L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Les nuits blanches des 6 000 sinistrés d'inondations à Bama

Inondations à Bama

Les nuits blanches des 6 000 sinistrés

Les victimes directes de l’inondation survenue la nuit du 28 au 29 juillet derniers à Bama, dans la province du Houet, sont aujourd’hui estimées à plus de 6 000. Ces hommes, femmes, enfants et vieillards qui ont tout, ou presque tout, perdu dans les eaux, ont été « repêchés » et provisoirement casés dans 8 sites d’hébergement provisoires. Soit une moyenne de plus de 700 personnes par centre d’hébergement qui subissent au quotidien les supplices du froid, des moustiques et autres intempéries, avec à l’horizon aucun espoir de lendemains meilleurs.

La ville de Bama, qui abrite la fabuleuse vallée du Kou, est à moins d’une demi-heure de Bobo Dioulasso, sur la route menant au Mali. Les populations de cette localité n’oublieront pas de sitôt la saison hivernale en cours. Et pour cause, le "tsunami" de la nuit du samedi 28 au dimanche 29 juillet derniers survenu dans le vieux quartier Bama, suite à une pluie diluvienne, a causé l’effondrement d’au moins 400 maisons d’habitation, faisant du coup plus de 2 500 sans-abri, selon les résultats du premier recensement d’urgence effectué par les services de l’Action sociale du Houet. Mais l’hécatombe des maisons d’habitation faites en matériaux précaires s’est poursuivie à Bama, au fil des averses, si bien que le nombre de sans-abri a été plus que doublé au début de ce mois de septembre. Le maire de cette commune rurale précise qu’elles sont à ce jour plus de 6 000, les victimes de déluges à avoir été provisoirement recasées par le Comité départemental de secours d’urgence et de réhabilitation (CODESUR). A cela il faut ajouter les dizaines de familles qui se sont vu obligées de trouver refuge dans leurs cases de champ, avec tout ce que cela représente comme inconfort et insécurité. A l’intérieure de la ville, seulement 8 sites d’hébergement accueillent ces milliers d’infortunés du vieux quartier des autochtones. Chacun de ces sites d’hébergement provisoire, dont la plupart sont des locaux appartenant aux coopératives rizicoles de la vallée du Kou, accueille entre 600 et 700 personnes qui, la nuit venue, ont le sommeil troublé du fait de l’exiguïté des dortoirs, du froid, des moustiques et autres nuisances et intempéries.

Du tô sans sauce

Fort heureusement, la solidarité locale, nationale puis internationale s’est vite invitée chez les sinistrés de Bama. Depuis le 29 juillet dernier, des structures associatives, des ONG, des organisations humanitaires ou religieuses, et même des formations politiques ont défilé à Bama pour y faire don, qui de vivres, qui d’argent, qui de médicaments de première nécessité, qui pour offrir son soutien moral aux « sans-abri » et « sans-nourriture » dont le nombre ne cesse de croître. Le préfet du département, Alain Galboni, qui préside le CODESUR, explique que les vivres et autres produits de première nécessité ainsi reçus sont quotidiennement servis à chacun des 8 centres d’hébergement pour les repas communautaires. Mais il s’est vite posé un crucial problème d’argent liquide pour l’achat des condiments, nous a confié Moussa Sanou, président du comité de gestion des stocks. « Au départ, explique-t-il, nous donnions 10 000 F CFA par jour et par centre pour la popote. Et lorsque nous nous sommes rendu compte que le fonds disponible (ndlr : 1 171 000 F CFA à la date du 31 août) finirait très vite, nous avons réduit cette dotation journalière à 5 000 F CFA, puis à 3 000 F CFA. C’était très insuffisant mais beaucoup mieux que maintenant, puisque les céréales sont désormais servies sans être accompagnées du moindre copeck compte tenu du fait que nos économies sont aujourd’hui épuisées. » Du coup, la qualité des repas communautaires quotidiennement servis aux « internes » des centres communautaires s’est très vite dégradée. Du riz sauce, ou tô sauce, on est passé au riz ou tô sans sauce. Parce qu’il n’y plus d’argent, la sauce est devenue un luxe dont on peut se passer dans les centres d’hébergement.

Et ce n’est pas non plus la joie, la nuit venue, pour ces centaines de personnes qui sont obligées de s’entrelacer dans des salles exiguës pour y négocier le sommeil. Des nattes et des moustiquaires ont, certes, été offertes par de « bonnes volontés », mais ils sont encore des centaines à se coucher à même le sol ou sur des tables pour ceux qui « habitent » dans des salles de classe ou au siège de l’Union départementale des producteurs de coton.

