L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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SAMS'K LE JAH : "J'ai peur..."

SAMS'K LE JAH

"J'ai peur..."

Sams'k Le Jah, l'artiste musicien et animateur de l'émission Roots Rock Reggae sur les antennes de la radio Ouaga FM, est depuis un certain temps menacé de mort. Ces menaces se font de plus en plus sérieuses, en témoigne l'incendie de son véhicule de marque BMW, dans le nuit du vendredi 28 septembre 2007, dans l'enceinte de la radio. L'incident s'est produit aux environs de 21 h 30 mn, alors qu'ils animait son émission. Nous l'avons rencontré dans son bureau le 1er octobre dernier afin qu'il nous situe exactement sur les causes et la source de cet incendie.

Ouels sont vos sentiments à chaud par rapport aux événements qui se sont produits dans la nuit du vendredi, notamment l'incendie de votre véhicule ?

Cela s'est passé depuis vendredi mais j'avoue que, jusque-là, je n'ai pas encore digéré, j'essaie toujours de comprendre. Je me dis que c'est l'aboutissement de toutes les menaces qu'on a eu à me proférer. Vu que c'est ma personne physique qui est visée, je me dis que ce sont des signes d'avertissement parce que cela est toujours revenu dans toutes les lettres de menace que j'ai reçues. On me disait tout le temps "on va t'avoir" et c'est d'abord mon téléphone portable qu'on a volé dans mon bureau. Dans une des lettres, ils m'ont fait savoir qu'ils vont lancer une roquette sur la radio, un vendredi soir, pendant que je fait mon émission. Ils n'ont peut-être pas jeté la roquette mais ils ont mis le feu à ma voiture. Mes sentiments sont ceux de quelqu'un qui croit que ceux qui le menacent de mort sont capables à tout moment de mettre leurs menaces à exécution.

Que s'est-il passé exactement ?

J'étais en émission comme tous les vendredis, de 20h à 22h. Juste après 21h 30 mn, le gardien est descendu m'informer qu'il y avait du feu dans la voiture. Je lui ai demandé quelle voiture et il m'a répondu que c'était la mienne. J'ai cessé rapidement mon émission et lorsque je suis sorti, j'ai effectivement constaté que ma voiture avait pris feu, l'intérieur était en train de brûler. Je suis revenu dans mon bureau chercher les clés et je suis reparti ouvrir la portière avant pour voir s'il y avait possibilité de faire quelque chose. A ce moment, c'était les sièges qui brûlaient. J'ai demandé au gardien d'aller demander un extincteur à la station d'essence d'à côté. Quelque temps après, il est revenu me dire qu'ils n'en avaient pas, ce que j'ai trouvé bizarre. Toute une grande station d'essence qui n'a pas d'extincteur, c'est curieux ! Même si ce n'est pas pour ma voiture, ils devraient en avoir au moins pour la sécurité de tous parce qu'une voiture qui brûle à quelques mètres de là, cela peut provoquer d'autres dégâts. Avant que les pompiers n'arrivent, tout était parti en fumée. J'ai regardé la voiture brûler. Il y avait des gens aux alentours mais personne ne pouvait faire quoi que ce soit.

Qui peut avoir fait ça ?

Je n'en ai aucune idée. J'attends les conclusions des enquêtes de la police. Je me dis que c'est la suite logique des menaces que j'ai reçues. Depuis le début, on me dit "on va te tuer, on a tous les moyens pour le faire". Ils ont même signifié dans une des lettres que ce sont eux qui ont fait voler mon portable. Une autre lettre me disait qu'ils vont jeter une grenade dans ma voiture. Je ne peux pas dissocier les menaces de l'incendie. C'est peut-être la ou les mêmes personnes qui essayent de mettre tous les moyens pour me déstabiliser.

Que vous reproche-t-on exactement ?

Mon engagement pour Thomas Sankara, à travers mon émission. On peut penser ce qu'on veut de moi mais, je l'ai toujours dit, je ne suis pas un sankariste. Je n'ai rien à voir avec la politique. Sankara a toujours représenté pour moi un idéal et ce sont ses idéaux que je veux partager avec les gens. Nous sommes dans un pays où les gens vivent une certaine misère intellectuelle et on fait rapidement des raccourcis. Je ne fais pas de la politique pour qu'on me traite d'opposant. Je fais une musique qui est peut-être engagée et c'est tout simple. Les récupérations, je n'en veux pas. J'ai vu sur Internet qu'un mouvement qui se réclame "Mouvement pour l'instauration d'une démocratie au Burkina" fait une déclaration dans laquelle il menace de prendre des ministres en otages et de brûler des maisons si rien n'est fait. Moi, je ne prêche pas la violence. On a un message qu'on porte et si on voulait mener le combat de façon violente, on aurait pris les armes pour le faire. Ce n'est pas notre style. Nous faisons seulement une certaine peinture de la société. Nous sommes des adeptes de la non-violence. C'est dommage qu'aujourd'hui encore, des gens se comportent de la sorte. Si quelqu'un n'est pas d'accord avec ce que je fais, que la personne vienne me voir pour qu'on s'explique, qu'on mène le débat jusqu'à ce que l'intéressé arrive à me convaincre. Mais, de là à m'envoyer des lettres de menace de mort, à voler mon portable, à me poursuivre après mon retour de la Suisse et à me dire que mon concert du 2 septembre sera mon dernier concert, je dis à ces gens que celui qui doit me déstabiliser n'est pas encore né. Quand je partais en Suisse, des gens ont écrit pour dire que j'avais inventé cette histoire pour fuir le pays. C'est triste que des journalistes écrivent ces choses. La vie que je mène ici au Burkina est meilleure par rapport à celle d'une certaine majorité de Burkinabè. J'ai entamé un combat que je ne vais pas laisser tomber. Je n'ai rien à apporter à la Suisse ou aux Etat-Unis ; mon combat, c'est au Burkina. Je suis revenu mais ces mêmes personnes n'ont pas écrit pour dire que j'étais là. Tout ce que je veux actuellement, c'est avoir la foi car j'avoue que cet incendie m'a beaucoup fait froid.

