Les « restos du cœur » à la sauce ANEB (Fermeture de l’UO)
Fermeture de l’UO
Les « restos du cœur » à la sauce ANEB
On connaissait les « restos du cœur », qui sauvent encore des milliers de déshérités 22 ans après la mort de Coluche ou les « soupes populaires » de l’Armée du salut. On découvre aujourd’hui les « repas communautaires » de l’ANEB, l’Association nationale des étudiants burkinabè. Avec la suspension des prestations du Centre national des œuvres universitaires (CENOU), suite à la fermeture des universités de Ouagadougou, les membres de ce syndicat estudiantin ont, en effet, développé des initiatives pour voler au secours de leurs camarades en difficulté.
Thomas Kambiré est étudiant à l’Université de Ouagadougou. Débarqué de la Côte d’Ivoire, il loge avec quelques-uns de ses amis dans une cour commune au secteur 28, précisément dans la Zone I. Ce lundi, 21 juillet 2008, il a été l’une des premières personnes à arriver, sur son vélo, son plat dans un sachet noir, au siège de l’Organisation démocratique des jeunes (ODJ), à proximité du lycée Badenya, à l’est de la capitale.
La veille, il y était également, et l’unique repas que lui offre gracieusement l’ANEB constitue sa pitance quotidienne. « Malheureusement, je n’ai droit qu’à un seul plat par jour. J’en mange la moitié à midi et je réserve le reste pour pouvoir me nourrir le soir ».
L’idée du nombre d’étudiants vivant la même situation que Thomas (des centaines) donne froid au dos. Vers 11 heures, ils sont plusieurs à faire le guet devant la porte, à coté de leur bicyclette, attendant que le repas soit prêt. A l’intérieur du siège de cette association, qui est loin de ressembler à un restaurant universitaire (RU), deux marmites sont au feu.
Aline Ouédraogo, étudiante en droit et membre de la cellule féminine de l’ANEB, est la responsable de ce site, où le menu du jour est composé de riz blanc accompagné d’une sauce aux légumes, préparée avec du poisson fumé. Une seconde surveille la cuisson et la troisième s’affaire à rendre la terrasse propre.
De temps à autre, les cuisinières soulèvent les couvercles pour voir l’état de la cuisson, laissant échapper un fumet qui vient caresser nos narines et aiguiser, sans doute, l’appétit des uns et des autres. Quelques minutes plus tard, le service commence. Le repas est vidé dans de grosses cuvettes posées à même le sol. Les candidats à la bouffe s’approchent, donnent leur nom et se font servir, après vérification de leur identité sur une liste.
Il y a la possibilité de « majorer » (1), mais à la différence du RU, il n’y a ni pain ni dessert encore moins de boisson. Issa Delma compare : « Nous n’avons pas à nous en plaindre parce que les circonstances ne sont pas pareilles. C’est vrai qu’au RU nous payons 100 francs CFA pour un plat qui coûte en réalité 600.
Ici, par contre, nous ne payons absolument rien et même si ce n’est pas la bonne chère, l’hygiène au moins y est ». Reconnaissant, il n’a pas manqué de saluer l’initiative de l’ANEB : « C’est une brillante initiative. Elle contribue à soulager un tant soit peu les étudiants en cette période de vie chère. En prenant mon déjeuner ici, je peux me débrouiller pour ce qui est du dîner ».
Du riz qui n’est gras que de nom
A Zogona, où se trouve une forte concentration d’étudiants, compte tenu de la proximité avec le campus, se trouve une vaste cour presque entièrement habitée par des étudiants et qui tient lieu aussi de cantine de circonstance. Aux environs de 11h00, à l’entrée, quatre jeunes filles lavent du riz dans une grande bassine. Plus loin, deux autres apprêtent les condiments pour le repas du jour.
En évidence, deux marmites bien posées sur des foyers à gaz attendent les ingrédients. La dynamique Bertille Coulibaly, trésorière et vice-présidente chargée de la mobilisation féminine de l’ANEB Ouaga, coordonne la cuisine en ce lieu, où un peu moins d’une centaine de personnes se sont inscrites pour bénéficier du déjeuner. Toutes les autres filles, qui l’aident, sont également membres de la cellule féminine de ce syndicat estudiantin. Sur la carte, du riz au gras.
Mais contrairement au site de l’ODJ, où du poisson fumé a été ajouté dans la sauce, le repas y est préparé sans poisson ni viande. Strict minimum donc. Les initiateurs ont plutôt misé ici sur des assaisonnements de première nécessité. Mais qui pourvoit au nassongo (2) dans tout ça ?
Mystère et boule de gomme. Mlle Bertille s’en explique : « Je ne saurai vous le dire. Les grosses provisions telles le riz, l’huile ou la tomate concentrée nous ont été remises par les premiers responsables de l’ANEB ; les autres condiments ont été achetés en gros et distribués aux différents endroits en fonction du nombre de plats à préparer ».
Quand nous quittions cet endroit vers 12 heures, le repas tant attendu par les convives n’était pas encore cuit et, comme pour tout gâter, une grosse pluie est survenue, rendant l’entreprise encore plus périlleuse. Mais, au fait, comment l’ANEB, qui ne doit pas rouler sur l’or, finance-t-elle cette œuvre caritative ?
Moumouni Derra, son président, développe la stratégie employée : « 25 équipes de collecte de fonds sont déployées à travers la ville. Elles sensibilisent les potentielles bonnes volontés à la situation que vivent les étudiants. Certaines institutions réclament des correspondances officielles avant de mettre la main à la poche. Il y en a qui nous contactent volontairement pour remettre leur contribution ».
Alima Koanda (stagiaire)
L’Observateur Paalga du 25 juillet 2008
Notes :
(1) Formule utilisée par les étudiants pour demander d’augmenter la quantité de nourriture qui leur est servie.
(2) Somme remise quotidiennement par le chef de ménage pour les besoins de la cuisine.
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