L’éternel assistanat

Pour l’heure, les sinistrés de Bama vivent exclusivement aux dépens de l’aide extérieure et sans aucun espoir de pouvoir s’autosuffir dans un avenir proche. Pourtant, l’assistance fournie par le comité de secours n’est pas éternelle, a prévenu le maire Siaka Sanou, qui a précisé que l’action du CODESUR devrait durer seulement 4 mois. 4 mois au terme desquels les relogés devraient pouvoir « se débrouiller tout seuls». Et même pour atteindre cette échéance, il y a encore de gros efforts à fournir. Car jusqu’au début du mois de septembre 2007, le bilan de l’aide extérieure, tel qu’il nous a été présenté par le maire, faisait état de 30 tonnes de maïs, 20 tonnes de riz, 5 tonnes de mil et sorgho, 200 cartons de savon, 500 couvertures, 3 tentes, 325 moustiquaires, 1 million 800 mille francs CFA de produits pharmaceutiques et 1 million 171 mille francs CFA en espèces numéraires. Pourtant, les besoins estimatifs pour couvrir les 4 mois sont, selon le comité de crise, de l'ordre de 1 500 tonnes de céréales ( contre 55 tonnes reçues) ; 4 millions 800 mille francs CFA de frais de condiments (contre 1 million 171 mille francs reçus), 6 000 couvertures et 6 000 moustiquaires (contre 500 couvertures et 325 moustiquaires reçues). A cela viennent s’ajouter des besoins en produits pharmaceutiques qui pourraient s’accentuer avec d’éventuelles épidémies redoutées. Et pour colmater cette brèche, les sinistrés de Bama ne comptent que sur l’aide extérieure, dernièrement devenue aléatoire du fait qu’elle s’oriente de plus en plus vers d’autres localités où le trop-plein d’eau tombée du ciel a également fait des dégâts matériels.

Pas de maison, pas de nourriture, pas de champs, etc.

Le calvaire des nuits blanches et des repas de qualité médiocre que vivent les 6 000 éprouvés de Bama se trouve malheureusement doublé par l’idée d’un avenir très sombre. Aucun espoir d'issue heureuse à cette situation ne se profile à l’horizon. Aujourd’hui, les plus malheureux de la commune sont les membres des familles qui, après le « raz-de-marée » du dimanche noir, sont désormais sans maison, sans nourriture, sans champ. Avec la rentrée des classes qui s’annonce déjà, certains seront priés de quitter les salles de classe, transformées pour la circonstance en dortoirs, et d’autres, très démunis, devront faire face aux dépenses liées à la scolarisation des enfants.

Chez les Bamalais, qui se sont soudainement retrouvés par centaines dans des locaux exigüs, l’heure n’est pas à la mise en œuvre d’un quelconque plan de réhabilitation. Il est d’abord question d’assurer sa survie quotidienne et celle de sa famille. Ni le préfet, ni le maire, ni même les membres du comité de crise ne savent de quoi demain sera fait. Où trouver l’argent pour se nourrir et reconstruire les maisons emportées par les flots ? On s’en remet au bon Dieu. Le maire de Bama qui pense déjà à un lotissement expéditif sur une zone plus élevée s’inquiète que certains anciens du vieux quartier presqu'entièrement disparu sous les eaux s’entêtent à s’y réinstaller pour des raisons coutumières. Ils ne voudront par exemple, pas, s’éloigner de leurs fétiches qui s'y trouvent. C’est pourquoi dans le chapitre des solutions, le maire Sanou n’a pas écarté l’option de la construction d’un système de canalisation sur le site aujourd’hui inondé afin d’éviter, à l’avenir, la stagnation des eaux de ruissellement.

La culture de contre-saison comme solution

C’est une chance inouïe que cette région de la vallée du Kou soit propice aux cultures de contre-saison, à la faveur de la présence permanente d’eau. Le maire pense alors qu’il serait judicieux de trouver les voix et moyens (équipement en motopompes) pour aider les populations démunies à pratiquer la culture de contre-saison qui pourrait contribuer à réduire le déficit céréalier qui fera inexorablement suite à l’effondrement des greniers et à la perte des « 900 hectares » de champs submergés par les eaux de pluie. Siaka Sanou propose également la réhabilitation rapide du petit cheptel qui pourrait aider à joindre les deux bouts. En attendant, le ciel continue de s’assombrir à Bama, l’avenir aussi. Des maisons menacent toujours de s’effondrer sous le regard impuissant de ces riverains de la vallée du Kou qui, après les pluies, auront la rude tâche de reconstruire leurs économies à partir de rien.

Par Paul-Miki ROAMBA

Le Pays du 13 septembre 2007



12/09/2007
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