Région du Sud-Ouest : La guerre de tranchées
Région du Sud-Ouest
La guerre de tranchées
Dans le Sud-Ouest, la propagande pour les législatives du 6 mai 2007 bat son plein. Chez presque tous les partis en lice dans les quatre provinces de cette région, c’est la campagne de proximité ou le porte-à-porte, pour ne pas dire la guerre de tranchées. La démonstration de force étant certainement réservée aux derniers jours de ces joutes électorales. C’est l’impression que nous avons eue, après quelque 96 heures de séjour, du 27 au 30 avril dernier, dans la Bougouriba et le Poni.
Dans la Bougouriba, l’une des quatre provinces (avec le Ioba, le Poni et le Noumbiel) de la région du Sud-Ouest, la bataille pour ces législatives est rude. C’est le moins qu’on puisse dire, car seulement un siège est à pourvoir dans cette circonscription électorale pour 14 partis politiques en compétition. Lequel de ceux-là le remportera au soir du 6 mai prochain ? Difficile d’y répondre avant le verdict des urnes. En tout cas, nombre de concurrents que nous avons eu l’opportunité de rencontrer croient en leurs chances ; tel le pachyderme, l’ADF/RDA, majoritaire au conseil municipal de la capitale de la Bougouriba depuis les dernières élections locales. Pour ces législatives encore, le parti met les bouchées doubles pour enlever l’unique siège de la province. Le 27 avril 2007, peu après 14 heures, à leur siège, non loin du marché de Diébougou, de nombreux militants ont entamé devant nous un cross populaire à moto en direction de plusieurs localités. L’ADF/RDA, nous a confié un de ses responsables à Diébougou, Mamadou Konaté, privilégie la campagne de proximité. Des assemblées générales, selon lui, ont été organisées dans les 23 villages de la commune.
Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) fait aussi de son mieux pour soigner ses douleurs postmunicipales du 23 avril 2006. La tâche est ardue pour son candidat, Jean-Marc Palm. Le Sud-Ouest, rappelle-t-il, regorge d'atouts naturels, notamment une pluviométrie au-dessus de la moyenne nationale, auxquels s’ajoutent ses nombreux intellectuels. Malheureusement, se lamente-t-il, “la désunion de ses filles et fils fait qu’ils ne peuvent pas s’accorder sur un minimum commun”. Au regard de ce qui précède, dans le Sud-Ouest en général et la Bougouriba en particulier, a-t-il indiqué, le CDP a placé sa campagne sous le signe de “la cohésion et de l’unité d’action pour un développement de la province et de la région”. Les priorités portent sur l’eau, la santé et l’éducation, des indicateurs du développement humain durable au rouge dans cette partie du Burkina. Sensibiliser les populations à une nouvelle vision des députés, de son point de vue, est également nécessaire afin qu’elles soient à même “d’interpeller, chaque fois que de besoin, les élus sur les préoccupations de la région, des provinces et des départements”. “Nous ne sommes pas comptables de l’action du député du CDP dans la Bougouriba, qui est passé maintenant à l’opposition (Ndlr : il s’agit de Mamadou Ouattara”), se défend Jean-Marc Palm. Quant à l’issue du scrutin, il se refuse à faire un quelconque pronostic. Il faut, a-t-il conclu, attendre le verdict des urnes le soir du 6 mai prochain.
