Procès des étudiants : Ambiance chaude au Palais de Justice
Procès des étudiants
Ambiance chaude au Palais de Justice
Les 35 étudiants de l'université de Ouaga qui avaient été arrêtés et détenus à la MACO depuis le mardi 17 juin dernier suite aux violents affrontements avec les forces de l'ordre sont passés à la barre du tribunal correctionnel de Ouaga, à son audience d'hier 24 juin 2008. Les débats contradictoires se sont tenus sur fond de vacarme des centaines d'étudiants qui avaient pris d'assaut le Palais de Justice de Ouaga 2000. 26 dossiers ont été appelés et jugés au cours de cette première journée. Les procès se poursuivent en principe ce matin, avec les 9 autres dossiers qui vont éventuellement être suivis du délibéré.
Les uns à la suite des autres, les 35 étudiants de l'université de Ouaga, conduits de la MACO au Palais de Justice de Ouaga 2000, sont passés à la barre du Tribunal correctionnel de Ouaga. Ils sont accusés de destruction de biens publics (appartenant à la présidence de l'université) et privés; coups et blessures sur des agents de force de l'ordre par jets de pierres, notamment sur les agents Michel Sembé et Wendlamita Zongo, avec incapacité de travail respectivement de 10 et de 60 jours. Assistés de 8 avocats, chacun des 26 prévenus qui ont été appelés à la barre au cours de cette première journée ont plaidé non coupables. L'université se déporte au Palais
A moto, à vélo, à pied ou par autres moyens, les étudiants avaient, très tôt le matin, fait le déplacement du Palais du Justice de Ouaga 2000. Mais pas plus tôt que les forces de l'ordre qui, dans un premier temps, bloquent le flux d'étudiants depuis l'avenue Pascal Zagré. Les entrées dans la grande enceinte du Palais de Justice sont filtrées. Même ceux qui y travaillent sont obligés de faire la queue, présenter une pièce avant d'avoir accès à l'intérieur de la cour. Les étudiants protestent, font du bruit, comme pour clamer leur droit d'accès au Palais. Mais cela ne change rien. L'accès à la salle d'audience N°1, prévue pour accueillir le procès, n'est pas non plus aisé. Seuls quelques rares parents d'étudiants prévenus y sont acceptés. La presse est priée d'attendre des "instructions". Elle sera entre-temps autorisée à y accéder, mais les téléphones portables, même éteints, n'y sont pas acceptés. La consigne est très stricte et est aussi valable pour tout autre appareil (photo, caméra, dictaphone, etc.). La foule d'étudiants a finalement accès à l'intérieur de la cours, autour de 9 h. Peu après, le procureur général, Abdoulaye Barry, fait son entrée dans la salle d'audience et ordonne un réaménagement. La presse est installée à droite du parquet. Les 35 prévenus occupent les sièges de l'extrême gauche, tandis que les places du centre sont libérés pour accueillir une centaine d'étudiants. Le tribunal entre à 9 h 28, et délibère 3 précédents dossiers, avant d'ouvrir celui du jour. Le président présente la partie civile représentée par deux enseignants de l'université de Ouaga dont le secrétaire général. Tour à tour, les 8 avocats de la défense se présentent au parquet. Avant l'appel du premier dossier, la défense formule une requête: elle souhaite qu'il soit permis aux étudiants d'avoir accès à la salle. Le président du tribunal porte la requête au procureur du Faso qui n'y trouve pas d'inconvénient. L'audience est aussitôt suspendue pour 5 à 10 minutes, le temps d'organiser l'entrée des étudiants. Dehors, c'est une vraie vacarme. Les étudiants protestent très bruyamment contre la proposition de faire entrer 100 d'entre eux. "La salle ne peut pas vous contenir tous", répond un agent de la sécurité. Les étudiants demandent alors à ce qu'on leur permette de rentrer dans la salle jusqu'à ce que celle-ci soit au comble. La sécurité maintient sa position et la tension monte d'un cran. De l'intérieur, les agents GSP (garde de sécurité pénitentiaire) prennent soin de fermer les fenêtres et demandent à l'assistance de rester serein. Puis on ordonne l'entrée des étudiants, un à un, après qu'ils eurent été fouillés et passés au scanner. 50 à 60 étudiants ont pu avoir accès à la salle. C'était ainsi l'aboutissement d'une lutte de titan, en témoignent leurs pieds et chaussures recouverts de boue. On referme alors les portes. La suspension aurait donc duré plus d'une demi-heure. L'audience reprend à 10 h 10, sur fond de cris et sifflements des nombreux étudiants restés dehors. C'est à peine que l'on entend les différents intervenants, malgré les mégaphones.
