L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Maroc : Une démocratie otage de sa monarchie

Maroc

Une démocratie otage de sa monarchie

 

Aujourd'hui, les Marocains vont aux urnes pour les législatives. Des élections à enjeux sur plusieurs plans.

En effet, le taux de participation, le score tant attendu  des islamistes et leur éventuelle participation au prochain nouveau gouvernement sont encore l'objet de conjectures. L'arrivée d'un nouveau gouvernement et le renouvellement des membres de la Chambre des représentants, le deuxième sous le règne de Mohammed VI, posent un certain nombre de questions souvent mêlées d'inquiétudes.

Fait important : ce qui fait frémir du côté de Rabat et dans tout le Maroc, ce n'est plus la crainte de voir l'Administration, jadis aux ordres, tripatouiller le résultat des urnes pour fabriquer une carte politique de complaisance, pour ne pas dire sur mesure.

Les législatives de septembre 2002 ont été unanimement applaudies, car le verdict des urnes était, somme toute, proche des réalités du terrain.

Rarement, de mémoire de sujets du Roi, on avait connu résultat électoral aussi estampillé du sceau de la transparence.

C'est dire donc que l'inquiétude des Marocains réside ailleurs. Notamment dans le taux de participation, le score des islamistes, et dans leur éventuelle adhésion  au futur gouvernement.

"Je ne vois pas pourquoi j'irais voter ; de toute façon, ils ne pensent qu'à s'en mettre plein les poches", gémit Yassine, 32 ans, qui gagne sa pitance journalière en slalomant nuit et jour comme chauffeur de taxi dans les rues de Rabat.

C'est  vrai, comme lui, ils sont nombreux ceux qui, au lieu d'aller aujourd'hui mettre leur bulletin dans l'urne, iront tout simplement à la pêche ou, si vous voulez, à la mosquée pour prier et conjurer le mauvais sort qui semble s'acharner sur eux.

En effet, malgré la relative prospérité dont jouit ce royaume, ils ne sont pas négligeables, ceux qui continuent de broyer du noir, à manger de la vache enragée nuit et jour, à telle enseigne qu'ils se demandent s'ils sont encore Marocains comme les autres.

Si, en 2002, seulement un électeur sur deux s'était rendu aux urnes, cette fois-ci, le taux de participation risque d'être plus bas. Et un tel score marquerait, huit ans après l'accession au trône de Mohammed VI, une lassitude des citoyens à l'égard de la classe politique dans son ensemble. A l'opposé, une ruée massive vers les isoloirs témoignerait d'une confiance renouvelée dans les institutions, dont les Marocains semblent se méfier de plus en plus. Pris dans les affres de la rentrée scolaire et des préparatifs du Ramadan, tout proche, les électeurs semblent avoir souvent la tête ailleurs. L'issue du scrutin étant donc incertaine, plusieurs partis pourraient se trouver au coude-à-coude, et le taux de participation devrait être l'élément déterminant.

Ils sont aujourd'hui 33 partis politiques en lice (contre 26  en 2002) à briguer les suffrages des quelque 16 millions d'électeurs sur une population globale  estimée à 30 millions d'âmes.

Au-delà du taux de participation, l'autre interrogation de ces législatives est de savoir quel score réaliseront les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD).

On se souvient, en effet, qu'en 2002 les islamistes n'avaient présenté de candidats que dans une circonscription sur deux afin, expliquaient-ils, d'éviter "un processus à l'algérienne", en référence à l'écrasante victoire du Front islamique du salut (FIS) en 1992. Cette fois, les listes du PJD seront présentes dans 94 des 95 circonscriptions que compte le pays. Avec un score de 42 élus/325 aux législatives de 2002, ce parti, qui est une pure fabrication du très conciliant psychiatre Saad Eddine Othmani, pense remporter, ce coup-ci, au moins 80 sièges, soit le double d'il y a cinq ans.

Débarrassée de ses éléments les plus extrémistes, cette formation semble ne plus vraiment faire peur à grand-monde ; certains même caressent le secret espoir de voir ces "anciens islamistes" constituer un véritable rempart face aux "nouveaux fous d'Allah", qui, à avec leurs bombes, avaient fini par terroriser littéralement une bonne partie de la population.

Du côté de Rabat, si l'on en croit les prédictions, les islamistes modérés du PJD devraient enregistrer un très bon score.

Selon un sondage réalisé en 2006 par l'International Republican Institute (IRI), basé à Washington et proche des Républicains, 47% des Marocains soutiendraient le PJD.

Comme on le sait, la misère ambiance offre un terreau favorable aux islamistes et autres vendeurs d'illusions.

Et la situation sociopolitique dans le royaume chérifien ne fait pas exception à la règle.

En effet, dans une société marocaine bouillonnante, où la croissance (8,1% en 2006) ne profite qu'à une infime  minorité alors que 11% de la population vivent sous le seuil de pauvreté et que 14,9% des 15-34 ans sont au chômage, les islamistes marocains séduisent là où les gouvernements ont lamentablement échoué.

"Ces fous d'Allah" ont tout de suite compris qu'en faisant en plein dans le social, ils auront à leurs côtés toute cette grande frange de la population abandonnée à son sort.

Modéré, le PJD semble l'être. Mieux, il se veut moderniste comme son modèle, l'AKP turc, cet autre Parti de la justice et du développement, qui a remporté son bras de fer avec l'establishement laïc.

Mais, selon les analystes, si le PJD n'appuie pas trop sur l'accélérateur de la foi en Dieu ces dernières années, c'est pour mieux élargir sa base au niveau des classes moyennes. De nos jours, cette base électorale est si large que les fins limiers de la scène politique marocaine pensent que ce parti pourrait, à présent, devancer les deux grandes formations du royaume chérifien à ces législatives. L'Union socialiste des forces populaires (USFP gauche) et l'Istiglal (parti nationaliste conservateur), qui sont d'anciennes formations politiques bien implantées à l'échelle du royaume, pourraient ne jouer  désormais que les seconds rôles.

Mais plus que par le passé, ces législatives marocaines seront aussi et surtout marquées par une énigme : celle de la démission en début août du ministre délégué à l'Intérieur, Fouad Ali el-Himma, l'un des plus proches conseillers du Roi Mohammed VI et véritable numéro deux du régime. Celui-ci a, en effet, choisi de quitter l'équipe gouvernementale pour se présenter comme indépendant à ces législatives. Tout en gardant une zone d'ombre sur les vraies raisons de son départ du gouvernement, ce bras droit de Mohammed VI semble se préparer à jouer un rôle majeur sur l'échiquier politique national.

D'ailleurs, certains n'excluent aucunément de le voir propulsé chef du gouvernement à l'issue de cette échéance électorale.

C'est dire qu'au Maroc, c'est une démission qui a eu les allures d'une onde de choc et qui est, de nos jours, le principal sujet de conversations.

Mais quel que soit le nouveau chef de gouvernement, on pense que cette démocratie sortira renforcée des urnes. Le Roi s'est engagé en faveur d'élections "lavées de tout soupçon". Amen ! Que ses vœux soient exhaussés !

Et si tout se passe comme prévu, la démocratie pourrait ne plus être otage de la monarchie.

 

Boureima Diallo

L'Observateur Paalga du 7 septembre 2007



07/09/2007
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