«Ou nous bouffons tous ou personne ne bouffe»
Le Parti pour la démocratie sociale (PDS) prend également part à ces joutes électorales dans la Bougouriba. Et ses candidats, Lewa Dabiré (titulaire) et Tioyé Sami dit Déti (suppléant) entendent, eux aussi, y faire scintiller l’étoile de leur formation politique. Nous avons commencé à nous entretenir avec le dernier cité à son domicile, au crépuscule, alors qu’il venait juste d’arriver, nous a-t-il dit, d’une tournée de conquête de l’électorat dans plusieurs villages. A l’instar des autres formations politiques, c’est au porte-à-porte que le PDS a recours dans l'optique de convaincre la population d’accorder sa confiance à ses candidats. Selon lui, les représentants du CDP ont longtemps berné la population de Diébougou. Eux, au contraire, assurent de s’engager auprès d’elle, s’ils sont élus, à interpeller les gouvernants pour qu’ils se penchent sur les préoccupations du Sud-Ouest ; «en faisant réellement de cette région le grenier du Burkina, comme ils aiment à le clamer dans leurs discours sans cependant lui garantir les conditions pour véritablement l’être». Pour M. Tioyé, en politique, “soit nous bouffons tous, soit personne ne bouffe”. Le message de son titulaire, qui nous a rejoint par la suite, est le même.
Nos derniers hôtes nous ont prouvé leur fair-play en politique en nous permettant de mettre la main, le 28 avril, sur le candidat de l’Union pour la République (UPR), dont le symbole, l’arbre, était presque visible partout dans la commune, notamment sur les troncs des caïlcédras, sur les murs, dans les cabarets… Beh Jacob Kam est la tête de liste dudit parti dans la Bougouriba. Il s’apprêtait, avec un de ses compagnons de lutte, à aller à la pêche aux voix, à moto, dans une dizaine de villages à la ronde de Diébougou. Joint au téléphone, il nous trouvera à la gare routière, quelque trois quarts d’heure avant notre départ pour Gaoua. C’est à un interlocuteur féru de politique que nous avons eu affaire. “Le réveil politique et démocratique dans la Bougouriba, la fraternité, la solidarité, le respect des biens publics”, c’est sous ce sceau que l’UPR, nous a-t-il dit, bat campagne, suivant la méthode dite de proximité. Pour faire passer le message, les militants de l’UPR organisent, selon ses dires, des rencontres avec les anciens, les leaders coutumiers et religieux, les jeunes dans les familles, les marchés et les villages. A l’UPR, soutient M. Kam, “nous préférons quelqu’un qui a des idées à un nanti qui ne dispose pas d’idées”. Le parti propose aux populations un nouveau type de députés au Burkina Faso et particulièrement dans la Bougouriba : être plus proches des masses laborieuses avant d’aller voter les lois à l’Assemblée nationale ; sortir de la pauvreté ; améliorer la couverture sanitaire ; assurer la scolarisation des enfants ; éduquer la population en général à l’utilisation des technologies appropriées pour exploiter les potentialités agricoles du Sud-Ouest ; ce sont là les priorités du candidat de l’UPR pour la région. Si les électeurs lui accordaient leur confiance, assure M. Kam, ils profiteraient tous de l’ombre du feuillage touffu de l’arbre de l’UPR. Entre autres promesses : la construction du bureau des députés à partir des émoluments de l’élu, la garantie d’un fonds de base pour susciter la création d’une mutuelle de santé au centre médical avec antenne chirurgicale de Diébougou, et la sensibilisation des populations à sa pérennisation ; ainsi compte-t-il contribuer à l’amélioration des prestations sanitaires.
