Triste et surprenante fin d’une expérience prometteuse
Institut Diplomatique et des Relations Internationales
Triste et surprenante fin d’une expérience prometteuse
Le Conseil des ministres en sa séance du mercredi 11 avril dernier a examiné et adopté un projet de décret portant fermeture de l’Institut Diplomatique et des Relations Internationales et reversement des auditeurs actuels et des premiers fonctionnaires stagiaires (qui sont sortis il y a moins de quatre mois) au ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat pour emploi.
Selon le Conseil des ministres, la raison d’une telle décision réside dans le fait qu’il n’existe aucune adéquation entre les objectifs initiaux de la formation et les résultats auxquels on a abouti.
Il est un fait que personne, mieux que le gouvernement, n’est assez bien placé pour juger du degré d’adéquation entre les missions de départ assignées à l’IDRI et les produits de la formation.
Sans doute il est de sa responsabilité de prendre une telle décision s’il le juge nécessaire car le chef de l’exécutif, à savoir Blaise Compaoré, est la personne à qui le peuple, en toute souveraineté, a confié sa volonté pour cinq ans. Il est donc légitime et légal.
En outre, dans un pays où le gouvernement est souvent accusé, moins à tort qu’à raison, de laxisme dans la gestion de l’administration publique, le principe de la fermeture est plus que justifié surtout, comme le souligne le Conseil des ministres, si l’employeur qu’est l’Etat (incarné par le gouvernement) ne se reconnaît pas dans le produit fini.
Il serait donc inconvenant de lui faire grief du point de vue du principe. Mieux, il faut même l’encourager à être plus incisif dans ce climat ambiant d’impunité et de laisser-aller.
Toutefois, il est des questions qui attendent des réponses
Si blâmer le gouvernement pour une décision dont il a compétence, c’est lui faire un procès de mauvais aloi, ne pas chercher à comprendre davantage ce qui a conduit ou paraît avoir conduit à une telle décision serait une attitude non citoyenne.
Aussi, il faut se demander :
- Quels sont les critères d’appréciation qui ont permis de prendre la décision fatale concernant l’IDRI et s’il avait été diligenté une étude sérieuse à cet effet. Certes, en ouvrant l’institut, le gouvernement n’avait pas en son temps tout décrit et tout écrit publiquement à l’intention de l’opinion; donc quelque part, on peut penser que par souci de parallélisme des formes, nul besoin de préciser les critères qui ont conduit à la fermeture.
Cependant, l’argument peut résister difficilement à la critique pour deux raisons: d’abord parce qu’une bonne gouvernance politique et économique suppose qu’en situation de crise, les pouvoirs publics soient les plus transparents possible; ensuite, au regard des conditions dans lesquelles la décision a été adoptée par le conseil, on est en droit de se dire qu’il y a eu précipitation. En effet, de sources concordantes, il ressort que le dossier n’est pas passé par le secrétariat général du Gouvernement et du Conseil des ministres, ce qui suppose que nombre de ministres n’ont connu le dossier qu’une fois dans la salle du conseil.
- Est-ce le prix d’une certaine insuffisance de résultat de la part de la première promotion de l’institut, dont les éléments ont pris service seulement depuis le 19 février 2007 ?
Apparemment non, puisque leurs notes de fin de formation étaient très bonnes, semble-t-il. De plus, depuis leur prise de service, aucun d’entre eux, autant que nous le sachions, n’a fait l’objet de sanction quant à son rendement. Et même si cela avait été le cas, un ou deux cas n’auraient pas suffi à tirer une conclusion qui, à l’évidence, lèse directement une soixantaine de personnes et indirectement une centaine si on tient compte du nombre de personnes qu’un salaire ou une simple bourse permet de supporter.
- Quelle est la qualité des enseignements qui sont dispensés à l’IDRI. Peut-être y sont-ils de piètre qualité. Ce dont on peut douter car il nous est revenu que le niveau s’apparente à celui des établissements universitaires. Si fait que les fonctionnaires, qui avaient été autorisés de passer le concours, auraient, pour une bonne partie, échoué. Résultat, les stagiaires de l’IDRI sont, pour la plupart, titulaires de la maîtrise ès lettres ou sciences humaines et sociales. Ils sont donc a priori balaises et même très balaises au regard de la richesse et de la variété de leur programme de cours à l’université et à l’IDRI au double plan théorique et pratique.
Le probable rapport entre la fermeture et l’actualité
Comme on peut le constater, les trois explications formulées sous forme d’interrogation ont une force de conviction limitée. Partant de cela, une catégorie de l’opinion constituée des fonctionnaires stagiaires (ceux ayant fini leur formation mais n’ayant pas encore un an de service) et stagiaires fonctionnaires (les auditeurs actuels) croient dur comme fer que la décision de fermeture est consécutive à la marche que les agents du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale ont organisée, sous la houlette du Syndicat autonome des agents du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale (SAMAE) pour revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail.
Il sied donc de se demander si là, il n’est pas fait à l’institut un mauvais procès, cela pour une raison bien simple: si la fermeture de ce centre a bel et bien un lien intime avec l’actualité, il y a lieu de s’interroger sur le fait que ladite mesure n’ait pas été étendue à l’ENAM, du moins à sa section Diplomatie au regard du fait qu’en termes de nombre il y avait plus de diplomates anciens énarques à battre le pavé. Tout porte donc à croire qu’il y a deux poids, deux mesures sans que l’on sache pourquoi.
