L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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« Les "gazelles" sénégalaises, vous les préférez en pagne ou en bouteille ?! »

Ouaga-Dakar-Ouaga

« Les "gazelles" sénégalaises, vous les préférez en pagne ou en bouteille ?! »

Il effectue rarement un déplacement à l’extérieur du pays sans nous faire vivre, dans un style particulier, les péripéties de son voyage. Vous l’avez sans doute déjà lu dans les colonnes de votre journal. Anselme Sawadogo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, notre globe-trotter de service, nous revient avec un de ses savoureux carnets de route comme il sait en cococter. Suivons le guide donc dans ses nouvelles pérégrinations.

Ce n’est pas la première fois que je vais dans ce pays, le Sénégal. Mais ma fascination reste toujours intacte… Comment rester insensible à ce climat exceptionnel : du soleil toute l’année avec une température de 20-25°. Comment ne pas adorer ces visages d’homme et surtout de… femmes, souriants, noirs à la limite du bleu-nuit ! Tout est fascination dans ce pays : Dakar, Gorée, les plages, les filles, les politiciens, les taxis, les embouteillages, les cars rapides, la culture, les marchés, la presse, le wolof et j’en oublie.

Dans le cadre de la célébration des 20 ans de présence de la coopération Wallonie-Bruxelles au Sénégal, j’y ai séjourné durant 9 jours, du 28 mai au 06 juin dernier, qui m’ont paru à la fin comme 72 heures. Vous comprendrez pourquoi par la suite. Mercredi 28 mai, 13h : nous arrivons à l’aéroport Léopold- Sédar-Senghor plutôt que prévu ; au lieu de 3h de vol, le MD de la compagnie AB a rallié Dakar en 2h30 ; il semble qu’à l’aller, les vents favorables "poussent" l’avion.

Cette arrivée anticipée, dans l’attente de mes collègues qui devaient venir me chercher, m’a permis de remarquer les astuces et les coups bas de tous ces rabatteurs et quémandeurs, qui sévissent certes dans tous les aéroports, mais à Dakar, c’est du jamais vu.

Donner son argent et se faire insulter

Dès votre sortie du hall, vous êtes assailli par une bande de types, un peu agressifs, qui, soit vous propose un taxi, du change, une puce de téléphone, un hôtel, soit de prendre vos valises et carrément vous demandent des devises. Messieurs, moi, j’arrive de Ouaga ; je ne dispose que de CFA dévalué ! Ils sont tellement enquiquinants et tenaces que cela devient vite très énervant. Il se raconte d’ailleurs qu’un couple espagnol, qui venait à Dakar pour des vacances, a repris le même avion le même jour après avoir été littéralement "agressé" par les rabatteurs de l’aéroport LSS ; il n’en pouvait plus après seulement 30 mn d’attente de leur hôte. Il faut le voir pour croire ; comme des mouches sur du miel, ces jeunes ternissent la réputation de ce beau pays. Et c’est la même chose dans les marchés en ville…

Ce petit jeu de harcèlement commençait à me "taper" sur le système, mais, heureusement, mes collègues arrivèrent juste au moment où je m’apprêtais à jeter un cul-de-jatte de son fauteuil de handicapé. Vous ne crierez pas au scandale si je vous raconte ce qu’il m’a fait. A force de me harceler, je lui ai donné tous les jetons que j’avais dans ma poche (des pièces rouges comme il dit lui-même ; c’est-à-dire quelque chose comme 35 F CFA, composé d’une pièce de 25 et de 10) ; il les regarda avec dédain puis me dit : « C’est tout ce que vous avez ? des pièces rouges… on ne peut rien, faire avec ça ici ! et je sens que vous, vous n’allez pas durer à Dakar avec une pingrerie pareille ! » Quoi ? il venait de m’insulter… et ce n’est pas tout. Il me jeta un regard méchant et proféra une injure en wolof… je n’y comprenais rien, mais à la violence du terme, j’imaginai que c’est dans le genre "fils de p…" ; je failli l’extraire de son pousse-pousse quand je vis mes collègues arriver ; c’est ça qui le sauva… On est où là !! Donner son argent et se faire insulter !!

