Le rêve brisé des Burkinabè
DROIT DANS LES YEUX
Le rêve brisé des Burkinabè
"Si chacun doit avoir sa propre parcelle, nos champs de maïs et de riz laisseront place à des habitations…" Parole du ministre Vincent Dabilgou. Et pourtant au Burkina, tout le monde rêve de sa parcelle et travaille à se positionner pour en obtenir une. Tout fonctionnaire au Burkina rêve d’avoir sa concession à Ouaga, car en dehors de Ouaga, il n’y a rien ; tout y est concentré. Et bien rares sont ceux qui ne rêvent pas d’avoir un "pied-à-terre" à Ouaga, ne serait-ce que pour aller y régler ses problèmes, déposer ses dossiers, consulter les services ou obtenir un papier.
Le maire d’une grosse commune rurale me disait qu’il doit résider à Ouaga pour faire avancer les dossiers de sa commune. Et comme à Ouaga aucun dossier n’avance si on ne le pousse pas en dehors de Ouaga, rien n’est possible. Donc chacun y veut sa parcelle. Quand le président du Faso, lors de ses voyages, rencontre la diaspora burkinabè, la première demande qui lui est adressée, c’est : "Aidez- nous à obtenir des parcelles à Ouaga !"
Alors qui le ministre veut-il décevoir ?
Aujourd’hui, nous dit-on, ils sont nombreux, trop nombreux, ceux qui espèrent encore une parcelle à Ouaga. Quand tous les « mauvais » gestionnaires du foncier urbain sont partis ou ont été écartés sans avoir à rendre compte de leur gestion, que restent-ils à ceux qui leur succèdent comme solution? Acculés par la colère des populations qui sont témoins de toutes les irrégularités, ils se mettent soudain à consulter, à informer, à dire que cela ne suffira pas… Pourtant les puissants qui voulaient se servir se sont déjà servis.
Qui le ministre veut-il décevoir ?
Toute personne physique ayant accédé à plus d’une parcelle à Ouagadougou au titre d’une première attribution devrait avoir ses biens saisis et redistribués à ceux qui attendent. Et ceux qui ont fait de la spéculation avec ces multiples « premières attributions » devraient être en prison. Ce sont des voleurs bien plus dangereux pour l’ordre public que les petits voleurs de marché qui sont lynchés et qu’on enterre sans enquête. Ce sont des voleurs et des fossoyeurs du rêve burkinabè. Et ils sont nombreux, ceux-là ! Si le cadastre du foncier urbain avait été bien tenu, bien géré, et disponible à tout citoyen, on n’en serait pas là aujourd’hui. Ils sont nombreux, ceux qui avaient intérêt à la pagaille et à l’opacité.
Qui le ministre veut-il décevoir ?
Et même encore aujourd’hui, dans des zones comme celle de Yagma, de nombreux Burkinabè peu fortunés tentent de se faire attribuer au moins un numéro, même si c’est très loin de la ville. Et dans le même temps, certains "opérateurs économiques", bénéficiant de privilèges exorbitants, y achètent des terrains en grande quantité pour faire des opérations immobilières, des opérations spéculatives, s'enrichissant ainsi sur le dos des pauvres.
Qui le ministre veut-il décevoir ?
On parle de logement "social" pour des constructions dont les seul bénéficiaires sont les travailleurs aux revenus supérieurs à 75 000 F CFA par mois. Si "social" veut dire protection des plus faibles, on est loin du compte ! Ne s’agit il pas plutôt de "logement classes moyennes" ? Le ministre s’offusque que les plus pauvres ne souhaitent pas vraiment être empilés et en location. Ce n’est pourtant pas si difficile à comprendre. Et locataires au profit de qui ? Les pauvres seront encore une fois source de revenus pour les riches. Le ministre accepterait-il cela pour sa famille ?
Qui le ministre-veut-il décevoir ?
Les attributions de parcelles dans la ville de Ouaga en ont fait une ville corrompue et hautement spéculative. Une ville budgétivore qui engloutit l’essentiel des ressources d’investissement du pays et ne laisse aucune chance aux autres villes. La ville de Ouaga a été rendue obligatoire et incontournable pour les services, les administrations, les douanes et les dossiers. Une ville où chacun veut une place. Qui le ministre veut-il décevoir ?
Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou) jacqueslacourbf@yahoo.fr
Le Pays du 9 septembre 2008
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