Poursuites contre Bemba et Patassé : Le tropisme nègre de la CPI
Eventualité de poursuites contre Bemba et Patassé
Le tropisme nègre de la CPI
Depuis l'élection présidentielle qu’il a perdue en République démocratique du Congo (RDC), Jean Pierre Bemba, le leader du Mouvement pour la libération du Congo, l’ex-rébellion, a du mal à retrouver toute la quiétude qu’il avait du temps du gouvernement de transition. Et comment pourrait-il d’ailleurs dormir sur ses deux oreilles quand la justice de son pays a déployé autour de lui une nasse pour le cueillir à tout moment ? Il est en effet sous le coup d’une enquête judiciaire pour «atteinte à la sûreté de l’Etat» et pour avoir «détourné des éléments de la Grande Muette à des fins personnelles» à cause de son refus de voir incorporer dans l’armée régulière les militaires affectés à sa sécurité au moment de la transition gouvernementale.
Mais ces démêlés judiciaires «locaux» ne sont rien comparés aux poursuites dont il pourrait être passible de la part de la Cour pénale internationale (CPI). En effet, pour des raisons politiques et même humanitaires, le pouvoir congolais pourrait éventuellement refreiner l’ardeur des juges lancés à ses trousses. Par contre, il n’est pas évident que le procureur Luis Moreno-Ocampo de la CPI rengaine de si tôt son couperet.
Mais pourquoi au fait la justice internationale en aurait-elle après l’ex-chef rebelle ? En fait, même s’il n’est pas nommément cité par elle, la CPI lui reproche les exactions et d'autres violences dont ses hommes, envoyés à la rescousse du régime vacillant d’Ange Félix Patassé en 2002-2003, se seraient rendus coupables en République Centrafricaine. A l’époque, après avoir réussi à repousser les putschistes, conduits par le général François Bozizé, les miliciens du MLC, les «Congolais» comme les appelaient les Centrafricains, ont fait régner la terreur à Bangui et dans ses environs, en tuant, pillant et surtout en violant.
Aucun bilan officiel n’est connu à ce jour, mais l’Organisation (centrafricaine) pour la compassion et le développement des familles en détresse (OCODEFAD) affirme avoir recensé un total de 1 045 victimes, dont 480 femmes et fillettes violées. La CPI, elle, table sur 600 victimes. Cette triste affaire, bâtie essentiellement sur les crimes sexuels et des viols, constitue une première pour cette institution pénale internationale dans ce domaine.
Naturellement, se sentant visé, Jean Pierre Bemba s'en défend en niant toute implication personnelle : «Je n’étais pas en Centrafrique, et si demain une enquête conclut à la responsabilité d’éléments du MLC, ils devront être poursuivis et condamnés comme le prévoit la loi».
Mais l’étau de la CPI n’est pas près de se desserrer, car, prévient Luis Lorena-Ocampo, «les renseignements dont nous disposons laissent à penser que des viols ont été commis en des proportions telles qu’il est impossible de les ignorer au regard du droit international». Voilà qui est bien dit.
Il est en effet souhaitable et même exigible que les coupables paient pour leurs crimes. Un principe qui, on l’appelle de tous nos vœux, devrait être traduit dans les faits dès que la justice a connaissance d’une violation de quelque nature que ce soit. Et Jean Pierre Bemba ainsi qu'Ange Félix Patassé, s’ils sont fautifs, doivent payer pour leurs actes. Normal.
Seulement, en tant qu’Africain, on ne peut pas ne pas avoir le sentiment que cette Cour a été créée essentiellement pour les «nègres» : depuis son entrée en vigueur, cette institution semble se préoccuper uniquement des draps sales africains ; pour preuve, cette affaire de crimes sexuels en Centrafrique est la 4e enquête menée par la CPI après celles lancées en RDC, en Ouganda et au Darfour (Soudan) ; tout se passe comme si l’Afrique avait le monopole de la commission des crimes barbares.
Pourtant, il n’y a qu’à ouvrir les yeux pour voir les crimes perpétrés en Birmanie, en Colombie, en Corée du Nord, en Palestine, en Israël, au Liban, en Irak, à Guantanamo, etc. Mais curieusement, les pleurs des victimes de ces violations massives et répétées des droits humains dans ces pays-là ne semblent pas parvenir à l’oreille du procureur de la CPI. C'est à croire que rien ne s’y est passé.
Loin de nous l’idée de plaider pour l’impunité, mais il faut reconnaître que ça fait désordre et injustice quand la justice commence à sérier entre les continents. A part le cas Milosevic en Europe de l’Est, c’est surtout en Afrique que la justice internationale traque les dictateurs et les violateurs des droits humains. Imaginons un temps que ce fût un président africain qui ait envoyé ses troupes semer le bordel en Irak. La CPI l'aurait mis à l'index et n'aurait eu de cesse que les circonstances permettent qu'elle lui mette le grappin dessus.
Voilà qui pourrait donner raison à ceux qui sont enclins à penser naïvement que dans ces conditions, il faut qu'on nous laisse nous-mêmes nous occuper de nos dictateurs. On le ferait peut-être avec un retard, peut-être maladroitement en violant même les droits de la défense, mais on le ferait quand même.
Evidemment, pour faire changer les choses, il faut que nos institutions fonctionnent vraiment de façon démocratique, que la bonne gouvernance et le dialogue constructif soient les choses les mieux partagées en Afrique. Est-ce que nos gouvernants, qui s’accrochent au pouvoir comme des chauves-souris, voudront bien aller dans ce sens ? Là est toute la question.
En attendant, les Ange Félix Patassé, Jean Pierre Bemba, Hussein Habré, Joseph Kogny et pourquoi pas demain Omar El Béchir et Robert Mugabe sont pratiquement sûrs d’être des cibles des juridictions pénales internationales, ces Cours et tribunaux qui n’ont même pas le droit d’entendre comme simple témoin un citoyen américain à plus forte raison de le juger.
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga du 24 mai 2007
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