Après plus de 30 mn de route, nous voilà à l’hôtel Riasto, belle bâtisse coloniale rénovée, en plein centre de Dakar. Entre-temps, sont arrivés de Bruxelles mon ami Souyoun, acteur sénégalais de théâtre, et son producteur Felipe, venus présenter la pièce « Discours sur le colonialisme » d’Aimé Césaire dans le cadre des 20 ans. Nous décidons de prendre une première température dakaroise en compagnie de Souyoun, qui, même après 14 ans "d’exil", connaît la ville comme son texte. 1re escale : le CCF (appelé là-bas, l’Institut français Léopold- Sédar-Senghor) ; nous avons pris place à la cafet’, un grand hall muni de tables et de chaises toilées, sur lesquelles on a inscrit les noms de célèbres hommes de culture : Sembène Ousmane, Djibril Diop Mambety, Mansour Soura Wade, Ousmane Sow,…

C’est là qu’une scène cocasse nous fit rire à nous fendre les lèvres : une vieille femme, dans le style indien, arriva et nous dit qu’elle voulait s’asseoir mais ayant regardé sur toutes les chaises, elle n’avait pas trouvé son nom ; elle se demandait ce qu’il fallait faire… Véridique !! Après avoir ingurgité une bonne "gazelle" (la bière locale sénégalaise s’appelle ainsi ; vous comprenez mieux mon titre, n’est-ce pas ?), nous fûmes récupérés par Tairlo, un vieil ami sénégalais du show-biz, qui nous amena directement dans le jazz-club le plus au top de la ville, le « Just4You ». Là, un ancien du Xalam (1), le guitariste Souleymane Faye, distillait des notes savoureuses à vous faire oublier l’insulte d’un cul-de-jatte !! Nous y sommes restés jusqu’autour de 2h du matin ; fallait quand même dormir un peu, puisque les journées suivantes allaient être épuisantes.

Tous les gourous de la scène africaine sont passés par là

Jeudi 29 mai, 9h : je me rends au bureau pour m’enquérir des tâches et des obligations professionnelles, car la cérémonie d’ouverture de la célébration a lieu ce soir au théâtre Daniel-Sorano ; nous nous y rendons pour les derniers réglages et je découvre un véritable joyau. Ce théâtre, construit en 1962 par le président Senghor, fait la fierté des Sénégalais ; d’une capacité de 1200 places, à l’architecture audacieuse (la salle est incrustée presque dans le sous-sol d’un bâtiment), ce temple du théâtre a vu passer tous les gourous de la scène africaine. J’échangeais avec le régisseur, qui est là depuis 1962 et qui connaît mieux que quiconque l’histoire du Sorano.

Monsieur Coulibaly m’expliqua, par exemple, que le système anti-incendie de la salle est unique et sans faille : sur la scène et au milieu de la salle, ont été installées 2 boules de neige de plusieurs M3 d’eau. En cas d’incendie, ces 2 bonbonnes libèrent leur contenu, qui réduit le feu à néant en quelques minutes. Génial ! Après quelques vérifications des installations prévues pour la projection des films de l’ouverture, nous sommes repartis dans l’attente de 20h. La cérémonie fut sobre mais belle ; le tout-culture dakarois était là et je fis de belles rencontres.

Toutes les rues sont des mosquées

Vendredi 30 mai, 12h : mon ami Awadi, que j’avais appelé entre-temps, décide de passer me chercher pour le déjeuner. On est vendredi, jour de prière ! Toutes les rues de Dakar deviennent des mosquées ; tout le monde est habillé de son plus beau boubou et égrène son plus gros chapelet. Les embouteillages au centre de Dakar sont monstres ; nous avons mis presque une heure pour parcourir la distance de l’hôtel au domicile de Didier, longue d’à peine 5 km. Un bon tchiep-diène chaud nous attendait et nous fit oublier le "voyage". Après le repas, Didier me dit écouter son dernier album, en préparation ; de beaux textes revendicateurs, comme à son habitude, ponctués de discours de Sankara ; encore une "bombe" musicale !

23h. Mon ami burkinabé Li Diallo (on a voyagé ensemble) m’appelle et me propose une sortie en boîte ; direction « le Voyageur », discothèque immense aux jeux de lumière scintillantes à vous percer les pupilles. C’est la boîte des jeunes étudiants branchés ; la musique y est faite de hip-hop et de R&B ; on se croirait à Las Vegas… mais l’ambiance est bonne. Si ce n’est pas du hip-hop, c’est le dernier tube mbalax qui fait virevolter toutes les "gazelles", et heureusement que la lumière est saccadée, sinon, elles sont tellement déchaînées que vous verriez ce que vous ne voulez pas voir (quoique !!).

