L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Marche de protestation contre l'intronisation du nouveau chef

Oula

Marche de protestation contre l'intronisation du nouveau chef

 

Le vendredi juillet 2007, Oula, commune rurale était en ébullition. Dans la matinée de ladite journée, un groupe de frondeurs a organisé une marche pour manifester leur désaccord à la nomination du nouveau chef coutumier. Après d'intenses discussions avec les autorités, les protestataires se sont éparpillés. Il n'y a pas eu d'accrochages physiques ni de dégâts matériels. A notre arrivée à Oula après la marche, nous avons échangé avec les différents protagonistes. Chacun donne sa version des faits. Naaba Tigré, le nouveau chef du canton de Oula, est directeur des ressources humaines, chef de la gestion des contrats de travail de la Sonabel / Ouahigouya.

 

Le nouveau chef contesté :

"Nous ne céderons pas à la pression"

 

Nous avons été intronisé le 21 juillet 2007, et avons suivi toutes les étapes coutumières, en ce qui concerne cette intronisation, jusqu'à notre arrivée dans le village de Oula, où nous sommes allés chez notre logeur conformément à la coutume avant de rejoindre notre domicile. C'est là que nous avons été informés que les autres prétendants, les perdants, n'étaient pas contents et voulaient manifester. Ils avaient fermé en tout cas leurs boutiques et le moulin du village, qui a été offert par le parti CDP.

Nous n'y avons pas réagi, nous avons informé qui de droit. Contumièrement, notre hiérarchie, c'est le Toogo Naaba de Oula, qui est sous la coupe de Sa Majesté le Naaba Kiiba, roi du Yatenga. Nous avons ainsi au niveau local saisi les autorités administratives, à savoir le maire et le préfet. Eux sont garants de la paix et de la sécurité de la commune et de la préfecture. Et à chaque fois que nous apprenons des informations susceptibles de troubler l'ordre, nous les en tenons informés. C'est ainsi que nous avons appris un jour qu'une marche allait être organisée en direction de la préfecture et des Yarcés, soupçonnés d'être nos alliés. Nous avons tenu  le préfet et le maire  informés. Effectivement la marche a eu lieu ce vendredi 27 juillet, mais s'est limitée à la préfecture. Pour comprendre les choses, il faut remonter assez loin. Ce sont des rivalités très anciennes pour ne pas dire des rivalités entre le RDA et le CDP qui ont conduit à cette situation.

Nos parents ont vécu la même situation, sinon pire parce que le RDA qui était au pouvoir à l'époque avait tout manigancé pour que la succession au trône de notre grand-père, partant, de nos pères n'ait jamais lieu. C'est ainsi que le trône nous a échappé pendant un certain temps. C'est eux qui régnaient (nos adversaires du RDA). Avec la nouvelle situation, le Naaba Kiiba a décidé de remettre toutes les choses à leur juste place.

C'est évident que ça ne peut pas plaire à tout le monde. Je pense donc que c'est des manifestations de colère et de mécontentement et je suis très serein. Il y a un adage qui dit que  "on ne perd pas en même temps la gloire et la bagarre". Cependant, cela ne veut pas dire qu'on  est faible. Nous attendons la réaction des autorités  faute de quoi nous organiserons nous-mêmes notre propre défense.

Nous avons affaire à une population qui est analphabète et la plupart des personnes qui vivent à proximité de nos adversaires subissent des pressions et des menaces. Il y a des éléments très subversifs qui ont même avec des armes à feu menacé certaines personnes. Des gens ont été menacés au pistolet. Nous avons beaucoup de sympathisants au sein du camp des perdants. Ces gens-là viennent nous féliciter, mais il faut avouer qu'ils ont la peur au ventre. Nous n'avons pas aujourd'hui les moyens d'assurer leur sécurité parce qu'ils viennent d'une zone où nous ne pouvons pas assurer leur sécurité. Nous nous faisons du souci pour eux et nous comptons sur la vigilance des autorités compétentes pour circonscrire d'éventuels drames. Dans le cas contraire, nous ne pourrons pas empêcher ceux qui subissent les pressions de se prémunir contre les agressions.

 

Qui assure la sécurité de Sa Majesté ?

 

Je ne suis pas inquiété. Il n'y a pas de protestations autour de moi. Les agitateurs sont dans une autre zone. Je suis avec des gens qui assurent ma sécurité sur le plan physique. Même s'ils n'ont pas d'armes, je pense que jusqu'à présent les choses se sont bien passées.

 

Qu'est-ce que vous avez comme appel à lancer à l'endroit de vos éléments ?

