Manifestation de militaires : «Nous allons sortir et la bamboula va prendre fin»
Manifestation de militaires
«Nous allons sortir et la bamboula va prendre fin»
Des militaires en activité et à la retraite, pour la plupart des sous-officiers et hommes du rang, ont manifesté hier dimanche 7 octobre 2007 devant la Maison du combattant pour revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail. Ils promettent de sortir bientôt s'ils ne sont pas satisfaits et alors la bamboula sera terminée pour ceux qui les martyrisent.
L’annonce a paru dans "Une lettre pour Laye" de notre édition du vendredi 5 au dimanche 7 octobre 2007. Passek Taalé prévenait son cousin Wambi en ces termes : «Le fil du dialogue semble donc rompu, cher cousin, et les troufions projetteraient de se retrouver le dimanche 7 octobre 2007 à la Maison du combattant pour décider de la suite des événements. A l’heure où je t’écris, je ne sais pas si cette réunion des bérets rouges aura effectivement lieu ou si la velléité a été interdite ou tuée dans l’œuf, mais certains se faisaient déjà et de nouveau menaçants». Le cousin de Wambi à Ouagadougou avait eu le bon flair : la rencontre a effectivement eu lieu et les participants étaient bien nerveux. Dès 7 heures, des militaires arrivaient déjà à la devanture de la Maison du combattant, sise au quartier administratif de Koulouba, à quelques encablures de la Présidence. Avant le début de la rencontre, il y a eu un petit couac : le lieu qui devait servir de cadre à la réunion aurait été réquisitionnée par la gendarmerie pour une rencontre de veuves et d'orphelins. «Si on dit que la réunion ne va pas se tenir ici, ça va chauffer», a menacé un participant. La tension était donc perceptible du côté de ces hommes de tenue, qui, précisons-le, sont tout de même sortis habillés en civil. «Même si nous allons tenir la rencontre debout sur la voie, elle se tiendra ici», diront-ils à l’unisson en tempêtant. «Trouvez des gens qui vont barrer les issues. Mais dans le calme», intima un des principaux meneurs. Les participants, qui étaient plus d’une centaine, ont tenu la rencontre debout sur la voie. A les écouter, ils en sont arrivés à cette situation suite à l’échec des négociations, avec ampliation du procès- verbal au ministre de la Défense, au ministre de l’Administration territoriale, à Sa Majesté le Mogho Naaba, au Médiateur du Faso, au président de l’Assemblée nationale et au chef de l’Etat. Avant le début de leur rencontre, qui intriguait le passant de par l’endroit où elle se tenait et la posture des différents auditeurs, une déclaration improvisée a été servie aux quelques organes de presse présents. Des propos d’une grande fermeté et d’une rare violence et qui disaient en substance : «Préparez-vous ! Nous allons sortir».
La déclaration prononcée par le sergent Clément Ouédraogo
Plusieurs raisons expliquent notre mécontentement. Nous allons vous en livrer quelques-unes. Dans l’armée, les soldats gravissent des échelons tous les quatre ans. Ce qui signifie que si le militaire exerce pendant 26 ans et qu’il va à la retraite, ses deux ans restants, après la division de 26 par 4, ne sont pas pris en compte au niveau de la pension. Nous avons demandé la correction de cette situation.
Le second problème porte sur le recul de l’âge du départ à la retraite. Dans la Fonction publique, il est de 2 ou 3 ans ; et même plus pour certaines catégories. Dans l’armée, il a été décidé que ce sera un an. Sous prétexte que le soldat ne peut accumuler plus de 26 ans de service. Du même coup, on nous propose, après notre retraite, d’aller servir dans le corps des Eaux et Forêts ou dans la Police. S’ils estiment que nous ne pouvons pas servir dans notre corps d’origine, pourquoi pensent-ils que dans une autre entité nous pouvons être utiles ? Nous ne sommes pas d’accord sur la prolongation d’une année. Nous réclamons également la restitution des retenues qui ont été faites sur nos salaires durant quatre ans.
Le 4e point d’achoppement porte sur l’indemnité du départ à la retraite. En 2006, il y a eu un décret pris en Conseil des ministres, qui stipulait que cette indemnité serait payée pour compter de l’année 2006. Subitement en 2007, un décret d’application est édicté pour dire que ce sera pour compter de 2007. De ce fait, ils ont d’office exclu de son bénéfice nos camarades qui cessaient leur activité en 2006. Ce sont là les quelques points de revendication. Maintenant, nous allons parler de ce climat malsain qui existe dans notre corps depuis la sortie des jeunes militaires contre les policiers. C’est toujours l’épée de Damoclès qui plane sur la tête de ces jeunes militaires et chaque fois, on ne manque pas de les brimer. Si fait qu'une décision a été prise de délocaliser les militaires. Les chefs de corps ont initié des rencontres pour nous en parler. Leur objectif est, selon eux, d’envoyer tous les soldats qui sont à Ouagadougou en province. Seuls le RSP (Ndlr : Régiment de sécurité présidentielle) et la GN (Ndlr : la Garde nationale) vont rester dans la capitale.