Au large de Dakar

Samedi 30 mai, 14h : c’est samedi et le Tout-Dakar a une destination : l’ile de Gorée, pour y passer un après-midi paisible, les pieds dans l’eau. Nous ne dérogeons pas à la règle, les Sahéliens, Li et moi… Gorée est à la fois une île de l’océan atlantique Nord, située dans la baie de Dakar et l’une des 19 communes d’arrondissement de la capitale. C’est là que se trouve la fameuse « Maison des esclaves », classée patrimoine de l’humanité par l’UNESCO, avec sa tristement célèbre « porte du non-retour », dont la visite vous donne toujours des frissons.

Elle compte un millier d’habitants, répartis sur 18 ha. Mais, le week-end, elle accueille presque le double de sa population. On y accède en empruntant une chaloupe, le « Coumba Castel », à l’embarcadère de Dakar pour une somme de 2 500 F CFA pour les étrangers africains, et la traversée, pittoresque, dure une quinzaine de mn.

Nous y sommes arrivés vers 15h et avons été tout de suite happés par la multitude de guides, de rabatteurs pour le compte des restos et des vendeurs à la sauvette. Les uns vantant les qualités des mets du resto « le keur-quelque-chose », qui fait le meilleur "thiof" (2) de toute l’Afrique de l’Ouest, les autres tentant de vous fourguer des lunettes de soleil "Pierre Cardin", achetées directement aux galeries Lafayette à Paris ; en réalité, une médiocre copie fabriquée dans un sous-sol à Hong-Kong. Nous avons fuit ces gêneurs afin de nous trouver une place de l’autre côté de la plage, et où, là encore, des jeunes proposent de vous louer une natte à 1 000 F CFA avec un parasol à 1 000 F CFA.

Nous étions à l’ombre du musée (donc pas de soleil), mais le gars tenait à nous extorquer 2 000 F CFA pour sa natte et son parasol ; nous lui avons dit d’enlever son parasol, qui ne servait à rien, et nous lui avons donné 1 000 F CFA pour la natte. Il grognait, disant que nous l’avons arnaqué… Sacrés Sénégalais ! Nous sommes repartis de Gorée vers 19h dans une chaloupe pleine à craquer (tout le monde tenait à rentrer) et il a fallu se battre pour avoir une place, quitte à essuyer quelques amabilités en wolof.

Avec Youssouf N’Dour chez les officiers de marine

22h : on est samedi et nous tenons à voir le "Kwamé N’krumah" de Dakar, car on nous avait parlé de la Corniche, où se trouvent toutes les discothèques huppées de la ville. Dans toutes les rues, l’ambiance est torride ; c’est normal, les Lions du Sénégal venaient de battre l’Algérie en éliminatoires de la CAN et du Mondial 2010. Mon ami Souyoun m’amena pour commencer, au Casino du Cap-Vert ; un complexe discothèque-piano-bar-salle de jeux. Dans le piano-bar, un orchestre jouait de la salsa et des couples mixtes se déhanchaient à se fouler les pieds.

Un tour dans la boîte au sous-sol, mais elle est pleine comme un œuf… Nous décidons d’aller au Duplex, une autre discothèque, non loin de là… Même ambiance… le comptoir est envahi par une horde de péripatéticiennes maquillées comme pour un carnaval, avec de faux cils longs comme les moustaches d’un lion. Il est 2h du matin ; bon… allons dormir !

Le taxi me dépose vers 2h30 et au moment où je m’apprête à entrer dans l’hôtel, j’entends de la musique, vous savez de qui ? de Youssou N’Dour, la star sénégalaise du mbalax, et c’est en live. Je tends l’oreille et me rends compte que cela se passe non loin. Je n’ai pas pu résister à suivre les décibels jusqu’au mess des Officiers de marine, à moins de 500 m. Le soldat qui montait la garde me confirme que c’est bien You qui joue et que ce n’est pas une soirée privée, contrairement à ce que je pensais.