La nature a accordé, selon lui, des faveurs considérables à la Bougouriba : d’innombrables bas-fonds aménageables ; un relief favorable à la construction de retenues d’eau... Cependant, sur ce plan, a-t-il regretté, la province est le laissé-pour-compte des projets de développement conçus par le gouvernement. Pour le candidat Kam, si l’UPR remporte le siège, son élu s’engage à susciter une étude afin de permettre une meilleure exploitation de toutes les ressources de la province pour qu’elles soient utiles au Burkina Faso. A la date du 28 avril, il estimait avoir couvert, depuis le début de la campagne, environ 95% du territoire provincial. Pour lui, ce scrutin, au-delà de la conquête des voix, est une opportunité d’implanter l’UPR dans la Bougouriba. Les indicateurs, de l’avis du candidat Beh Kam, sont bons, et l’UPR pense pouvoir enlever l’unique siège de la province. Certains hommes politiques, a-t-il indiqué, se sont moqués de l’histoire, qui a fini par les rattraper ; jugés qu’ils ont été par celle-ci et mis à la touche par le peuple simplement parce qu’ils se sont permis de mater ce peuple, lequel s’est vengé d’eux dans les urnes. L’ensemble des hommes politiques du Burkina devrait, dit-il, en tirer leçon. Chacun d’eux, recommande-t-il, doit s’efforcer d’être sage, respectueux des populations, humble. Ce sont là des qualités qui ont manqué, a-t-il lâché, à certains (ils se reconnaîtront sans doute) qui ont eu l’occasion d’aller représenter le peuple au Parlement.
Gaoua, la cité des mille et une collines
De la Bougouriba, nous nous retrouvons, pour la seconde étape du périple électoral, à Gaoua, chef-lieu de la province du Poni et de la région du Sud-Ouest. Dans cette cité aux mille et une collines, ça semble être le calme plat. L’ambiance de la campagne électorale n’est pas tout de suite perceptible. Mais ce n’est qu'une apparence, car les 13 partis concurrents pour les deux sièges en jeu dans la province mènent un travail souterrain ; comme si chacun avait peur d’exposer son talon d’Achille. Tels des paysans en saison pluvieuse, à l’approche du crépuscule, on aperçoit des véhicules, parés de logos de partis, tout poussiéreux, regagner en trombe la ville. En tout cas, nous avons eu de la peine à voir certains candidats, dont nous disposions pourtant des contacts : quand ils n'étaient pas hors réseau, c’est à une dizaine ou à une vingtaine de kilomètres qu’ils se trouvaient, selon les déclarations de certains ; c’est l’exemple du candidat de l’UNIR/MS, qui était dans son fief de Nako, à 42 kilomètres de la ville ; quant à celui de l’UNDD, Joseph Poda, lorsque nous l’avons eu au téléphone, après plusieurs tentatives vaines la veille de notre arrivée, c’est de l’hôpital qu’il nous a répondu, ayant été victime d’un accident sur le chemin du retour de sa tournée de campagne. Nous réussirons, heureusement, à mettre la main sur le 2e candidat de la liste de l’Union des partis sankaristes (UPS), Christian Dah, dans la soirée peu après 19 heures. Outre le porte-à-porte, les assemblées générales (A.G.), ce parti procède à des projections de films sur Thomas Sankara, leur idole, pour convaincre les populations de leurs idéaux inspirés du discours d’orientation politique (DOP) de la Révolution d’août 83. Leurs priorités pour le Poni : la santé avec le retour des postes de santé primaire ; l’éducation ; les infrastructures de loisirs et de sports, qui font défaut à Gaoua, a précisé M. Dah.
Nous effectuons, après avoir quitté le candidat UPS, un tour au siège du CDP, où nous trouvons quatre jeunes qui assuraient la permanence. Le lendemain nous y retournons, mais trop tard, puisque l’état-major de campagne y avait tenu une réunion bilan avant de se disperser, les uns pour continuer la conquête des voix dans les villages et départements de la province, les autres pour affûter leurs armes, selon Moumini Ouédraogo, en vue d’un grand meeting, qui devait en principe avoir lieu le 1er mai à Kampti et où était attendu le président du CDP, Roch Marc Christian Kaboré, en personne.