Nous avons demandé aux initiateurs si ce ne serait pas là, une vengeance contre nous pour prendre le parti des policiers. Ils ont rétorqué que c’est plutôt un projet. Mais à notre entendement, un projet ne peut naître subitement. L’Assemblée a même été sollicitée pour voter un budget afin de construire les casernes. Les affectations devaient avoir lieu en 2007 mais comme la grogne continuait, la décision a été reportée à 2008. Mais nous savons ce qu’ils veulent. Nous sommes censés être des empêcheurs de tourner en rond et ils tiennent à nous chasser de Ouagadougou. Ils ne veulent pas nous voir dans cette ville. Rappelez-vous que dans une interview, l’ancien ministre de la Sécurité, Djibril Bassolet, avait dit dans la presse que l’on ne piétine pas les testicules d’un aveugle deux fois. C’est parce qu’on est à Ouagadougou qu’on affronte la Police, qui avait tué un de nos éléments. Si on est loin…Mais nous n’irons pas en brousse.
«C’est une affaire entre militaires. Les civils n’ont rien à y voir»
Nous tenons à préciser que notre revendication n’est pas politique. Elle est militaire. Et c’est la hiérarchie militaire et la base qu'elle concerne. C’est clair ! Nous n’en voulons pas aux civils. Nous n’avons rien à voir avec les civils. Ça, c’est un problème interne entre militaires. Nous insistons là-dessus. Si nous devons régler ce problème par la force, nous allons le régler par la force. Nous sommes passés par les négociations. Nous n’avons pas eu gain de cause. Qu’on se comprenne. Qu’on ne dise pas que les militaires se sont des politiciens. Non ! C’est un vieux problème qui date d' il y a longtemps. Le ministre de la Défense, Yéro Boly, est au courant de cela. Quand il nous a rencontrés dans la salle Georges Namoano, nous lui avons signifié tout. Au lieu de résoudre le problème, ils l’ont déplacé. Nous annonçons donc à toute la population : NOUS ALLONS SORTIR ! Mais nous n’avons rien contre elle. Qu’elle garde donc son calme. Mais nous prévenons que celui qui osera se mettre dans la rue pour commettre des actes de vandalisme, espérant nous mettre cela sur le dos, il nous trouvera sur son chemin. C’est une rafale de mitraillette qui va le coucher à terre. Nous n’allons pas pardonner cela. Nous ne transigerons pas là-dessus parce que nous en savons déjà quelque chose. Nous sommes sortis pour revendiquer nos droits. Si on nous rétablit dans nos droits, c’est fini. Nous ne sommes pas seuls ici. Les manifestants ne se réduisent pas au groupe que vous voyez sur cette voie. Ce ne sont pas seulement des militaires proches de la retraite qui vous parlent. Toutes les casernes sont concernées, je vous l’apprends. Et le jour où nous allons sortir, nous ne voulons pas voir un homme de tenue sur notre chemin. Qu’ils restent dans leurs caserne pour vaquer à leurs occupations. Il ne faut pas que quelqu’un sorte pour essayer de nous contrer. Nous sommes militaires, nous sommes armés et nous avons de l’expérience, plus d’expérience qu’il ne le faut même. Nous la mettrons en œuvre. Si nous voyons quelqu’un à qui l’on a fait porter la tenue pour s’opposer à notre marche, là, ce sera «la totale» comme on le dit. Après, qu’on ne dise pas que nous sommes des barbares.
«Ouagadougou risque d’être petite pour certains»
Nous sortons pour manifester pacifiquement. Qu’on ne nous provoque donc pas. S’il y a des négociations qui sont initiées ce jour-là, nous allons négocier et nous entendre. Mais si nous voyons qu’ils veulent utiliser la manière forte, nous y réagirons très mal. Vous savez, nous sommes nombreux ! Nous pouvons faire rappliquer nos frères d’armes de Kaya, de Ouahigouya, de Dori ou d’ailleurs! Donc, Ouagadougou risque d’être petite pour certains. On veut ramener le militaire au rang de mendiant, mais nous ne sommes pas d’accord. Actuellement, dans les casernes, «les enfants» n’ont même pas de tenue à porter ! Et celui qui ose lever le petit doigt, on le tape. C’est ça la loi ? Nous ne donnerons pas ici la date de nos manifestations. Le militaire, c’est la surprise. On nous a fermé les portes de la Maison du combattant, notre maison commune. C’était inutile. Nous n’avons pas besoin de chaises pour tenir nos rencontres. Même si c’est du matin jusqu’au soir, nous pouvons rester debout et sous le soleil. Ceux qui sont là aujourd’hui, qui mangent, qui nous insultent et qui ne veulent pas qu’on nous donne nos petits droits sont ce qu’ils sont grâce aux soldats. Un officier ne peut pas faire de coup d’Etat ! Ce sont les militaires du rang qui le font ! Si nos problèmes ne sont pas résolus, les bamboulas, les danses et les fêtes ne se tiendront pas. Un autre point : nous ne voulons pas qu’on nous menace. Ils ont déjà commencé à le faire. Il y a un capitaine de la gendarmerie qui vient de convoquer deux de nos éléments. Nous attirons son attention sur le fait que cette guerre n’est pas sa guerre.
Propos recueillis par
Issa K. Barry
L’Observateur Paalga du 8 octobre 2007
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