Je payai mon droit d’entrée et me voilà à l’intérieur du mess, You sur scène avec une sono impec et plus de 800 personnes qui dansaient… Extraordinaire ! Le mess avait été transformé en dancing géant avec des jeux de lumière qui tournoyaient… Je me mis à danser mon mbalax burkinabé, "frelaté", mais personne ne s’en foutait, car l’ambiance était telle que personne ne regardait personne. C’est à 5h que tout s’arrêta… je venais de passer une excellente soirée.

Des gris-gris pour aller en Europe clandestinement

Le dimanche fut une journée tranquille… j’en profitai quand même pour faire quelque courses au marché Sandaga et au marché HLM. Vous trouvez tout ce que vous voulez à Sandaga, où les rabatteurs règnent en maîtres et vont jusqu’à vous proposer des trucs complètement débiles, comme des gris-gris pour traverser la mer vers l’Europe sans se faire prendre, des boubous que seul le Président porte, des moteur de bateau, de voiture, des hélices d’avion, des chapelets fabriqués lors du pèlerinage à la Mecque et bénis par le grand Imam de la grande mosquée de Médine, donc sacrés… Un ami m’a d’ailleurs raconté, pour rire, qu’un jour on lui a proposé le moteur de la fusée Ariane à Sandaga !

Le marché HLM est la caverne d’Ali Baba des femmes. Là, vous trouvez boubous, chaussures, foulards, tissus colorés, bijoux, produits de beauté, sacs à main, à des prix défiant toute concurrence et, bien entendu, ces attributs qui font la spécificité des Sénégalaises, les attrape-messieurs. Tenez-vous bien, toute une aile du marché est dédiée au commerce de ces bines-bines (perles de reins), petits-pagnes, poudres enivrantes et envoûtantes.

Des bines-bines pour garder son homme à la maison

Tenues par des vieilles, ces échoppes ne désemplissent pas et vous en avez pour tous les goûts, toutes les couleurs et toutes les formes. On y trouve des bines-bines appelées "lumières", qui scintillent dans le noir, et d’autres, dits "travaillés", qui retiennent les maris à la maison ; ainsi que de petits pagnes tellement suggestifs, composés d’un bout de tissu, d’un soutien-gorge et d’un string, le tout assorti, avec des trous comme un grillage.

On vous proposera aussi des poudres à répandre sur le lit, à l’odeur tellement forte qu’un homme ne peut que devenir fou ! Tous les marchandages se font dans un langage dénué de toute pudeur, de sorte que vous ne pouvez qu’avoir peur de ces Sénégalaises. Je suis ressorti du marché HLM complètement groggy. Puis le temps passa vite, très vite… entre le travail, les dîners et les rendez-vous. J’eus quand même le temps de suivre l’actualité du moment, qui portait sur la tenue des Assises nationales, sorte de Conférence nationale des forces vives du pays, qui devaient réfléchir sur l’avenir du Sénégal.

La complexite de la politique sénégalaise

Qu’est-ce qui n’a pas été dit sur ces Assises ? J’eus, en l’espace de 72h, l’occasion de vivre la politique sénégalaise dans tout ce qu’elle comporte comme complexité. Dans sa déclaration menaçante, le truculent porte-parole du PDS, de Wade, traita tous les participants aux Assises d’aigris et de putschistes, allant même jusqu’à traiter le respectable Amadou Moctar Mbow, ancien directeur de l’UNESCO et président desdites Assises, de "has-been", de quelqu’un qui n’a rien fait pour le Sénégal et qui est loin des réalités du pays… Il alla même jusqu’à dire que tous ceux qui iraient aux Assises n’ont qu’à savoir qu’ils ont choisi leur camp (celui des ennemis du pouvoir, bien entendu) et qu’ils les trouveraient sur leur chemin.

Ces menaces firent effet, car des associations de la société civile et quelques partis politiques firent marche-arrière. L’autre camp aussi traitait les gens du pouvoir de tous les noms d’oiseaux et l’empoignade verbale était à son comble. Toutes ces joutes se passaient presque en direct sur la dizaine de radio FM dakaroises, sur les chaînes TV (surtout la RTS (3)) et étaient abondamment reprises par la presse écrite. Le lendemain de l’ouverture des Assises, où Amadou Moctar Mbow fit un discours historique, des gens se rendirent chez lui et lui coupèrent l’électricité. Incroyable ! On savait les partisans de Wade hermétiques à la discussion, mais pas au point d’atteindre cette extrémité ; de jeunes partisans de Mbow organisèrent la "résistance", firent rétablir l’électricité et sécurisèrent le quartier de l’intellectuel.

