum ont, par deux lois (en 2000 et en 2005), déjà exprimé au Président du parti, par écrit, leurs inquiétudes sur la déclivité dangereuse que prenait la vie du parti. Sans suite. Alors, constatons et tirons les conclusions.

I - Constat

I-1. Le non-fonctionnement des organes de gestion et d’animation du parti

 Le CDP est un grand parti, mais qui fonctionne essentiellement comme une machine infernale à gagner les élections présidentielles, législatives, municipales, etc. Mais entre les échéances électorales, l’animation de la vie du parti est quelque peu défaillante.
 Du fait du non-fonctionnement, puis de la suppression des commissions spécialisées, le CDP, bien que parti majoritaire, ne constitue pas une force de propositions pour accompagner le gouvernement.
 La conséquence la plus visible est que notre partie devient subitement atone et aphone lorsque surviennent les crises sociales les plus aiguës : • crise sociopolitique née du drame de Sapouy ; • crise sociopolitique et accusations graves par suite de l’éclatement de la crise ivoirienne ; • crise sociopolitique née de la vie chère ; pendant que le peuple et tous les observateurs avisés voyaient venir la crise, des responsables du parti s’évertuaient à nous convaincre que le Burkina Faso jouissait d’un excédent céréalier. Le constat amer aujourd’hui, c’est qu’il n’y a pas de céréales sur le marché.

I.2. L’arbitraire et le laxisme favorisant l’indiscipline

 Participation du directeur du siège aux réunions du BEN ; quelle instance en a pris la décision ?
 Cumul de postes de député et de maire ; quelle instance a autorisé ou entériné ce cumul, qui était proscrit depuis la 3e législature ?
 Transgression de la décision du parti de respecter le verdict des urnes aux dernières élections municipales. • Des camarades ont noué des alliances contre nature pour conquérir des mairies ; • Des responsables locaux du parti ont procédé à des « détournements » d’élus d’autres partis pour offrir aux élus CDP minoritaires une majorité de blocage des sessions de certains conseils municipaux. • D’autres responsables du parti ont encouragé les conseillers municipaux CDP minoritaires à pratiquer la politique de la chaise vide, empêchant ainsi la réunion des quorums nécessaires à la validité des sessions des conseils. Le parti n’a pas sanctionné de tels comportements, qui sont antidémocratiques. Le CDP devrait ainsi répondre devant l’histoire de complicité et même de responsabilité dans le dysfonctionnement des communes qu’il n’a pas pu mettre dans son escarcelle.

I.3. La discrimination dans la reconnaissance du mérite militant

 Cas de promotions fulgurantes, sans période d’observation, de transfuges d’autres partis vers le CDP.
 Cas d’imposition de militants impopulaires comme responsables dans les structures à tous les niveaux (depuis le commissaire politique régional jusqu’au responsable du comité de base), ou sur les listes électorales des législatives ou municipales. Les exemples foisonnent.
 Cas du manque de politique de rotation pour qu’un maximum de cadres du parti aient l’occasion de faire leurs preuves à des postes de responsabilités politiques (préfets, hauts-commissaires, gouverneurs, représentations diplomatiques, membres du gouvernement et au niveau du bureau de l’Assemblée nationale). On a l’impression que la « Nomenclature ! » ODP des années 1992 s’est juré de régner sans partage, accaparant sans mesure aucune les principaux postes de l’Exécutif et du Parlement.
 Au dernier congrès du parti, il nous a été servi une rocambolesque cérémonie de remise de certificats de mérite à des militants. De qui voulait-on donc se moquer, quand on voit la liste des récipiendaires proposés par une commission fantôme ? De telles pratiques basées sur le copinage, le favoritisme à relent d’intérêts mafieux, ont entraîné le découragement, la désaffection, la démobilisation et la démission de milliers de militants et de cadres du CDP, poussés à leur corps défendant à aller créer leur propre parti ou grossir les rangs d’autres partis.

I.4. La non-recherche d’élucidation d’accusations de comportements délictueux ou amoraux portées contre des camarades • Cas de membres du gouvernement ; • cas de maires de communes urbaines ou rurales ; • cas du directeur du siège CDP ; • etc. Ces accusations peuvent être sans fondements, ne constituant que d’ignobles cabales et campagnes de dénigrement destinées à salir la réputation des personnes visées. Encore faut-il faire la lumière sur ces suspicions, qui constituent des salissures sur le parti. Pourquoi le CDP n’a-t-il donc pas diligenté une enquête sur ces cas afin de faire la part entre le bon grain et l’ivraie ? Insouciance ou peur d’avoir à confondre des camarades ?

I.5. La politique de sectarisme et d’exclusion

Les partis qui ont été approchés en 1996 pour former le CDP souffrent, à une ou à deux exceptions près, d’exclusion à la base pour leurs anciens militants et de sectarisme au sommet pour leurs anciens dirigeants. Ainsi :
 Au niveau des structures du parti : • Les responsables des comités de base, des sous-sections et des sections sont à presque 100% d’anciens ODP ; • Au Bureau politique national, dont la composition a été inflatée après la clôture du Congrès de 2005, les membres non anciens ODP n’atteignent pas 10% ; • Au Bureau exécutif national, environ un sixième des membres ne sont pas des ex-ODP.
 Au niveau de la valorisation des cadres : • On fait très peu recours à des cadres non ex-ODP pour les responsabilités au niveau du gouvernement, des institutions républicaines, de l’Administration décentralisée (préfets, hauts-commissaires, gouverneurs, présidents de conseil régional, maires) et même des occasionnels comités de réflexion mis sur pied par le parti pour traiter de situations particulières. • Ecartement des listes électorales sur la base de verdicts dits « démocratiques » mais qui ne sont en fait que des « fatwa » organisées par des responsables de la base tous ou à 99% des ex-ODP. • Même la mascarade de distributions de certificats de mérite (lors du dernier congrès) n’a pas dérogé au sectarisme : aucun ex-non-ODP n’a été jugé digne de figurer au rang des nominés. De quelque côté et sous quelque angle qu’on regarde, la marginalisation est manifeste, criarde.