 

Nous avons ensemble discuté de la situation et nous avons abouti à la conclusion qu'il était préférable que les citoyens qui sont avec nous respectent la légalité parce que les manifestations entreprises par nos adversaires sont illégales. C'est une défiance à l'autorité en place. Deuxièmement les menaces qu'ils profèrent et les actes qu'ils posent troublent la paix et la sécurité de la commune, ce qui est inacceptable. Mais nous nous sommes dit que ce n'est pas à nous de nous faire  justice. Nous ne sommes pas les détenteurs de la force publique. Il y a des gens chargés de faire respecter la loi et de ramener la paix. A notre niveau, les instructions que nous donnons sont respectées. Nous continuons de dire à nos proches de ne pas céder à la pression. Nos rivaux enveniment la situation pour nous amener à réagir et nous prendre au piège. En tout cas, pour le moment, nous sommes sereins. Nous n'allons pas réagir tant que nous ne serons pas en situation de légitime défense.

 

Adama Sawadogo, Tengsoba de Oula :

"Le trône ne va pas nous échapper cette fois-ci"

 

La terre nous appartient. C'est à la suite d'une histoire d'amitié au bon vieux temps qu'un de mes grands-pères a accordé une portion de terre aux Touré pour qu'ils s'installent ici. A la mort de ce grand-père, compte tenu de l'amitié qui  liait le clan aux Touré, son hôte a pris le trône. Après la mort de ce chef Touré, un de ses fils lui a succédé. Celui-ci fut assassiné. Un de ses frères cadets intronisé a connu des problèmes avec le Yatenga Naaba de l'époque. Ce chef Touré a dû s'exiler pendant 7 ans puis est revenu après la mort du Yatenga Naaba de l'époque. Le Collège de  sages décida de changer le chef de Oula. Depuis lors, c'est le roi du Yatenga qui nommait les chefs à Oula.

C'est ainsi que Naaba Sanem est venu. Pendant son règne, il était question de nommer un commandant de cercle, et le chef a refusé, tout simplement parce que si le commandant de cercle s'installait, il perdrait son autorité et les cadeaux. Du même coup, il a refusé l'implantation de l'école. C'est après sa mort qu'un des nôtres, lui ayant succédé, a accepté l'implantation de l'administration coloniale à Oula.

Ce dernier a régné 33 années durant, avant de s'éteindre tout dernièrement. C'est sa succession qui pose problème aujourd'hui. Les Touré veulent encore nous confisquer notre trône, et nous ne sommes pas d'accord. Leurs ancêtres n'ont rien fait pour le développement de Oula. C'est sous le règne des nôtres qu'il y a eu l'école, une infirmerie, etc. C'est pourquoi, ayant appris l'intronisation de ce nouveau chef ressortissant de la famille Touré, nous avons manifesté notre mécontentement. Nous avons décidé suite à une rencontre avec les autorités politiques locales (le préfet, le maire et des émissaires du roi du Yatenga) que le nouveau chef ne résiderait pas ici à Oula. Que chacun retourne chez lui. J'ai proposé mon fils Amadé Ouédraogo comme chef. Les différentes parties n'étaient pas d'accord. J'ai vu le préfet qui  dit  ne pas s'ingérer dans les affaires coutumières. Ensuite, il a promis d'écrire officiellement au Naaba Kiiba du Yatenga pour lui faire le point de la situation. Notre positon est claire. Même si les Touré ont régné à un certain moment de l'histoire, le pouvoir revient de droit à notre descendance et nous n'entendons pas le perdre.

 

Toogo Naaba de Oula

"Je respecte le choix fait par le roi du Yatenga"

 

Effectivement ces derniers temps, il y a des mécontents dans le village de Oula. Les deux parties sont venues me voir. On a envoyé me dire de la part du Baloum Naaba qu'un nouveau chef a été intronisé à Oula. Depuis un bout de temps, quand le roi du Yatenga envoie nous dire le nom du chef qu'il a nommé, nous acceptons d'office. Ce qui arrive m'étonne. On n'a jamais vu quelqu'un se lever pour dire qu'il sera le chef de Oula, juste pour contester ce que le roi du Yatenga a décidé. On m'a reproché d'être complice de la nomination du prétendant de la famille  Touré. Pourtant, je n'ai jamais été consulté par le Yatenga Naaba à ce propos.

La décision est venue de Ouahigouya et moi je la respecte conformément à ce qui se faisait dans le passé. Le camp contestataire est venu me voir, je lui ai indiqué le roi du Yatenga. C'est dommage qu'au lieu d'emprunter la voie de la sagesse on se mette à marcher pour perturber la paix dans la localité. Moi, ce qui n'intéresse, c'est un chef qui sera à l'écoute de tout le monde, pas quelqu'un qui veut diviser. Je compte sur la compréhension et le sens de la retenue des uns et des autres afin d'éviter les comportements de vandales.

 

Propos recueillis par

Emery Albert Ouédraogo

L’Observateur Paalga du 31 juillet 2007



31/07/2007
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