Chaque jour avait son nouveau développement de "l’affaire" et la presse s’en régalait à coups de micro-trottoir (fallait écouter ces vieux Sénégalais, dans un wolof académique, traiter les politiciens de voleurs, d’assassins, d’affameurs du peuple,…), de sondages (pour ou contre Wade) et d’émissions d’expression directe. Ça "canardait" dans tous les sens et pas à la kalach ou au revolver, mais carrément au char d’assaut ; tout cela, verbalement, s’entend. C’est le Sénégal !

La GOANA de Gorgui

Ce forum tient encore en haleine tout le pays. Cet intermède politique me fit découvrir quelques grands chantiers de Gorgui (4), que ces partisans brandissaient pour étayer leur thèse de la bonne gestion du pouvoir par leur leader. C’est ainsi que j’entendis plusieurs fois parler de GOANA. Au départ, j’ai cru que c’était une expression en wolof, trouvaille du vieil avocat, passé maître dans l’art des formules-chocs. Je découvris par la suite que GOANA, qui signifie « Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance » (sacré Wade !), est l’ambitieux et audacieux programme du président sénégalais qui vise des objectifs de production à moyen terme de 3 millions de tonnes de maïs, de 2 millions de tonnes de manioc et de 0,5 million de tonnes de riz.

D’un coût global évalué à environ 360 milliards de F CFA et sur un horizon de 3 à 5 ans, il s’agira de : « développer, dans le cadre des politiques nationales, des stratégies innovantes et ambitieuses de développement agricole devant permettre des réponses structurelles durables avec comme objectifs à moyen et long terme l’autosuffisance et la sécurité alimentaire ». On peut reprocher tout ce qu’on veut au président sénégalais, sauf d’avoir de la suite dans les idées. Cette GOANA fait l’objet de publicité tapageuse sous forme de panneaux géants dans les rues dakaroises. Pourvu qu’on y arrive en ces périodes de "vie chère" et de crise alimentaire mondiale.

Mais c’est sans compter avec les répliques cinglantes des contempteurs du "vieux" sous forme de boutade du genre (je l’ai lu dans un journal) « qu’il s’agisse de "goana", de "goani" ou de "goané", le plus important, c’est de se soucier des paysans, qui ne savent pas ce que veut dire fin du mois et qui n’ont que f… des sigles ronflants ».

Dakar, une affiche géante

Parlant de publicité, il faut souligner que Dakar est devenu une affiche publicitaire géante. Partout, des panneaux immenses, pas comme nos 12- m d’ici, minuscules, mais des énormes (presque 60 m), vantant tout et n’importe quoi (cigarettes, voitures, banques, immobiliers, pâtes alimentaires, riz, téléphones, politiciens …) Tous les supports sont utilisés ; même les bus sont peints aux couleurs de marques. Parlant de bus, je ne saurai passer sous silence ces fameux cars rapides, appelés aussi « cercueils roulants », véritables âmes de la ville.

ll y en a de deux sortes : les premiers sont de vieux Saviem des années 80 (l’ancêtre de Renault), appelé aussi Super Goélette, dans un état lamentable, d’une trentaine de places, de couleur jaune et bleu avec des dessins bizarroïdes et des phrases peintes sur toute la carrosserie, du style "s’en fou la mort", "jeune-bon chauffeur", "chauffeur-sans-accidents-depuis 40 ans", "monter-arriver vite-vite", toujours dans un français approximatif mais plein d’humour. Ceux-ci font les trajets urbains.

Les seconds, appelés « Ndiaga Ndiaye », de couleur blanche, du nom du plus grand transporteur du Sénégal (la famille d’El Hadj Ndiaga Ndiaye est aujourd’hui celle qui possède le plus de cars rapides), sont utilisés pour les trajets en ville ainsi que pour les voyages à l’intérieur du pays. On parle de débarrasser Dakar de ces guimbardes sans âge, mais, de grâce, mettez-les au musée.