Tous non coupables
L'étudiant Amadé Sawadogo est le premier prévenu appelé à la barre. Il y restera près d'une heure. Le président du tribunal lui rappelle les 3 chefs d'inculpation qui pèsent contre lui. Il nie les faits. "Que s'est-il donc passé pour que vous soyez arrêté par la gendarmerie le 17 juin 2008 ?" interroge le président. L'étudiant accusé répond qu'il était en train de quitter le campus à bord de son vélo lorsqu'il a été appréhendé par la gendarmerie. "Et pourquoi n'avez-vous pas pris des renseignements sur les manifestations afin de vous échapper du campus plus tôt?" demande le procureur. Me Farama, l'un des avocats de la défense, demande la parole, fait une petite plaidoirie au terme de laquelle il invite le parquet à être plus exact sur les faits dont est accusé son client. Le procureur Kafando demande la parole et exhibe un document du MESSRS qui, selon lui, atteste que le sieur Amadé Sawadogo n'est pas inscrit à l'université de Ouaga. Ce dernier soutient toutefois qu'il est bel et bien inscrit en 4e année de linguistique à l'UFR/LAC. Le document en question était une lettre du ministre en charge de l'Enseignement supérieur, adressée à son homologue de la Justice, lui informant que 6 des 35 prévenus n'étaient pas inscrits à l'université de Ouaga. Les avocats se concertent, puis refusent à l'unanimité de se faire "surprendre" par un document "qui ne fait pas partie du dossier et dont ils n'avaient pas connaissance". Applaudissements nourris dans la salle. Et le public de dehors en fait autant, plus longuement. Le président du tribunal tape du point sur la table et rappelle, à l'intention du groupe d'étudiants surtout, que l'audience a ses règles et que toute personne qui la perturberait va, dans le meilleurs des cas, se voir expulsé de la salle. Un calme s'installe, le procès se poursuit. Le débat change d'objet. Il se poursuit maintenant autour de l'antériorité de la plainte par rapport à l'établissement des certificats médicaux des gendarmes blessés. Pour le procureur, on n'est pas obligé, lorsqu'on est blessé, d'attendre un certificat médical avant de porter plainte. Les avocats ne l'entendent pas de cette oreille et refusent de prendre en compte ces autres documents qui leur seraient tardivement parvenus.
Tous les dossiers qui ont suivi ressemblent à ce premier. Car c'était exactement les mêmes chefs d'accusation et presque les mêmes plaidoiries. Tous les prévenus ont plaidé non coupables. On retient aussi que les avocats ont relevé et insisté sur le fait que leurs clients aient été presque tous appréhendés dans les mêmes circonstances, et que beaucoup d'entre eux ont affirmé ne même pas être au courant des manifestations du 17 juin. Il convient également de noter la détermination des centaines d'étudiants qui ont bravé le soleil et la faim pour restés mobilisés au Palais de Justice, toute la journée. L'audience marathon a été suspendue aux environs de 19 h et reprend, en principe, ce matin pour exépdier les 9 dossiers restants.
Par Paul-Miki ROAMBA
Le Pays du 25 juin 2008
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