Est-ce que l'on vous croit quand vous déposez une plainte à la police ou à la gendarmerie ?

C'est la question que je me pose. Quand j'ai reçu les premières menaces en avril, la même nuit je suis allé au commissariat central où j'ai porté plainte contre X. Ils m'ont dit qu'une enquête serait ouverte et jusqu'à ce que je parte en Suisse, le 31 mai, il n'y a rien eu, même après mon retour. Les menaces ont continué. J'ai des amis informaticiens qui m'ont dit que même si on n'arrive pas à mettre la main sur celui ou ceux qui me menacent, on peut au moins savoir à partir de quel ordinateur les messages ont été envoyés. Cela n'a pas été fait jusqu'aujourd'hui. J'ai continué à recevoir les menaces mais je ne voulais même plus en parler parce que j'ai l'impression qu'on ne me croit pas et les gens me disent tout le temps que la personne qui veut me tuer ne va pas me dire à tout moment qu'elle le fera et que, c'est peut-être un simple farfelu. Je leur réponds que même si c'est un farfelu, qu'on mette la main sur lui. Ainsi, je saurai exactement qui c'est et je serai tranquille dans ma tête parce que depuis le début, je ne peux plus aller manger où je veux ni sortir comme je le souhaite. Je suis obligé de me contrôler mais ça, ce n'est pas une vie. Je ne peux pas être chez moi et me sentir comme en prison. Tant qu'on n'est pas enfant de député, de ministre ou de président, on s'en fiche. Un journaliste n'est rien dans ce pays tant qu'on le considère comme étant de l'opposition. C'est triste que la Constitution garantisse la sécurité pour tous et qu'aucune mesure n'ait été prise pour ma protection. J'ai moi-même demandé aux jeunes de mon quartier de surveiller les alentours. Ils montent tout le temps le thé devant ma porte jusqu'à une certaine heure. Quand je suis couché la nuit, je n'arrive pas à dormir et je pense sincèrement qu'avec cet incendie, quelque chose sera fait. Je compte sur la police pour trouver ceux qui sont derrière tout cela.

Avez-vous peur à l'étape actuelle des choses ?

Bien sûr que j'ai peur et je vous dirai une chose ; hier quand j'ai fini d'entraîner ma fille pour ses leçons de classe, je lui ai dit d'aller se coucher et elle m'a fait savoir qu'elle avait peur de dormir seule. J'ai eu les larmes aux yeux. Elle n'a que huit ans et déjà, elle comprend que ce qui m'arrive est dangereux. Je fais le maximum que je peux pour dépasser tout ça mais j'avoue que c'est dur.

En dehors de votre émission, avez-vous déjà eu des accrocs avec quelqu'un ?

Non. Ceux qui me connaissent savent que je n'aime pas la bagarre. La dernière fois que je me suis disputé avec quelqu'un, c'était en classe de 6e. On peut mener des débats intellectuels mais ce n'est pas pour autant qu'on va avoir une dent contre moi. je ne suis pas de nature hypocrite. Si quelqu'un me fait quelque chose qui ne me plaît pas, je le lui fais savoir et c'est tout, je ne garde par rancune. Je n'ai pas assez de temps à vivre pour ça mais des gens peuvent avoir une dent contre moi et comme, je ne suis pas dans leur coeur pour le savoir, qu'est-ce que je fais ? Quelqu'un a une fois écrit dans "San Finna" pour comparer mon émission à radio mille collines. C'est un jeune qui animait une émission d'humour ici, à la radio. L'émission s'étant arrêtée, on a pris des mesures ici parce qu'il y avait trop de vols et celui qui n'a rien à faire à la radio ne doit pas y mettre pied. Apparemment, le jeune en question a mal pris ça et il a écrit pour dire que Ouaga FM est en train de devenir radio mille collines et c'était essentiellement mon émission qui était visée. C'est la liberté d'opinion et chacun peut dire ce qu'il veut de même que les journaux peuvent publier ce qu'ils veulent.

Propos recueillis par Christine SAWADOGO

Le Pays du 2 octobre 2007



02/10/2007
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