A côté de ces "ferrailles ambulantes", on en trouve de plus récents, appelés « Dakar Dem Dikk » ou « Dakar Aller et Venir, en français, ou encore DDD pour les branchés » ; ceux-ci sont presque neufs, mais moins pittoresques pour un étranger, je l’avoue. Si vous allez à Dakar, essayez les cars rapides… ça vaut vraiment le coup ! Ou alors, empruntez un taxi en croisant les doigts pour que le conducteur parle français, sinon il vous sortira un wolof si rébarbatif que vous risquez de descendre au prochain embouteillage, de peur qu’il ne vous conduise à Gueule-Tapée pendant que vous voulez vous rendre à Dieuppeul-Derklé ou à Mermoz-Sacré-Cœur (5). C’est vrai, beaucoup de taximen dakarois ne parlent pas français ! Etonnant, n’est-ce-pas ?

Revenons à notre séjour, qui tirait vers la fin en ce jeudi 05 juin, jour du grand gala de clôture des manifestations commémoratives des 20 ans de la coopération Wallonie-Bruxelles/Sénégal. Au programme : une soirée de musique à la mode, excellemment goupillée par mes collègues. Un volet de notre coopération a concerné la formation de stylistes à l’Institut national des arts de Dakar ; ceux-ci présentaient un défilé de mode, fruit de plusieurs années de formation, suivi d’un concert, ‘’rencontre musicale’’ entre un guitariste belge, l’excellent Dom. Jonckère, et le crooner sénégalais, le remuant Abdou Guité Seck. Ce jeudi là, dès 19h30, le grand hall du Sorano grouillait déjà de monde : le gotha de la culture sénégalaise (acteurs, musiciens, directeurs de centres culturels, étudiants en arts), des officiels, des diplomates ainsi qu’une foule de fans du musicien sénégalais.

Entre deux belles et grandes "gazelles"

Laissez-moi vous dire que le défilé avait déjà commencé : d’élégantes sénégalaises, drapées dans leurs plus beaux boubous, déambulaient… Certaines portaient des semblants de tocs aux couleurs vives, sous forme de foulards et tellement hauts et larges qu’on avait l’impression qu’elles portaient des toits de chaume. Le début du gala mit fin à ce défilé informel et place fut faite aux artistes. Les étudiants en stylisme firent sensation avec des collections inédites et le concert fit danser toute la salle.

La soirée se termina très tard du côté de « Just4you » entre 2 belles et grandes "gazelles" (la bière locale ! mauvaises langues, vous pensiez à quoi ??!!) J’étais déjà à la fin de mon séjour dakarois et j’avais l’impression, comme je l’ai dit au début de ce récit, de n’être resté que quelques heures dans cette métropole. Une métropole moderne, avec des échangeurs partout (les pétrodollars du Sommet de l’OCI sont passés par là !), des embouteillages monstres dans ces rues sans un seul feu rouge, mais où il n’y a jamais d’accidents (durant mon séjour, je n’en ai pas vu un seul, étonnant !).

Une métropole où le wolof est roi et parlé partout : au lycée, au marché, à l’Assemblée nationale, dans les bureaux, en Conseil des ministres, à la télé (vous regardez une émission de débat en français, et, tout à coup, un des intervenants mélange son excellent français à un wolof tellement "métallique" que vous ne pouvez que zapper). Ah ! Le Sénégal !! Vous comprenez maintenant pourquoi ce pays est fascinant. Et si à la fin de ce récit, vous êtes arrivés à répondre à la question du titre, je vous prends dans mes valises lors de mon prochain voyage à Dakar. Wal-Lééhi deugg-la !! Les paris sont ouverts…

A.  Sawadogo (sawadogo.a@apefe.bf)

L’Observateur Paalga du 27 juin 2008

 

Note : (1) Xalam : célèbre groupe musical sénégalais

(2) Thiof : bon poisson très cher, le meilleur pour faire le tchiep

(3) RTS : Radio télévision sénégalaise, la chaîne nationale, ironiquement surnommée par les téléspectateurs « Rien tous les soirs »

(4) Gorgui : vieux en wolof ; nom donné au Président Wade par ses compatriotes

(5) Gueule-Tapée, Dieuppeul-Derklé et Mermoz-Sacré-Cœur : quartiers de Dakar



27/06/2008
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