Réformes institutionnelles en Libye : Entre leurres et lueurs
Réformes institutionnelles en Libye
Entre leurres et lueurs
Signe des temps, c'est un véritable discours-programme que Seif Al-Islam a débité lundi dernier à Benghazi, ville située 1 000 km à l’est de Tripoli. Face à des milliers de jeunes, le fils du Guide de la Révolution libyenne, certes dans un ton modéré, a disséqué le système politique de son pays et l’a jugé «bon en théorie» mais souffrant de «certains défauts». Il a alors reconnu la nécessité de «renforcer le système actuel pour le rendre plus efficace».
Pour ce faire, l’orateur a tracé les grandes lignes d’un projet de Constitution s’inspirant grandement de la Déclaration de la Révolution de 1969, déclenchée à la prise du pouvoir par un groupe d’officiers libres sous la conduite de son géniteur. Mais réforme pour réforme, il y a tout de même des lignes rouges qui ne sauraient être franchies. Il s’agit naturellement du Guide en personne, de la charia, de la sécurité, de la stabilité et de l’unité du territoire national libyen. Ces préalables acquis, les nouveaux textes de lois devront aussi garantir l’indépendance des médias, de la société civile, de la Haute Cour et de la banque centrale.
Outre ce toilettage institutionnel, Seif Al-Islam a annoncé un plan de développement économique et social d’un coût estimé à quelque 80 milliards de dollars.
Dans son speech, celui-là qu’on ne finit pas de présenter comme le successeur de son père a, le croira qui voudra, pris le soin de marteler que «la Libye ne deviendra pas une dynastie ou une monarchie, ni une dictature». On peut bien en douter quand on sait que l’orateur de Benghazi n’occupe aucune fonction officielle dans son pays. Alors en vertu de quoi s’exprime-t-il sur ces questions essentielles ? Et pourquoi son intervention était-elle retransmise en direct par la télévision d’Etat ? Oui. Pourquoi ? Sinon parce qu’il est le fils, voire l’héritier politique probable de son père.
C’est pourquoi on peut alors légitiment se demander si Kadhafi et son fiston n’usent pas ici de diversion pour endormir davantage le peuple en faisant croire que des réformes sont en route tout comme la vraie démocratie. Ainsi, pendant que le peuple dîne et dort par la grâce de l’Etat, le Guide peut, en sous-main, travailler de sorte à mettre son Seif en pole position dans la course pour la succession.
Il y a à cet égard des signes qui ne trompent pas. Même sans fonction officielle, le rejeton du guide demeure une pièce maîtresse du dispositif directionnel à Tripoli. Prenant part régulièrement aux tractations qui se mènent au sommet même du pouvoir, Seif Al-Islam a souvent été celui par qui le monde entier a été mis au courant des intrigues d’Etat. N’est-ce pas lui qui, récemment, a encore divulgué les différents accords secrets que son pays a conclus avec la France en matière d’armement et de nucléaire civil ? C’est vrai que sa filiation peut être un facteur qui le met au centre des arcanes de la vie politique libyenne. Force est donc de reconnaître qu’un tel privilégié est forcément un homme du sérail, un homme qui compte non seulement aujourd’hui, mais qui pourrait également compter demain.
C’est encore là une autre preuve de cette tendance bien africaine de patrimonialiser le pouvoir d’Etat. En effet, du Togo au Gabon, de l’Egypte au Sénégal, etc., les indices sont nombreux qui trahissent les velléités et tentatives de «dynastiser» le pouvoir républicain.
A coup sûr, la Libye est en train de prendre toute la place qui est la sienne dans le concert des nations depuis la levée des embargos onusiens et américains. Le pays de Mouammar Kadhafi, devenu fréquentable, s’ouvre au reste du monde.
Cette ouverture devrait se traduire par une vraie ouverture démocratique en interne permettant non seulement aux nombreux exilés de rentrer au bercail, mais également à tous les Libyens de briguer la magistrature suprême.
Ce serait une grande première dans un pays qui ne connaît pratiquement pas d’élection ; Kadhafi ayant toujours prétendu qu’il n’est pas un président mais un simple guide.
Espérons que le Guide sera de plus en plus éclairé pour percevoir et satisfaire les aspirations profondes et légitmes de ses compatriotes à plus de liberté et de démocratie.
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga du 23 août 2007
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