Du siège du CDP, cap sur le chef-lieu du département de Nako, à quelque 12 km de la frontière du Ghana, aux trousses de la tête de liste du RDB dans le Poni, l’ancien maire de Gaoua, Louis Armand Ouali, qui y était pour une A.G. avec ses militants. Ouali et les représentants locaux du RDB, en langues lobiri et birifor, ont fait le procès des 15 ans de ceux à qui les populations ont accordé leur confiance pour qu'ils aillent plaider au Parlement en leur faveur. Pour eux, leur passage à l’Assemblée nationale n’a pas été bénéfique aux citoyens. Inutile donc, de leur point de vue, de continuer à cultiver un champ pour ne rien moissonner. Aussi ont-ils invité la population, sortie nombreuse à l’occasion, à expérimenter le champ du RDB pour renouer avec l’espoir du bien-être. La rencontre terminée, le candidat, son compagnon et nous avons repris ensemble la route pour Gaoua. Ils ont marqué un arrêt à la Commission électorale départementale indépendante (CEDI) de ladite localité pour s’enquérir, auprès des responsables de la structure, de la situation des mandats de leurs représentants dans les bureaux de vote. Mais en chemin, nous avons été contraint de faire une escale de plus d’une heure avec eux, en raison d’une grosse pluie, pour nous abriter dans l’école primaire publique du village de Youlao. Au RDB, c’est aussi la campagne dite de proximité qui est préconisée. A la date du 29 avril dernier, 6 meetings sur 10 prévus et 38 A.G. sur 60 avaient été organisés par le RDB. Les populations, nous a laissé entendre Louis Armand Ouali, peuvent compter sur lui pour porter leurs préoccupations auprès de l’Exécutif. Comme il l’a fait en 2004, dira-t-il, quand la région a connu une pluviométrie catastrophique, en approchant, en tant que maire à l’époque, le ministre de l’Agriculture, qui a eu recours au programme saaga pour sauver le Sud-Ouest. Il propose une autre image du député, aujourd’hui écornée, selon lui, par la faute d’une catégorie d’hommes politiques. Pour ce qui le concerne, il estime pouvoir répondre aux attentes des populations, fort de son expérience dans la gouvernance locale à la tête de la commune de Gaoua, même si, reconnaît-il, la nature du mandat est différente. La campagne électorale de 2007, comme celle de 2006, est, selon l’ancien édile de Gaoua, déloyale ; elle est, dit-il, “polluée par des déclarations malheureuses, irrespectueuses et inopportunes…” ; certains adversaires du CDP, explique-t-il, choisissent, le plus souvent clandestinement ou discrètement, “d’appeler les populations à ne pas élire des étrangers au Poni” ; les candidats visés dans “cette campagne ethniciste et régionaliste” sont, de l’avis de Ouali, sa personne et, secondairement, d’autres candidats. D’autres aspects de la campagne indigne, toujours selon le candidat du RDB, sont relatifs à l’utilisation des moyens de l’Etat et aux inaugurations ; c’est le cas, dit-il, de l’inauguration du dispensaire de Kouténa sous le parrainage du candidat tête de liste du CDP, en l’occurrence le Dr Sié Roger Hien, par ailleurs directeur des études et de la planification du ministère de la Santé.
Malgré ses dénonciations, Louis Armand Ouali affiche l'optimisme quant à la victoire du RDB, qu’une alliance contre-nature avait empêché de présider aux destinées du conseil municipal à l’issue des dernières élections locales. Tout tend actuellement, selon lui, à faire croire que “le RDB sera du duo gagnant au soir du 6 mai 2007”.
Notre dernier interlocuteur dans le Sud-Ouest a été Alexis N. Somda, coordonnateur de la campagne du PARIS de Cyril Goungounga dans cette région. Après plusieurs tentatives vaines pour entrer en contact avec lui par téléphone, parce que tous les réseaux de téléphonie mobile étaient brouillés à la suite d’une pluie, c’est finalement à Ouaga que nous avons réussi à le rattraper. Il s’est surtout intéressé à la campagne de son parti dans le Ioba. Leur message aux populations, c’est de voter massivement le parti du grenier pour le renforcement des acquis du président Blaise Compaoré, conformément à son projet de société.
Hamidou Ouédraogo
L’Observateur Paalga du 3 mai 2007
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