Pour ne rien arranger, de sources proches du ministère, la fraction la plus incisive de la base sociale du SAMAE serait constituée des éléments de la première promotion de l’IDRI. De même, un membre du staff dirigeant du ministère chargé des Affaires étrangères nous a confié qu’en réalité, l’IDRI paie cash pour la proximité syndicale et idéologique supposée ou réelle du SAMAE avec la CGTB.
Enfin, une troisième opinion veut que les stagiaires de l’IDRI aient fait carrière au sein de l’Association nationale des étudiants burkinabè (ANEB) avant de «migrer» vers l’institut où ils auraient plus des réflexes d’étudiants d’UFR (pour ne pas dire d’opposants au pouvoir) que de stagiaires d’école professionnelle, d’abord préoccupés par leur formation et leur carrière de fonctionnaire.
Pour les intéressés, un regard critique sur le SAMAE ainsi que son fonctionnement oblige à conclure tout autre chose. En effet, selon eux, il ressort qu’aucun diplomate «idrique» n’occupe un poste dans le bureau dudit syndicat, et que l’institut n’est pas le point de chute exclusif d’anciens syndicalistes étudiants plus dévoués les uns que les autres. Ceux-ci se retrouvent aussi bien à l’ENAM, à l’IDRI qu’à l’ENAREF et dans tout ce qui est école de formation professionnelle au Burkina.
Espérons que ce n’est pas là la vraie raison
Dans cette affaire, il semble que le personnel administratif et le corps professoral n’aient été informés que par les médias. Même le directeur général Mouhoussine Nacro n’aurait été informé que par quelqu’un qui a écouté le compte-rendu du conseil des ministres mercredi dans la nuit. Il aurait donc essayé de joindre au téléphone les ministres concernés (chargés de la Fonction publique, des Affaires étrangères, des Enseignements) en vain.
Une telle rumeur peut relever de l’intoxication dont les Burkinabé ont le secret. Elle ne traduit pas moins le fait que la direction de l’institut et les enseignants ne sont certainement pas d’accord avec le principe de la fermeture. Les stagiaires encore plus.
Cependant, on ne peut qu’être interloqué à cause du sort qui est réservé aux fonctionnaires stagiaires et aux stagiaires fonctionnaires sortis du défunt IDRI. En décidant de les reverser à la fonction publique sans avoir même envisagé de leur faire passer un test aux fins d’apprécier leur aptitude à exercer le métier de diplomate, il est difficile de convaincre du contraire ceux-là qui pensent que derrière le décret portant fermeture de l’établissement se cache en réalité une sanction qui ne dit pas son nom. Même si on se surprend en train de penser que ce ne peut être là la vraie raison vu l'inconsistance de l’argumentaire.
Sur un autre plan, même si la décision du conseil est collégiale, il n’en demeure pas moins que les ministres assument individuellement l’initiation des dossiers qu’ils introduisent pour adoption. Toutefois, le conseil gagnerait à être plus vigilant pour dire non quand la forme des dossiers n’est pas au rendez-vous ou quand leur fond pose plus de problèmes qu’il n’en résout. Et c’est le cas ici. Un non de la part du conseil ne signifie pas un désaveu parce qu’il sera dit dans les formes qui seyent et en plus il peut se révéler être bénéfique pour le ministre concerné et pour l’ensemble du gouvernement en permettant d’éviter les travers.
Rappelons-nous seulement qu’il y a quelque temps, la ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme, Aline Koala, avait introduit un dossier en conseil des ministres pour demander la suppression de l’Institut des peuples noirs (IPN). Grâce à la forte charge historique, politique et sociale dudit institut, le conseil avait jugé qu’il n’était pas opportun de le faire. Très sage décision même s’il faut ajouter que le rayonnement diplomatique du Burkina Faso crée des conditions favorables pour que le gouvernement trouve les moyens pour dynamiser l’IPN.
Quant à Y. Ouédraogo, on peut le comprendre car à ce que nous sachions, c’est la première fois que des agents marchent pour des revendications d’ordre interne. Mais cela signifie qu’il y a au moins un problème: ou le ministre a raison et c’est un problème managérial qu’il doit résoudre, ou il a tort et il n’y a rien à dire. En tout cas, une chose est certaine: si, comme on le susurre, il a refusé de recevoir les responsables du syndicat, il a eu tort. Espérons seulement que cela, c’est de l’intox.
Si, par bonheur, le gouvernement estime que les soupçons de sanction sont erronés, il pourrait, à défaut de rapporter sa décision, minimiser les dégâts en n’affectant pas les fonctionnaires dans des directions garages ou en tenant un tant soit peu compte de leur souhait. Le gouvernement est déjà engagé sur plusieurs fronts sociaux dont le dernier en date est la manifestation, le lundi 16 avril, des gardes de la sécurité pénitentiaire. Il ne serait ni opportun ni prudent d’en ouvrir d’autres. Ce n’est pas de la couardise que de penser ainsi. C’est simplement par sagesse et par souci de sauvegarde de l’essentiel: la paix sociale et la stabilité politique.
Zoodnoma Kafando
L’Observateur Paalga du 18 avril 2007
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