II - Conclusion

Le CDP se trouve à la croisée des chemins. Les victoires amassées depuis 12 ans ne doivent pas masquer un profond mal qui métastase le parti et qui peut lui être fatal si on ne trouve aujourd’hui et impérativement le remède approprié. Ce mal trouve sa source dans le fondement même du CDP ; mais son développement est l’œuvre de camarades qui ne savent pas faire la différence entre fusion de plusieurs formations politiques et absorption de plusieurs formations politiques par une seule autre.

II.1. Les racines du mal

Le CDP a été conçu dans le péché. Un péché de non-respect des militants de base imputable autant aux responsables ODP/MT qu’aux responsables des autres formations politiques
 Le péché des responsables ODP/MT de 1996 II est établi qu’aucune structure du parti n’a été consultée sur le projet de fusion et de changement de ligne politique. La « chose » a été décidée au sommet et imposée à la base sans débat. Etait-ce intentionnellement et stratégiquement fait afin que la base se sente déresponsabilisée dans la mise en œuvre du processus et continue à broyer systématiquement les non-ODP. En politique, il ne faut jamais considérer que les militants se comportent comme des moutons de Panurge. Ils ont droit à un minimum de respect dans les prises de décisions les engageant. Autrement, chacun s’organise pour que son territoire soit sa chasse gardée : pas de nouvelle idéologie (dont la base ODP ignorait tous des fondements) et pas d’intrus, potentiels empêcheurs de tourner en rond.

 Le péché des autres formations Euphorisés par la décision du parti au pouvoir de déposer les troques du marxisme pour revêtir le manteau de la social- démocratie, réputée pour sa tolérance et son plus grand respect de l’individu, les responsables des autres formations ont fait preuve de naïveté en ne posant aucun garde-fou : aucune exigence en matière de participation à la gestion des structures de base du CDP et à la gestion du pouvoir. Il s’est agi là d’un aveuglement politique pour lequel ces responsables devront rendre des comptes à leurs militants, qui en ont beaucoup souffert. Les effets conjugués de ces deux péchés (boulimie du pouvoir chez les uns et frustration chez les autres) ne pouvaient que faire du CDP une bombe en sursis d’explosion.

II.2. Les propagateurs du mal

L’incubation du mal de naissance du CDP a été favorisée par le comportement de certains anciens hauts responsables de l’ODP, toujours aux premières loges du CDP. On a l’impression que tout est mis en œuvre pour maintenir dans les plus hautes sphères de décisions politiques, administratives et économiques ceux-là même qui, il y a près de 25 ans, vouaient aux gémonies les autorités coutumières et religieuses ainsi que tous les individus dits réactionnaires, et qui voulaient transformer nos mosquées, nos églises et nos temples en marchés.

Les tenants de ces sinistres desseins sous le CNR, c’étaient les CDR purs et durs. A-t-on voulu faire du CDP un refuge douillet et doré pour ceux-ci ? La doctrine social-démocrate n’a-t-elle été endossée par ces anciens CDR que pour faire comme le loup déguisé en agneau pour mieux leurrer et décimer la bergerie ? Ce comportement d’accaparement absolu du pouvoir par un cercle de copains au détriment aussi bien d’autres cadres de l’ex-ODP que des cadres des autres partis fondateurs du CDP n’a pas été de nature à donner un sens constructif au large rassemblement voulu par le Président Blaise Compaoré.

« Vous avez été conviés à boire le lait, pas à compter les veaux ». Cette célèbre phrase est assassine de la volonté de large rassemblement du Président. Elle est sans ambiguïté : « Nous de l’ex-ODP avons besoin des voix des militants des autres partis fondateurs du CDP, pas de leurs compétences ». Dans la pratique, en fait, d’éminents cadres ex-ODP ont été mangés à la même sauce que ceux qualifiés par ailleurs « d’ouvriers de la 25e heure ». Un tel comportement ne pouvait qu’accélérer la métastase du mal inné qui rongeait le CDP.

Que faire

Il est tentant de dresser une liste de comportements à bannir, d’attitudes à rectifier, d’injustices à corriger. Il est tentant d’espérer que les instances du parti disséqueront cette liste pour en tirer la quintessence. Mais nous avons en mémoire tant de questions fondamentales pour la vie du parti qui ont été débattues par ces instances, qui ont fait l’objet de recommandations constructives et qui, malheureusement, restent d’actualité. Ainsi en est-il par exemple du rapport de la commission thème du Congrès de 1999.

Nous avons ainsi la conviction que seule une Refondation du Congrès pour la démocratie et le progrès peut permettre de redonner à ce parti le lustre de ses premières années que des dérives comportementales n’ont fait qu’assombrir au fil des ans. Cette refondation sera orchestrée par des représentants des fondateurs du CDP, à des quotas à déterminer, et aura pour canevas de travail le présent mémorandum enrichi de tout éventuel apport de tout membre fondateur. Nous n’avons plus confiance aux majorités mécaniques des instances du parti, où la peur d’exprimer son intime conviction semble être devenue la « vertu » la plus sécurisante.

Ouagadougou, le 03 juin 2008

Ont signé :

Pierre Joseph Tapsoba

Oubkiri Marc Yao

Moussa Boly

Emile René Kaboré

R. Mathieu Ouédraogo

Amadé Taho

L’Observateur Paalga du 9 juin 2008



09/06/2008
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